En partenariat avec Le Pacte (notre Manifeste)
À la mort de sa femme en 2007, mon grand-père maternel a emménagé dans mon appartement.
Il a débarqué avec ses vieilles valises pleines de bibelots, de gros pulls en laine, d’histoires et surtout de souvenirs.
Au fil des soirées qu’on a passées ensemble — et elles ont été nombreuses en 6 ans — l’adolescente que j’étais s’est transformée en adulte mue par une volonté principale : raconter des histoires à mon tour.
La malléabilité des souvenirs
Nourrie par les aventures de mon grand-père — parfois drôles et souvent nostalgiques — qu’il racontait au coin d’une table en Formica plutôt que d’une cheminée, j’ai pris 10 ans de maturité dans la tronche.
Je me rappelle les heures tardives de la nuit, où je rentrais de soirée et qu’il était là, devant la table de la cuisine, en train de peler une mandarine.
Quand j’en avais la patience, je m’asseyais en face de lui et le lançais sur ma grand-mère, l’amour de sa vie.
Je voulais tout savoir et il m’a tout raconté : de sa rencontre avec sa femme bien plus jeune que lui, jusqu’à sa mort en passant par leurs dizaines d’années d’amour et de tempêtes.
Et j’ai constaté que des milliers d’heures et milliards de secondes qu’ils ont passé ensemble, il n’a retenu que le meilleur.
Les sourires de ma grand-mère, ses grandes robes à pois, son élégance quand elle dansait le tango, ses colliers qui lui valaient le surnom de « Reine de Saba » et surtout sa générosité, énorme qualité dissimulée sous un carcan épais de mauvaise humeur et de colère.
De toutes les folies de sa femme, toutes ses crises de nerf, ses insultes, ses larmes et ses souffrances, il n’a rien retenu.
Il ne voulait se rappeler que de son éclat.
Plus tard, c’est ce que je retiendrais de mon grand-père : son acharnement à ne voir que le bon chez les hommes même très imparfaits.
L’un des héros de la belle romance italienne Ricordi ? prononce d’ailleurs une phrase très juste sur les souvenirs. Sur ce qu’on retient, ce qu’on oublie et ce qu’on transforme :
« Les souvenirs mentent, ils rendent belles des choses qui ne l’étaient pas. Autrement la vie serait insupportable. »
Mon grand-père aurait été d’accord.
Et la fiction de Valerio Mieli lui aurait rappelé son histoire à lui. Une histoire d’amour finalement universelle, qu’on aime raconter au coin d’une table en Formica, ou dans un article sur madmoiZelle.
Ricordi ?, de quoi ça parle ?
Lui et Lei se rencontrent lors d’une soirée qui scellera le reste de leur vie. Le courant entre eux passe instantanément, et ils entament une longue histoire d’amour semée d’embuches.
C’est à travers leurs souvenirs, bons et mauvais, que le couple revit son histoire et nous la partage.
Ricordi ?
, sélectionné à la Mostra de Venise, est un film d’amour bien sûr, mais il est surtout une fiction efficace et pédagogue qui nous pousse à penser les limites de notre propre mémoire, de nos propres souvenirs.
- À quel point altérons-nous nos souvenirs pour réussir à vivre avec ?
- Comment mesurer le degré de véracité de nos souvenirs ?
- Comment le temps mâtine t-il nos souvenirs ?
Autant de questions importantes que soulève ce très joli film de Valerio Mieli que je te recommande mille fois d’aller voir au cinéma dès le 31 juillet.
Ricordi ?, un joli casting
Je ne connaissais aucun des acteurs de Ricordi ?, mais j’ai eu un crush pour chacun d’entre eux.
Ce sont Luca Marinelli (aux faux airs d’Adrien Brody) et Linda Caridi qui se partagent l’affiche de cette romance italienne, et n’en sont pas à leur coup d’essai.
Luca Marinelli s’est illustré dans une bonne dizaine de films, quant à sa comparse, elle n’en est qu’à son second film mais a déjà l’étoffe des grandes.
Le duo qu’ils forment tous les deux à l’écran est hyper convaincant et surtout touchant au point que j’ai eu envie de moi-même en faire partie.
Ricordi ?, une réflexion sur le temps qui passe
À travers les souvenirs des personnages principaux, Ricordi ? fait une analyse assez fine du temps qui passe et qui bouleverse les esprits.
Le second film de Valerio Mieli a beau être sensible et tendre, il n’en reste pas moins un peu dramatique par certains aspects.
L’idée de la malléabilité des souvenirs et donc de l’incapacité à savoir si ce dont on se rappelle est véridique à 100%, ça fait un peu flipper.
L’idée aussi que les souvenirs disparaissent, s’effacent avec le temps, a quelque chose d’effrayant.
Mais de toute manière, comme le dit si bien l’héroïne du film : « On aurait besoin d’une autre vie pour se souvenir de tout. »
Fataliste ou non, Ricordi ? est en tout cas une merveille de fiction, qui activera ta machine à réfléchir et titillera sans doute celle à aimer.
Alors ne le rate pas au cinéma le 31 juillet.
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