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Crédits : Audrey Dufer
Politique

Rozenn Le Carboulec, 10 ans après le mariage pour tous : « C’est un anniversaire amer pour beaucoup de personnes concernées »

Avec « Les humilié·es », la journaliste Rozenn Le Carboulec consacre un livre à la loi sur le mariage pour tous et aux débats houleux qu’elle a occasionnés. Précis, très étayé et délibérément politique, il donne enfin la parole aux premiers concernés : les personnes LGBT+.

Invisibilisation, promesses en l’air, insultes, agressions… Pour de nombreuses personnes LGBT+, le mariage pour tous n’est pas une « victoire totale » comme aime le répéter l’ancien chef de l’État François Hollande. Les débats autour du mariage pour tous, Rozenn Le Carboulec les suit depuis quelques années maintenant. Elle y a même consacré une saison de son podcast Quouïr (Nouvelles Écoutes) à travers le parcours d’Augustin, jeune gay, emmené enfant à la Manif pour Tous.

C’est cette fois dans un livre que la journaliste lesbienne analyse le phénomène. L’occasion de revenir sur la violence des débats de l’époque, contextualisée, historicisée, mais aussi imputée à un certain nombre de personnalités politiques. Rozenn Le Carboulec souligne aussi dans ce livre fouillé la contemporanéité d’un ensemble de polémiques qui ont durablement marqué l’ensemble de la communauté LGBT+.

Le titre « Les humilié·es » fait référence à une citation d’Emmanuel Macron. Les débats autour de la Manif pour tous sont pourtant associés à François Hollande et à son gouvernement. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Rozenn Le Carboulec. J’ai choisi effectivement ce titre parce que je trouve que les propos qu’a pu tenir Emmanuel Macron dans cette interview à L’Obs en 2017 résument très bien la teneur des débats de 2012 et 2013 et la ligne politique et médiatique globale tenue et défendue à l’époque. François Hollande a fustigé cette sortie plus tard, mais avant tout dans une stratégie politique pour s’opposer à Emmanuel Macron. C’est des propos que beaucoup de personnalités politiques auraient pu tenir. Je savais très bien que tout le monde n’aurait pas la référence. Mais, c’est ce qui m’a marquée à l’époque parce que j’étais journaliste, lesbienne, et donc personne concernée.

C’est une référence que vous explicitez dans votre livre. Vous revenez plusieurs fois à la citation, c’est l’occasion de mentionner aussi les responsabilités d’autres personnalités du gouvernement actuel et du précédent. Je pense à Caroline Cayeux, je pense à Christophe Béchu. Je me demandais aussi s’il avait une volonté de responsabiliser aussi celles et ceux qui sont au pouvoir encore aujourd’hui quant à des débats qui ne sont jamais totalement clos.

Bien-sûr, même si je n’ai pas ce pouvoir-là, malheureusement. Mais j’aimerais beaucoup que les politiques qui sont en situation de pouvoir actuellement lisent le livre. Parce que ce qui s’est joué il y a dix ans s’est rejoué par la suite avec La PMA pour toutes, se rejoue actuellement contre les personnes trans et va se rejouer à un autre moment, que ce soit contre les personnes LGBT+ ou contre les femmes dans leur ensemble. C’est ce qu’on observe dans d’autres pays où des mouvements réactionnaires et d’extrême droite s’emparent de ces thématiques pour cibler des minorités. Et donc, ce sera tôt ou tard de nouveau instrumentalisé à des fins politiques. Et je pense qu’il est important d’avoir conscience de ça, de savoir d’où ça vient pour mieux pouvoir lutter contre et analyser, et décortiquer tout l’argumentaire à l’œuvre dans l’attaque de ces droits.

Et c’est vrai que justement, vous revenez pas mal en arrière sur les précédents de ces débats-là, notamment ceux autour de la supposée théorie du genre et autour du Pacs. Est ce que vous pensez qu’il y a une véritable continuité ?

Chaque débat a bien sûr ses logiques propres, puisque chaque débat s’inscrit dans une époque, dans un contexte historique particulier. Mais effectivement, ce que j’ai pu constater en faisant ce livre, c’est que quelque part, toutes ces luttes pour l’égalité des droits s’inscrivent dans la même continuité. Que ce soit au moment du Pacs, que ce soit au moment du mariage de Bègles en 2004, que ce soit au moment du mariage pour tous (et tout ce qui a entouré le mariage pour tous autour de la théorie du genre, les ABCD de l’égalité, les manuels de SVT à l’école…), que ce soit dans le cadre du débat sur la PMA pour toutes, que ce soit aujourd’hui dans les paniques morales à l’œuvre contre les personnes trans, on observe que les protagonistes qui agitent ces épouvantails et ces paniques morales sont souvent exactement les mêmes.

On retrouve, par exemple, aujourd’hui dans les paniques morales sur les personnes trans, Caroline Eliacheff, qui était à l’époque une des premières à s’opposer au Pacs et au mariage pour tous. On retrouve, au sein de l’Observatoire de la Petite Sirène, une des organisations les plus visibles qui s’expriment sur les droits des personnes trans, des personnes qui étaient membres très actives de La Manif Pour Tous en 2013. On retrouve exactement les mêmes arguments autour de la « différence des sexes », autour de la « rupture anthropologique », autour de la défense de l’intérêt supérieur de l’enfant.

On observe exactement les mêmes mécanismes médiatiques entre ce qui était à l’œuvre il y a dix ans contre les personnes homosexuelles et aujourd’hui contre les personnes trans

Rozenn Le Carboulec.

Il y a une réelle continuité là-dedans, mais aussi dans le traitement médiatique. On a observé en 2013 que les personnes concernées étaient totalement invisibles dans les médias. C’est le cas aujourd’hui avec les personnes trans. L’AJL, l’association des journalistes LGBT+ dont je fais partie, a pu mettre en avant dans différentes études que l’on observe exactement les mêmes mécanismes médiatiques entre ce qui était à l’œuvre il y a dix ans contre les personnes homosexuelles et aujourd’hui contre les personnes trans, c’est-à-dire l’invisibilisation des personnes concernées, les obsessions médiatiques des médias de droite et réactionnaires, comme Le Figaro, par exemple, qui est un des principaux médias à publier des articles sur ces sujets-là, la binarité dans les débats, l’utilisation du format de la tribune pour opposer des points de vue quand bien même les signataires n’ont parfois strictement aucune légitimité et aucune expertise sur le sujet…

C’est vraiment la même partition qui se joue avec les mêmes chefs d’orchestre. Le public est un peu différent, mais ce sont les mêmes notes qu’on entend sans cesse depuis des années. Donc ça fait peur et en même temps, c’est rassurant parce que du coup, si on les connaît, on peut mieux les combattre aussi.

La manif pour tous a parfois été présentée comme un mouvement spontané, quelque chose d’horizontal. Il y a pourtant eu tout un travail quasiment esthétique pour casser une image un peu bourgeoise, un peu traditionnelle. Est-ce que cette stratégie a vraiment fonctionné ?

Je pense que sur le coup, ça a marché. Ils ont quand même réussi à rassembler tout un pan de la population alors qu’ils étaient minoritaires. À ce moment-là, la majorité des Français et des Françaises étaient favorables au mariage pour tous. Mais ils ont quand même réussi à fédérer. Aujourd’hui, les Manifs Pour tous restent parmi les manifestations qui ont mobilisé le plus de personnes dans la rue en France. Donc, ce n’est pas rien.

Les Manifs pour tous s’inspirent énormément des marches des fiertés dans leur organisation

Rozenn Le Carboulec.

Et je pense que le talent de La Manif Pour Tous en termes de communication, de marketing et d’organisation a participé au succès de ce mouvement. Et notamment à travers la réappropriation de codes de mouvements sociaux de gauche, voire d’extrême gauche, de réappropriation de luttes antiracistes, la réappropriation de combat de personnes LGBT+ et de codes de la communauté. Par exemple, les Manifs Pour Tous s’inspirent énormément des marches des fiertés dans leur organisation, dans la musique qui est diffusée. Ce semblant d’air de fête qui ne fait pas illusion aujourd’hui a pu faire illusion à l’époque. Et donc oui, tout le monde n’était pas dupe, bien sûr, mais je pense que cela a permis à ce mouvement conservateur de fédérer, parfois peut-être au-delà des cercles catholiques, même si ça restait une mobilisation en très grande majorité blanche, bourgeoise et catholique.

Un phénomène reste prégnant encore aujourd’hui : celui de symétrisation, que vous mettez en avant dans le livre.

Cette notion de « symétrisation », elle est notamment explicitée par la professeure en sciences du langage Marie-Anne Paveau. Effectivement, c’est quelque chose qu’on observait beaucoup à l’époque, notamment parce que c’était l’apogée de ce qu’on appelait « le journalisme citoyen » ou « le journalisme participatif ». Beaucoup de ces espaces ont disparu, mais on assiste quand même toujours à une sorte de symétrisation dans la manière dont sont tenus les débats. On estime encore aujourd’hui que tous les points de vue se valent, qu’ils méritent tous d’être mis en avant de la même façon et on est toujours dans cette vision binaire de l’actualité, surtout en ce qui concerne l’actualité sociétale. Comme le dit très justement Eric Fassin, quand on parle de l’économie, on se permet beaucoup moins ce genre de choses. Et dès lors qu’il s’agit des sciences humaines et sociales, tout est permis. Et bien sûr, on l’observe toujours dans les médias dits de gauche où on estime qu’il faut donner la parole aux opposants au nom de la liberté d’expression. Ça, j’ai l’impression que c’est encore le cas aujourd’hui.

Comment est-ce que vos pratiques journalistes ont évolué depuis dix ans ? Est-ce que ce livre vous a permis de conscientiser cette position ?

Bien sûr. Moi, à l’époque, j’étais journaliste débutante. Je crois que je commençais tout juste à m’affirmer comme féministe. Et c’était encore un gros mot. Ça peut encore l’être aujourd’hui d’ailleurs pour certaines personnes. Je me savais lesbienne, mais je ne m’affirmais pas lesbienne publiquement et encore moins au travail. Donc, c’est sûr que d’un point de vue personnel et intime, j’ai beaucoup évolué depuis, mais aussi d’un point de vue professionnel puisque j’étais aussi beaucoup moins sensible aux questions LGBT+ qu’aujourd’hui. J’ai des regrets sur la manière dont j’ai pu traiter certains sujets LGBT à l’époque parce qu’on peut être concerné et ignorant sur ces questions-là. Il y a des choses que j’aurais pu mieux faire.

Il y a un passage dont je parle dans le livre, sur le portrait d’une femme trans que j’avais publié et pour lequel la cheffe qui m’avait relue a tenu absolument à ce qu’on mette le dead name de la personne (prénom de naissance ou précédent nom d’une personne qui a changé de prénom en raison de sa transition de genre, ndlr) et à ce qu’on genre la personne au masculin pour une soi-disant meilleure compréhension des lecteurs. Et moi, j’avais lutté mais je n’avais aucune marge de manœuvre à cette époque-là pour faire respecter l’identité de genre de cette personne. Je regrette aussi d’avoir pu publier des tribunes de membres de la Manif pour tous sur Le Plus. Mais comme je le dis aussi dans le livre, à cette époque-là, j’étais journaliste débutante, j’étais précaire, j’étais pigiste et tout le monde ne peut pas se permettre de s’afficher et de s’affirmer dans les médias. Quand on est en situation de précarité, c’est toujours plus compliqué et c’est pour ça qu’il est important d’embaucher des personnes concernées, y compris à des postes à responsabilités.

L’AJL est née justement à la faveur des débats sur le Mariage pour tous parce que les personnes concernées étaient invisibles. L’association a vraiment œuvré à éduquer les journalistes sur ces questions-là. Et aujourd’hui, une cinquantaine de médias sont signataires de la charte de l’AJL sur le traitement des questions LGBT+ dans les médias. Après, ce qu’on observe malheureusement, c’est que c’est surtout une affaire de bonnes volontés individuelles. C’est-à-dire que certains journalistes vont s’intéresser aux questions et vont peut-être contacter l’AJL parce qu’ils ont un doute sur certains termes. Mais on observe peu de mouvement collectif de média à part entière pour mieux traiter ces questions-là. Et le problème, c’est que tant que ça ne viendra pas d’en haut, comme toujours, ça évoluera très doucement.

Sur le travail des associations, vous parlez beaucoup de l’AJL évidemment mais aussi de « Oui oui oui », collectif défendant l’ouverture à toutes et tous du mariage, de l’adoption et de la PMA. Récemment, pour les 10 ans du Mariage pour tous, c’est François Hollande qui était en une de Causette, comme si le pouvoir politique avait fait preuve de clémence. Qu’est-ce qu’on doit aux associations ? Est-ce que vous avez l’impression qu’elles ont la reconnaissance qu’elles méritent ?

Quand je dis que j’ai voulu donner la parole aux personnes qui ne l’ont pas eu à l’époque avec ce livre et mettre en avant les vrais humiliés, il s’agit aussi, bien sûr, de rendre hommage aux associations LGBT+ à qui on doit ces progrès sociaux aujourd’hui, et non pas aux politiques. Si le Pacs a été voté, si le Mariage pour tous a été voté, c’est parce que des associations et des individus se sont mobilisés pour faire évoluer l’égalité des droits. Au moment du Pacs avait par exemple été publié le Manifeste pour l’égalité des droits dont des membres de Aides étaient notamment à l’initiative. Mais, une association comme Act Up a aussi fait énormément au moment du Pacs, du Mariage pour tous, pour sensibiliser, pour faire des actions coup de poing qui ont finalement poussé le PS à prendre position. C’est donc avant tout à ces militants et militantes qu’on doit le « Mariage pour tous ».  

Il me semblait aussi important de rappeler que Oui oui oui à l’époque a été créée pour pallier le manque de représentation des lesbiennes dans les associations LGBT+ et pour porter une vraie revendication de la PMA pour toutes, ce qui n’était pas toujours fait par les associations LGBT+ qui étaient majoritairement présidées par des hommes gays. Et donc il y avait une double invisibilité des femmes lesbiennes, y compris au sein de la communauté.

C’est un peu facile aujourd’hui de s’ériger en grand héros du Mariage pour tous.

Rozenn Le Carboulec.

Et bien sûr, la manière dont François Hollande et d’autres politiques réécrivent l’histoire aujourd’hui est assez indécente. Ce dernier n’a de cesse de dire que s’il n’avait pas été élu président de la République, le mariage pour tous ne serait jamais passé.

Mais la loi n’a pas été votée parce que François Hollande l’a défendue avec ferveur, mais parce que le congrès du Parti socialiste, à un moment donné, a mis ce projet à l’agenda politique, parce que des militants l’y avaient poussé plusieurs années auparavant. Et donc, c’est un long parcours du combattant pour faire en sorte que ce soit inscrit à l’agenda politique grâce aux associations.

C’est aussi grâce à Noël Mamère qui a participé à la visibilisation de ces questions-là en 2004 [en mariant deux hommes dans sa mairie à Bègles, et ce contre la loi] et à Hélène Mandroux qui l’a fait aussi à Montpellier par exemple. Donc, c’est un peu facile aujourd’hui de s’ériger en grand héros du mariage pour tous.

A ce titre, on peut dire que la une de Causette est un vrai loupé, qui ne rend pas hommage à la qualité du travail journalistique de ce dossier. Il est dommage de l’illustrer avec cette une incarnée par un François Hollande qui arbore une écharpe de maire aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, lui qui avait prôné la liberté de conscience pour les maires et qui fait semblant de marier un couple lesbien. C’est une histoire qui est réécrite sans cesse et en l’absence des personnes concernées.

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Vous évoquez aussi le rôle et du travail de Dominique Bertinotti, qui n’est pas forcément très connu du grand public et qui n’a pas forcément pris autant la lumière que des personnalités comme Christiane Taubira et François Hollande sur ce projet de loi. Vous rappelez que ce dernier a offert une place dans les débats aux responsables des cultes, a sollicité l’avis du CCNE (Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé), est-ce que vous avez l’impression qu’il y a une forme de réappropriation du récit autour de cette loi ?

Oui, je dirais qu’il peut y avoir une forme d’injustice. Après, il faut quand même rendre hommage à Christiane Taubira qui était au premier plan, qui a subi un flot d’insultes racistes à l’époque et qui était en fait une des seules politiques à tenir un discours ferme et engagé en défense des personnes LGBT, mais qui l’a fait très tardivement, trop tardivement. Mais c’est vrai qu’on a tendance à oublier le rôle primordial de Dominique Bertinotti à l’époque qui, elle, contrairement à Christiane Taubira, était sensibilisée aux questions LGBT+ par son expérience à la mairie du quatrième arrondissement de Paris. Elle explique dans le livre que sur les questions de fond à l’Assemblée, c’était souvent elle qui répondait. Et il est vrai que je pense qu’elle a eu un rôle crucial dans la vulgarisation des questions LGBT+ auprès des politiques.

Dominique Bertinotti voulait inclure la PMA pour toutes dans le Mariage pour tous et par la suite dans la loi famille, qui n’a jamais vu le jour. Selon elle, ça lui a coûté son poste d’avoir défendu avec trop de ferveur à la fois le Mariage pour tous et la PMA pour toutes.

Rozenn Le Carboulec.

Et il est important de resituer son action aussi aujourd’hui au regard de ce qui a pu être accompli. Et ce d’autant plus qu’elle était, avec Erwann Binet, une des rares politiques en situation de pouvoir à défendre la PMA pour toutes à ce moment-là. Elle voulait inclure la PMA pour toutes dans le Mariage pour tous et par la suite dans la loi famille, qui n’a jamais vu le jour. Selon elle, ça lui a coûté son poste d’avoir défendu avec trop de ferveur à la fois le Mariage pour tous et la PMA pour toutes. Je pense qu’aujourd’hui, il faut lui rendre hommage, et peut-être à d’autres politiques qui étaient davantage dans l’ombre et qui ne cherchent pas aujourd’hui à instrumentaliser cette victoire politique. Même si j’ai du mal à parler de victoire en ce qui concerne le Mariage pour tous.

Pourquoi est-ce que vous avez du mal à parler de victoire ?

Comme je l’ai expliqué dans le livre, c’est un anniversaire amer pour beaucoup de personnes concernées qui ont subi cette année-là un déferlement de haine inédit dans la société. En 2013, les agressions à l’égard des personnes LGBT ont augmenté de 78 %, c’est une explosion vraiment sans précédent. C’est un vote qui a été fait dans la douleur suite à des mois de débats interminables et extrêmement violents. Donc, il est vrai qu’entendre François Hollande aujourd’hui qualifier cette loi de « victoire totale » (parce que c’est l’expression qu’il a employé à plusieurs reprises au cours de notre interview) c’est le privilège des personnes non concernées. Tout comme Laurent Joffrin qui qualifie le Mariage pour tous de « scorie de l’histoire ». C’est un luxe que les personnes LGBT+ n’ont pas et n’auront pas parce que c’est une période qui les a profondément marquées.

Ce sont elles « Les humilié·es » dont vous parlez dans le titre du livre ?

Oui, c’est avant tout, bien-sûr les personnes LGBT+ qui ont subi un déferlement de haine à l’époque, les enfants LGBT+ traînés aux Manifs pour tous par leurs parents [sur le sujet, découvrir le documentaire de Rozenn Le Carboulec, Au nom du fils] et qui ont découvert par la suite leur sexualité ou leur identité de genre dans la plus grande violence… Au sein de la communauté LGBT+ elle-même, je dirais que les femmes lesbiennes, bi et trans ont été doublement, voire triplement humiliées, puisqu’au moment de la couverture médiatique, des débats sur mariage pour tous, les hommes gays invisibilisaient eux-mêmes les femmes lesbiennes, à la fois dans les médias et dans les associations. Parce que les femmes lesbiennes ont dû attendre huit ans de plus pour pouvoir enfin recourir à la PMA en France, Parce que les personnes trans n’ont toujours pas accès à la PMA aujourd’hui en France. Le Mariage pour tous s’est quelque part fait au détriment de la PMA pour toutes et des droits d’autres minorités.

Les Humilié·es de Rozenn Le Carboulec est publié aux éditions Les Équateurs.


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