En ce début mars 2016, je vous fais le point sur mes bonnes lectures du mois passé, avec trois romans dans trois styles encore très différents !
Le dernier songe de Lord Scriven, Éric Senabre
Ancien journaliste, Christopher se retrouve par le fruit du hasard assistant du mystérieux détective Mr Banerjee. Ce drôle de Sherlock Holmes indien a la particularité de résoudre ses enquêtes… en dormant. Ou plus précisément, en décodant ses rêves tarabiscotés, qui lui fournissent la clé des mystères les plus insondables.
Et pour parler d’énigmes tordues, en voilà une particulièrement étrange : un prétendu Lord Scriven se présente à son cabinet, affirmant avoir changé d’enveloppe corporelle, son esprit s’étant emparé du corps de son fidèle majordome. Il est convaincu d’avoir été assassiné alors qu’il était enfermé seul dans ce bureau, sans pouvoir fournir plus de preuve ou d’indice…
« Le rêve ne se contente pas de simples substitutions d’objets, d’êtres, ou d’égalités thématiques. Ce qu’il fallait en retenir, c’est la dualité. »
Le dernier songe de Lord Scriven est un roman qui, en plus d’être très bien écrit, est absolument épatant dans sa maîtrise de tous les fils qui retiennent l’intrigue — dans laquelle vous vous faites embobiner comme jamais, d’ailleurs.
La narration des rêves est remarquable d’inventivité, et on se laisse aller à essayer de les décoder en jouant au détective (sans y parvenir). Bref, le roman se lit comme on palpite devant une enquête policière toute en rebondissements, avec rythme, fluidité et un brin d’addiction.
Rural noir, Benoît Minville
Romain, Christophe, Julie et Vlad, enfants de la Nièvre et de la campagne profonde, ont toujours été inséparables dans leur jeunesse. Mais les épreuves de la vie ont fini par les disperser et leur vie ont pris un tournant.
Lorsque Romain revient dix ans après parmi les siens, si les visages sont familiers, la crise, les mauvaises fréquentations et les trafics divers sont passés par là. Vlad, le meneur du groupe, est retrouvé molesté, entre la vie et la mort. Les trois amis, devenus adultes, vont alors essayer de comprendre ce qui s’est passé, en tâchant de rattraper le temps qui a filé et de faire taire les rancoeurs qui sommeillent en eux depuis des années.
« Tout était né dans les jours qui suivirent cette parade de sourires grisés par l’alcool et l’amitié. L’innocence serait fauchée durant cet été-là. »
Rural noir est un roman brut, où les mots sont parfois encore plus violents que les coups de poing distribués au fil des pages. Au-delà des règlements de compte, il narre aussi les histoires de vie, d’amitié, de famille, de choix, ces histoires qui reposent sur les secrets qui ne parviennent plus à résister au temps.
Le livre dépeint avec finesse, et une once de nostalgie, une vie rurale rongée par les difficultés. Mais pas question de se morfondre : les personnalités fortes (et disons-le, rock’n’roll) des protagonistes insufflent un vent d’insurrection dans ce roman d’une grande humanité dont on ressort ébouriffé•e et plus vivant•e que jamais.
Au feu, Gilda !, Géraldine Barbe
Gilda, actrice quadragénaire fraîchement divorcée et récemment au chômage, décide de se lancer dans la littérature, et plus précisément dans l’autofiction. Elle romance son quotidien, notamment son coup de foudre pour un homme, manifestement lui aussi divorcé, qu’elle croise tous les matins lorsqu’elle dépose son fils à l’école.
À travers l’autofiction et la reproduction des échanges entre Gilda et son éditrice, on suit les pérégrinations de l’ancienne actrice complètement délurée, à travers ses relations sociales assez spéciales et pas très équilibrées, et la fomentation de plans d’action extrêmement barrés pour séduire l’homme convoité.
« Que le monde lui échappe, ça n’est pas vraiment nouveau mais si auparavant elle a toujours réussi à feinter, cette fois on dirait que le monde, oui le monde et ses habitants l’ont distancée, que le code a changé et tout le monde a été prévenu sauf elle. »
Au feu, Gilda ! est un roman qui m’a conquise dès le prologue grâce à son ton piquant et la personnalité hallucinante de Gilda. Son petit côté hystéro-névrosée déconnectée de la réalité mêlé à sa sensibilité de grande rêveuse idéaliste en fait un personnage comme rarement rencontré, loin des clichés de l’amoureuse transie ou de la vieille fille célibataire.
Par ailleurs, si le roman offre de bons et francs moments de rigolade dans les premiers temps (la scène d’ouverture à Pôle Emploi est vraiment fort cocasse), il se montre bien plus profond sur la fin, et invite à la réflexion autour des relations humaines, et plus spécifiquement les relations amoureuses. Un roman admirable par son sens de la formule, qui amuse tout en faisant mine de rien cogiter !
À votre tour, racontez-moi tout ! Qu’avez-vous lu ce mois-ci ?
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Les Commentaires
La série de Cathy Cassidy "Les filles au chocolat" j'ai lu le premier tome, pareil sans en attendre grand chose, et c'est trop bien ! On découvre des héroïnes avec des défauts mais qui ne se retrouvent pas dans des situations rocambolesques dont elles se sortent, ce sont des défauts qui nous ont conduits (ou nous conduisent) à des situations embarrassantes, qui nous font faire n'importe quoi, des choses réelles qui évoquent quelque chose en nous parce que c'est du vécu ou qu'on aurait très bien pu s'y retrouver confronté(e) ! Enfin bref, un vrai coup de coeur pour cette série, du moins le premier tome.