— Publié le 12 août 2014
Cette nuit, Robin Williams est décédé.
J’ai déjà été triste face à la mort d’une célébrité, surtout celles qui, comme Philip Seymour Hoffman il y a quelques mois, finissaient par perdre leur combat contre une addiction, ou une dépression tenace. C’est toujours difficile de voir quelqu’un qu’on admire, pour sa personnalité et/ou pour son travail, quitter ce monde.
Mais là, c’est pas pareil. Là c’est les larmes dans le café et le coeur tout noué, les tripes en vrac, les petits sanglots.
Là, c’est Robin Williams, merde. C’est quasiment la famille.
Robin Williams, le symbole d’une époque révolue
Quand j’étais petite, le dimanche après-midi, lorsqu’il pleuvait (ou mieux encore : qu’il neigeait), que j’avais pris mon bain, fini mes devoirs et que j’attendais la soirée crêpes concoctée chaque semaine par mon papa, j’avais plusieurs options pour ne pas m’ennuyer. Je pouvais faire des exercices de grammaire supplémentaires (lol nope), re-re-re-re-re-re-re-re-re-re-regarder Mulan, jouer à Pokémon jaune…
Et parfois, je choisissais de faire un truc vraiment cool : regarder un film avec Robin Williams. Confortablement installée avec mes soeurs sous une grosse couette molle et douce, un bol de Kix croustillants à portée de main, je lançais une VHS (que je n’avais pas, avec un peu de chance, oublié de rembobiner la fois précédente). C’était parti pour Mrs Doubtfire, Jumanji ou Hook.
Mes parents, à demi occupés avec des trucs d’adultes impliquant plein de papiers à classer et des haies à tailler, trouvaient toujours une bonne raison de venir jeter un oeil sur leur progéniture PILE au moment du relooking de Mrs Doubtfire ou au fameux « RUFIO ! RUFIO !
». Le hasard comme par hasard.
Ma mère finissait par tirer la table à repasser dans le salon, mon père s’asseyait à moitié sur un accoudoir le temps de finir la scène de la danse avec l’aspirateur, c’était dimanche, il pleuvait dehors, il y avait Robin Williams dans ma télé, et tout allait bien.
C’était ça, Robin Williams : un bon génie qui garantissait toujours un moment agréable, dans cette époque révolue où les films américains que je regardais comportaient tous une maison de banlieue, un enfant avec une coupe de cheveux discutable, des blagues que tu ne comprends qu’une fois adulte, et bien souvent un chien de type labrador gentil.
Enclencher une de ces VHS, c’était comme arriver dans une maison de vacances qu’on connaît par coeur, dans laquelle on se sent bien. Avec Robin Williams pour nous faire coucou sur le pas de la porte.
O captain, my captain
Et puis j’ai grandi, j’ai découvert un autre style de films américains, ceux où le labrador devient un Desert Eagle et où les coupes au bol deviennent des crêtes. J’ai gardé Robin Williams dans un coin de mon coeur comme un tonton éloigné mais rigolo, comme un souvenir tendre de mon enfance qui sentait les crêpes au Nutella et le chocolat chaud.
Je l’ai redécouvert avec ses rôles plus adultes : les cultissimes Good Will Hunting et Le Cercle des poètes disparus, deux oeuvres unies par l’amour pour son prochain, par l’encouragement d’une jeunesse turbulente et abandonnée, par la lutte contre un establishment anxiogène ou un ascenseur social pété.
Le tonton aux clins d’oeil complice s’est mué en un mentor à l’esprit ouvert, en un adulte nécessaire, celui qui dit à la jeunesse de ne pas écouter les grandes personnes — de toute façon, depuis Saint-Exupéry, on sait qu’elles sont nulles. C’est ce prof qui sait que pour éveiller l’esprit, il faut le libérer, lui présenter des options, pas l’enfermer dans des carcans étouffants hérités des générations passées.
Dans l’oeil de Robin Williams continuait à pétiller cette étincelle qui me faisait tant rire quand j’étais petite, mais avec, dans ces rôles, quelque chose de plus grave, une urgence, une peur face à tous ceux et toutes celles qui voulaient faire du futur une version aseptisée du présent. Ce Robin Williams-là m’a rappelé que c’était à moi de tracer mon chemin, de trouver la voie qui me rendrait heureuse. On ne vit qu’une fois… Et c’est une bien triste réalité aujourd’hui.
A knight on a special quest
Le film qui a scellé à jamais mon amour pour Robin Williams est moins connu : c’est Le Roi pêcheur, un Terry Gilliam un peu obscur et forcément bizarre.
Robin Williams y incarne Parry, un SDF veuf, devenu fou (mais gentil) après la mort de sa femme, lancé dans la quête du Graal (oui, oui) et terrorisé par une apparition qu’il est le seul à voir, un cavalier écarlate qui le poursuit pour lui faire subir mille tortures. Il s’acoquine avec Jack Lucas (Jeff Bridges), célèbre animateur de radio bouleversé par la folie meurtrière d’un de ses auditeurs.
Parry apprend à Lucas la simplicité du bonheur, la nécessité d’un grain de folie dans un quotidien qui ne tourne de toute façon pas rond, mais c’est aussi un personnage tragique. Déchiré à jamais par la perte de sa femme, fou de terreur devant le funeste cavalier, c’est un homme bon, à l’image des autres rôles de Robin Williams, mais qui a perdu face à la cruauté du monde.
Parry m’a appris qu’il est essentiel de bien s’entourer, de se prémunir face à l’hostilité de la vie, et de savourer les bonnes choses, car on ne sait jamais quand elles vont s’achever. Alors j’ai savouré les rôles de Robin Williams, leurs leçons et les rires qu’ils suscitaient en moi, et pour ça, je le remercie.
Tu auras des moments difficiles, mais ça éveillera ta conscience aux belles choses auxquelles tu ne prêtais pas attention.
Je suis affreusement désolée que son voyage se finisse ainsi, qu’un homme qui a donné tant de joie et d’amour ait été assez désespéré, lui-même, pour mettre fin à ses jours. Mais je n’oublierai pas ces leçons, ni ce grain de magie, et si l’homme est mort, je suis prête à parier que les messages transmis par Robin Williams dans ses plus grands rôles ne disparaîtront jamais.
Se souvenir, c’est le moins qu’on puisse faire pour lui, non ?
De l’aide pour ceux et celles qui souffrent
Les aides conseillées par Info Dépression :
- SOS Amitié offre, à tous ceux qui choisissent d’appeler, la possibilité de mettre des mots sur leur souffrance et, ainsi, de prendre le recul nécessaire pour retrouver le goût de vivre. Le site donne les numéros d’appel de chaque région et offre aussi un service d’écoute Web (anonymat, confidentialité et non directivité).
- SOS Dépression, 08 92 70 12 38 (0.33 cts/min) — Cette ligne offre une écoute psychologique ponctuelle et une éventuelle orientation par des professionnels, anonyme et sans jugement, 7j/7 et 24h/24.
- SOS Suicide Phénix, 0825 120 364 (national ; 15cts/min) ou 01 40 44 46 45 (Île-de-France, prix d’un appel local) — Accueil et écoute des personnes confrontées au suicide, 7j/7 de 16h à 20h.
- Suicide écoute, 01 45 39 40 00 (prix d’un appel local) — Accueil et écoute des personnes confrontées au suicide, 24h/24, 7j/7
- Écoute-famille, 01 42 63 03 03 (prix d’un appel local) — Cette ligne d’écoute créée par l’Unafam est destiné aux familles ayant un proche en souffrance psychique. Des psychologues conseillent et orientent les familles.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ça m'a toute retourné et dans le rer pour aller travailler, je rêve du pays imaginaire....