En journalisme, un marronnier est un sujet médiatique récurrent. Sont donc des marronniers : la rentrée des classes, les soldes, les vacances scolaires, le Beaujolais nouveau, Noël et… le Salon de l’Agriculture.
Cet événement que je ne voyais qu’à travers le filtre du JT de Jean-Pierre Pernaut, il m’a fallu aller le vivre de moi-même. Voici dont le bref récit de ma première accréditation à l’un des événements les plus populaires de notre pays.
J’ai choisi de découvrir le Salon de l’Agriculture en me rendant à sa traditionnelle nocturne du vendredi soir, temps fort de la rencontre internationale. Pour l’occasion, le Parc des Expositions promettait de ne fermer ses portes qu’à 23h.Au début de la soirée, l’ambiance est encore familiale : travailleurs tout juste sortis du travail et couples venus avec leurs enfants arpentent gentiment les allées. Du haut de l’escalier, le fourmillement des visiteurs s’impose à la vue :
Des vaches, des poules, des lapins : les animaux exposés font la joie des plus petits. La scénographie du lieu fait la suggestion de panneaux explicatifs. Très bien foutu.
J’imite ma voisine de droite (8 ans) qui prend en photo les pis d’une splendide vache. À la différence près que je me sers d’un réflex, elle d’une Nintendo DS.
Ça, c’est un coq hyper pédant. Non content d’être déjà en possession d’une crête mi-brushing à la Tina Turner, mi-Eurêka (le goéland dans la Petite Sirène) qui vient de se coiffer avec une fourchette, le mec dodelinait de la tête comme sur un tube de vacances.
[NSFW] Les testicules bien en forme d’un bovin.
[CUTENESS] Des poussins.
Là, c’est un enclos rempli de poules soie. Sachez à ce propos qu’en 1599, Ulisse Aldrovandi, écrivain italien, a publié un traité sur les poules où il parle de poules au plumage « similaire à de la laine » et d’autres « vêtues de cheveux comme ceux d’un chat noir. » Miaouuuu.
Au bout d’une heure à se balader entre les animaux de la ferme, mes copains et moi avons décidé qu’il serait de bon ton d’aller prendre l’apéro. On a alors quitté le hall des animaux pour rejoindre celui des stands de bonne ripaille.
Notre choix s’est porté sur un spot proposant des pintes à 5 euros. Au cour de la soirée, l’ambiance du Salon se décontracte complètement : les familles sont reparties, ne restent que les fêtards avides de s’enivrer en mangeant des rillettes.
Cette photo sera la seule de la soirée où j’apparais digne.
Étals de produits du terroir, moult sortes de saucissons secs, fromages, charcuterie, chips artisanales, douceurs sucrées : au milieu de ces stands censés nous vendre un parfum de France profonde, on se surprend presque à concéder l’achat d’un sandwich à 6 euros. Qu’on finira par ne pas regretter, puisque pour 2 euros en plus qu’en boulangerie, l’épaisseur de la rillette est triple, le jambon est de pays et les cornichons vinaigrés maison.
Si officiellement les portes du Salon ferment à 23h, nombreux sont les petits malins qui savent que l’on peut tirer jusque 00h30 / 1h du matin. Il suffit de ne pas regagner les portes à l’annonce de fermeture… et rester enfermés avec les équipes qui rangent le parc des expos. Le temps de quelques autres pintes, en fumant des clopes sur lesquels les agriculteurs ferment l’oeil – puisqu’eux, fument la pipe avec nous.
Évidemment, l’atmosphère générale a un petit côté « les Parisiens à la rencontre de la France profonde » et on ne peut s’empêcher de relever le côté « vitrine » qu’ont les agriculteurs. Mais si la rencontre peut être taxée de « caution : la France des villes s’intéresse à la France des champs » et de supermarché de la France « paysanne », reste que cette mise à l’agenda du monde agricole est salutaire, quand on sait le trop faible traitement médiatique qu’il lui est habituellement accordé.
En espérant que ce type d’événements joyeux ne fasse pas oublier pour autant les problématiques du monde agricole (chez les agriculteurs, le taux de suicide est 3 fois plus élevé que chez les cadres).
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Les Commentaires
C'est peut être vrai pour ta région, je ne connais pas les produits du terroir de toute la France. en revanche, je connais bien les spécialités Corses, et le saucisson d'âne, ça n'existe pas. La région de Folini, non plus. Ce ne sont pas des nouveautés, ce n'est pas un grand jeu, ce n'est pas juste pas connu, ça n'existe pas. Les producteurs qui vendaient ça n'avaient même pas d'exploitation en Corse.
D'ailleurs je connais bon nombre d'agriculteurs qui ne veulent plus y aller parce qu'ils sont écoeurés par ces mecs là qui vendent à prix d'or de la charcuterie "terroir" dont la viande provient majoritairement d'Amérique du Sud. Comme tu le dis, ils sont passionnés par leur métier et font des km pour monter à Paris. Je comprends donc qu'ils aient sacrément les boules.
Je suis d'accord avec toi sur le fait que Mac Do soit un non sens au salon de l'agriculture, je n'ai absolument pas dit le contraire. Mais vendre des produits du terroir bidons, fabriqués à la chaîne avec de la viande venue de l'autre bout du monde et sur laquelle on a collé un autocollant "Corsica" ou "Breizh" ou "Cantal", ou que sais je, c'est tout aussi choquant. Et pour les agriculteurs, et pour les consommateurs.