Le samedi soir, il y a des gens qui s’ennuient, des gens qui travaillent, des gens qui dorment, des gens qui vont en boîte pour oublier leurs solitudes, des gens qui ne font rien pour oublier que le temps passe trop vite. Et puis il y a des gens comme moi, qui vont au salon de l’érotisme avec des copines parce qu’ils n’ont rien d’autre de mieux à faire. C’est ainsi qu’au soir tombé, nous avons affronté le froid polaire de la nuit toulousaine pour nous diriger vers le Parc des Expositions – lieu reculé qui accueillait, ce soir là, une singulière exposition.
A l’entrée, il y a une queue impressionnante (*) sur laquelle flotte une persistante odeur de saucisse (*) : mais comme rien ne saurait nous arrêter (*), nous dégainons (*) les onze euros qui nous permettront d’accéder au temple de l’amour(*) et du raffinement (*)
(Lorsque la petite étoile apparaîtra, ton second degré en grand tu ouvriras)
Au départ, c’est drôle. Il règne dans le salon une atmosphère bon enfant, à cent lieues du repaire de pervers polymorphes dans lequel je m’attendais à atterrir. Les badauds qui soupèsent des sextoys ou goûtent des huiles de massage au chocolat viennent de partout, et le puceau boutonneux côtoie allègrement le couple de retraités couverts de tweed et de fourrure. Les premiers stands sont presque chastes : on y vend du maquillage, des faux ongles, des faux cils, des faux sexes.
Le salon de l’érotisme = ze place to be pour faire ses emplettes de Noël.
Comme dans n’importe quel autre salon, les commerçants sont répartis en stands, et les marchandises présentes sont éclectiques : des moulages de phallus en chocolat vivent en bons termes avec des ensembles de lingerie, des joujoux à piles ou des DVD non cautionnés par l’académie des Césars.
Les sucettes à l’anis d’Annie < les bonbons du salon
Et puis un bruissement se fait sentir : sur la scène, au centre du salon,
un présentateur annonce un défilé de lingerie. Les mannequins se suivent et se ressemblent, et dans l’assistance, on joue à savoir laquelle de ces poitrines nues est refaite, lequel de ces torses est nourri aux stéroïdes. Au son d’une musique dégoulinante, les spectateurs mastiquent des sandwiches saveur plastique en jetant un oeil sur le défilé : les vêtements en eux-mêmes sont parfois intéressants, quoique difficilement mettables pour aller à la fac. Ou au Macumba. Ou à Pôle Emploi.
Difficilement portable au quotidien, m’voyez.
Puis un strip-teaser emboîte le pas au défilé – et lorsqu’un présentateur hurle quelque chose comme « chippendales-dans-cabine-individuelle-gratuite-pour-les-femmes-seulement« , un flottement se fait sentir et nous manquons de tous mourir écrasés par un mouvement de foule sans précédent.
Le salon est divisé en deux parties : la plus vaste est interdite aux moins de seize ans, la plus restreinte interdite aux mineurs. Mues par l’instinct de l’aventure, mes amies et moi-même décidons de nous acquitter de la dîme de trois euros nécessaire pour explorer cet autre côté de la Force.
Sitôt entrées dans le second espace, l’amusement cède le pas à un profond malaise. La mixité du premier espace n’est plus qu’un lointain souvenir, et les badauds qui déambulent dans les allées sont essentiellement des hommes – des hommes seuls. Tous les deux mètres, une strip-teaseuse vêtue de trois centimètres carrés de tissu tente d’attirer un client pour un « show privé ». Les prix et les corps sont partout identiques, et il y en a pour tous les goûts : 29€ le strip-tease en bikini, 39€ le topless, 49€ le show avec gode, 59€ le show lesbien – entre autres.
Mais l’espace interdit aux moins de 18 ans ne se limite pas aux licencieuses cabines en lesquelles se déroulent maints strip-teases : agglutinés autour d’une scène, des badauds admirent, bave aux lèvres et caméra au poing, un spectacle d’un genre particulier. Deux jeunes femmes, belles, minces, nues et dotées d’une poitrine à faire pâlir d’envie Pamela Anderson, appellent sur la scène un jeune homme d’une vingtaine d’années qui se trouvait alors dans le public. Elles le déshabillent sous les cris de l’assistance, et des huées moqueuses résonnent lorsque le sexe du jeune homme est mis à nu : bien entendu, il ne bande pas. Je quitte les lieux, gênée, alors que l’infortuné cobaye, allongé sur le sol, se fait asperger de chantilly et d’huiles diverses sous les vivats des spectateurs.
Sur le chemin du retour, nous ne savons que penser de notre soirée. Le salon de l’érotisme, repaire d’une sexualité qui se veut ouverte et libre, est, somme toute, d’une bien triste conformité : là-bas, tout s’achète et se monnaie, et le corps n’est guère qu’une marchandise parmi d’autres. Erotique, le salon de l’érotisme ? Pas plus qu’une sex-tape de Jean-Pierre Pernault qui folâtrerait avec Evelyne Dhéliat : c’est marrant au début, mais gênant à la fin.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Déjà, faut savoir deux choses : l'une, c'est que j'y suis allée avec le chéri. L'autre, c'est que nous ne sommes pas allés dans la section -18, c'était plus cher que 3 euros il me semble, et de toute façon on était pas intéressés.
Perso j'y ai pas ressenti de malaise. Peut-être si j'y avais rencontré un collègue...
J'ai pas fait vraiment attention aux gens, c'est vrai qu'il y a de tout. Ceux qui viennent en potes pour rigoler, le célibataire un peu en manque, le couple dont la nana est jalouse et fait la gueule (intérêt ?), ...
Qu'est-ce qu'on y a vu ? Au niveau des stand, un peu toujours la même chose.
D'abord, la lingerie. Mignonne pour la plupart, certes. Mais assez cher pour ce que c'est (c'est pas du Marionnaud quoi), et surtout, taille de guêpe unique. Alors bon, quand le chéri te file un coup de coude en te montrant une tenue, et que tu lui dis "oui mais non je rentrerais pas là dedans... ou alors ça fera effet filet mignon", ça casse un peu le rêve.
Ensuite viennent forcément les god... Etant amatrice du genre, j'ai découvert des choses sympa, étonnantes. Au début. Parce qu'au bout de 3 stands, c'est toujours les mêmes, en répétition.
Au niveau des prix, c'est assez kiff kiff avec les boutiques.
Et après, y'a tout un tas d'accessoires, chaussures immettables, huiles dont tu ne te sert qu'une fois, vernis qui ne rendra pas aussi bien sur tes ongles, ect...
On croise effectivement beaucoup de nanas qui essayent de choper du mec pour aller en cabine privée, payante. Pas grand monde à l'air intéressé.
Et enfin, viens l'heure des show. Et là, je dois avouer qu'on a apprécié.
On a d'abord vu un ou deux strip banals, mais jolis quand même. Ensuite, une femme est venue en Cosplay de Tron. Peu de moyen, ses leds s’éteignaient tout le temps, dommage. Mais l'idée est bonne, on apprécie. Et enfin viens le tour des dames, avec soit disant le plus beau strip teaseur de l’Europe. Alors s'il a des muscles en béton, sa gueule n'est pas de mon goût. Mais bon. Il se pointe avec l'un des meilleurs costumes que j'ai jamais vu : Prédator. Et là, le chéri et moi, on hallucine un peu. Il fait un truc du tonnerre. Il chope même une nana dans le public qui deviens toute rouge
Bref, tout ça pour dire que c'était agréable à voir, même si nous, ça nous a pas allumé le feu sacré.
J'avoue que si j'avais vu la même chose qu'Alfredette, avec le mec qui peine à bander, j'aurais été tout aussi mal à l'aise... Bien ravie de ne pas avoir franchi la zone -18 alors.
Cependant, je pense que ça reste quelque chose qu'on doit faire solo ou en couple. Entre amis pour rigoler, on ressortira forcément un peu déçu. (bon, faut aussi que le couple soit assez open, accepter l'idée que monsieur va voir du nichon, et que madame va mater aussi)
C'est pour ça que quand une amie et son copain on voulu s'incruster avec nous pour cette année, j'ai annulé. Je me vois pas acheter un god devant elle et son copain
Bref, tout ça pour dire que pour apprécier, ou être déçu, et bien tout cela dépends de nos attentes.