Le riot grrrl est un mouvement musical issu du punk-rock, qui se caractérise par ses idées féministes. Il est né au début des années 90, en réaction au machisme de son milieu d’origine et au manque de représentation des femmes dans la musique.
En 1991, le magazine Bikini Kill Zine 2 (du nom du groupe de Kathleen Hanna et Tobi Vail) publie le « Riot Grrrl Manifesto ». En voici des extraits, qui définissent bien les buts et l’esprit de ce mouvement :
« PARCE QUE nous les filles avons soif de disques, livres et fanzines qui NOUS parlent, dans lesquels NOUS nous sentons inclues et que nous pouvons comprendre à nos propres façons. »
« PARCE QUE nous voulons rendre plus facile pour les filles de voir/entendre le travail des autres filles, et pouvoir ainsi partager leurs savoir-faire, se critiquer ou s’applaudir. »
« PARCE QUE nous ne voulons pas intégrer les standards des autres (les hommes) sur ce qui doit ou ne doit pas être. »
« PARCE QUE nous sommes en colère contre une société qui nous dit qu’une Fille = Stupide, Fille = Mauvais, Fille = Faible. »
Des filles se mettent à fonder des groupes et à écrire des chansons qui dénoncent le sexisme et parlent des problèmes féminins, notamment le viol. Elles jouent avec l’image de « la femme » tout en la démontant : ainsi naît le style « kinderwhore », mélange entre des vêtements de petite fille et une allure beaucoup plus trash (Kate Bjelland, chanteuse de Babes in Toyland, illustre à merveille ce contraste avec son apparence de poupée et sa voix hyper-puissante).
Les années 90
En 1986, trois filles avaient déjà formé un petit groupe appelé Sugar Babylon (puis Sugar Baby Doll). Il n’avait pas tenu longtemps, mais ses membres allaient fonder trois des groupes mythiques du riot grrrl : en 1988 Jennifer Finch crée L7, Kat Bjelland lance Babes in Toyland et Courtney Love – après avoir fait partie de Babes in Toyland – fonde Hole en 1989.
Le début des années 90 voit émerger les personnalités qui créeront le concept de riot grrl : Kathleen Hanna, étudiante en photographie et chanteuse punk, monte Bikini Kill avec son amie Tobi Vail ; leur but, « dénoncer les liens entre classes sociales et genres, et montrer qu’on peut être sexuelle sans avoir à porter une minijupe en nylon» ; dans le même temps, d’autres étudiantes qui écrivent un fanzine féministe fondent le groupe Bratmobile
. La rencontre de ces deux formations, et les plaintes de nombreuses filles d’être mises à l’écart dans le milieu de la musique, vont donner lieu à ce constat qu’une de ses amies (ou une journaliste selon les sources) fait à une membre de Bratmobile : « we need to start a girl riot » (riot signifie « émeute »).
Le mouvement est très ouvertement militant, et arrive à entraîner à sa suite des groupes masculins et plus connus : en 1991, L7 crée Rock for Choice, une association pour le droit à l’avortement. De grands groupes comme Nirvana, Rage against the machine ou les Red Hot Chili Peppers soutiennent l’initiative en se produisant en concert.
Les groupes riot grrrl se retrouvent soudain sous le feu des projecteurs, avec Fontanelle de Babes in Toyland et Bricks are Heavy de L7. En 1993, Babes in Toyland est le premier groupe féminin à se retrouver à l’affiche d’un grand festival (Lollapalooza). Mais les médias ont vite fait de donner au mouvement une image de « feminazi » (bingo !), et les groupes préfèrent s’en éloigner. Et vers la fin des années 90, la plupart de ces groupes se séparent.
Aujourd’hui
Faut-il pleurer le riot grrrl ? S’il n’existe plus vraiment (quelques groupes s’en réclament encore, mais ils restent généralement très underground), on ne peut nier qu’il a fait des petits.
Les groupes des riot grrrls de l’époque, déjà : en 1998, Kathleen Hanna fonde Le Tigre ; la formation se définit comme féministe et électro-punk ; sa bassiste, JD Samson, bouscule les normes de genre en se produisant sur scène avec une moustache (et accessoirement en étant ouvertement lesbienne). Aujourd’hui, Le Tigre semble être épisodiquement vivant (elles ont sorti un EP live en mars) mais plus très actif. En 2007, JD Samson et Johanna Fateman de Le Tigre créent MEN, qu’elles définissent comme « de la musique gay power ».
D’autres groupes ne semblent pas « riot grrrl » au premier abord, mais en sont très inspirés : Gossip par exemple – on a suffisamment mis en avant le fait que Beth Ditto soit lesbienne, obèse et néanmoins à l’aise avec son corps. Un peu moins connu : Cansei de Ser Sexy (CSS), un groupe brésilien dont le nom signifie littéralement « fatigué·e d’être sexy ». Ces deux groupes montrent qu’il est désormais possible d’être reconnus même quand on est des femmes, tout en gardant des paroles féministes. Dans la même idée, des Ladyfests se créent dans de nombreuses villes du monde et proposent des ateliers, débats et concerts féministes (celui de Paris).
Le riot grrrl est de manière générale très lié au mouvement queer et au féminisme pro-sexe ; ainsi, sans en faire une cause exclusive, on pourrait voir sa patte dans les slutwalks. Et les madmoiZelles, toutes des riot grrrls dans l’âme ?
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Les Commentaires
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