Souvenez-vous, nous avions publié la première partie de l’interview de Charlie Danger alias Les Revues du Monde où elle nous parlait de son parcours et de sa chaîne !
Mais il y avait d’autres questions sur le sexisme et les commentaires sur YouTube, et ses réponses étaient si bien que je lui ai proposé de faire un focus sur le sujet.
Comment gérer les commentaires et le fait d’être exposée sur Internet ?
Ça, c’est une sacrée question ! Je dirai qu’il faut une solide carapace.
Je trouve que, globalement, j’ai une super communauté. Mes abonné•es sont dans l’ensemble très bienveillant•es, curieux•ses et sympathiques. Les débats sont toujours intéressants, et j’ai relativement beaucoup de retours positifs de leur part. C’est génial, ça rebooste et je suis ravie de voir au quotidien que mon travail peut plaire !
Mais malheureusement, même s’ils sont une majorité, il y a également une partie plus… difficile à appréhender. Et en général, on retient plus le négatif que le positif, donc c’est pas toujours simple.
Certains commentaires sont gentils quoique déplacés, du style « Tu es jolie ».
Je reçois beaucoup (trop ?) de commentaires sur mon physique, puisque j’expose mon visage. Certains sont gentils quoique déplacés – du style « Tu es jolie » — c’est pas méchant mais c’est pas très utile non plus… et d’autres sont à l’inverse très critiques !
J’apprécie qu’on critique mes vidéos, cela me fait toujours avancer et me donne sans arrêt des pistes d’améliorations pour la suite. Mais en ce qui concerne les commentaires critiques sur mon physique… je n’arrive pas à en comprendre le but.
Je vais vous confier une chose : depuis que je suis sur YouTube, j’ai gagné des complexes. Avant, je me sentais plutôt bien dans ma peau. En fait, je ne m’étais jamais posé de questions.
Très peu de femmes échappent à ce genre de commentaires sur leur physique.
Mais voilà, lorsqu’on reçoit des dizaines et des dizaines de messages sur différentes parties de son corps, ça crée des insécurités. Par exemple, maintenant, je complexe sur mon nez (environ dix messages par jour qui disent : « Tu as un nez de cochon »), ou sur mes yeux (environ deux ou trois messages par jour qui déclarent : « Tu as un strabisme »).
Plus récent encore, je complexe sur mon poids ! Je ne sais comment, puisque je ne montre pas mon corps à l’écran, mais certains réussissent à m’envoyer des commentaires « Tu as grossi non ? » ou « Elle est enceinte ? » (environ deux par jour) ! C’est assez déstabilisant.
Bien évidemment, je garde tout cela pour moi car ce n’est pas non plus une affaire d’État. Je réussis à relativiser, en prenant ça avec légèreté pour passer au-dessus. Mais même pour quelqu’un qui n’accorde aucune importance aux messages du genre, la répétition constante des mêmes remarques finit par créer le doute.
Je comprends que certaines craignent de se lancer. Il est évident qu’il faut se préparer à cette facette du jeu, et que très peu de femmes y échappent. Ce n’est qu’une question de temps, j’imagine.
Être une femme sur YouTube et les inégalités sexistes
« La vidéo est bien, mais c’est dommage que ce soit présenté par une fille. Ça enlève à sa qualité. »
Il m’arrive de recevoir des messages du style « La vidéo est bien, mais c’est dommage que ce soit présenté par une fille. Ça enlève à sa qualité ». Bon, dans ce cas, je n’y peux pas grand-chose ! Ça me fait plutôt rire franchement. Parfois, je fais même des screens de certains messages que je trouve hallucinants, mais je n’en fais pas tout un foin sinon je ne suis pas sortie de l’auberge !
Par moments, je remarque quelques inégalités par rapport à mes collègues masculins. Cela étant, je ne suis absolument pas apte à juger si cela relève du sexisme ou juste d’une différence entre deux formats. Je n’ai pas de collègues féminines dans le domaine culturel avec un nombre d’abonné•es et un contenu équivalents ; c’est donc très difficile de comparer. J’ai peur de faire des raccourcis trop faciles.
Il ne faut pas que le sexisme ait le dos trop large, et jamais je ne m’avancerai à dire que mon émission est moins regardée parce que je suis une fille. Ma première pensée sera surtout qu’il s’agit d’une préférence de contenu, et j’essaierai de me remettre en question et de m’améliorer pour progresser.
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Pourtant, il existe bien des différences, par exemple sur Tipeee. Je n’ai que très peu de tipeurs par rapport à mon nombre d’abonné•es, précisément 0.09 % de mon audience (100 pour 115 000, aïe !).
Cela peut résulter de différentes choses :
- Mon contenu n’est pas assez travaillé ou d’une piètre qualité au niveau du format, et ne mérite donc pas de dons. Mais à titre de comparaison avec une émission qui fournit le même type de travail, et de la même qualité, je n’ai pas autant de tipeurs. Si c’était le cas, je favoriserais davantage l’hypothèse d’un contenu qui gagnerait à être amélioré, et je me remettrais en question, même si l’idée de la différence homme/femme peut être envisagée.
- La majorité de mes abonné•es s’en fichent de mon travail, et sont présent•es pour d’autres raisons. Ce serait fort dommage et très réducteur, mais cela expliquerait qu’il n’y ait pas d’investissement sur le long terme pour la chaîne.
- Je suis très mauvaise en communication à propos de ma page Tipeee, et mes viewers ne savent même pas qu’elle existe, que j’en ai vraiment besoin, ou en quoi cela consiste. J’ai tendance à favoriser cette option, qui semble pour moi la plus réaliste et la moins affreuse, sachant que je suis très nulle question communication… mais ça n’aurait donc a priori rien à voir avec du sexisme.
- C’est un mélange des trois…
Ce n’est pas une liste exhaustive bien évidemment, il existe des tas de possibilités qui expliquent ce phénomène ! Mais tout cela pour dire qu’en comparaison avec une émission de la même ampleur, de la même qualité et d’un contenu équivalent, il existe des différences d’investissement de la part des viewers.
Est-ce que cela relève du fait que je suis une femme, et que je suis moins prise au sérieux ? Peut-être, peut-être pas. On ne peut pas avoir de certitudes.
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Ma chaîne est beaucoup moins citée que celles de mes collègues masculins dans les articles sur les vidéastes culturels.
Dernier exemple, j’ai remarqué que ma chaîne était beaucoup moins citée que celles de mes collègues masculins dans les articles sur les vidéastes culturels, les vidéos sur le sujet, etc. Ça me rend donc un peu absente du paysage culturel de YouTube, mais est-ce lié à mon genre ? Chacun•e son avis sur le sujet.
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Merci beaucoup à Charlie d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, et je vous invite vivement à aller vous abonner à sa chaîne YouTube Les Revues du Monde !
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Les Commentaires
Par contre, pour Tipee, je suis d'accord avec ce qui a été dit plus haut : non seulement, je trouve qu'elle n'en fait pas une très bonne communication, et de plus, on est effectivement dans une ère ou Youtube nous permet d'accéder à autant de contenus qu'on veut... alors pourquoi payer pour ce qu'on peut voir gratuitement, doivent se dire la plupart des gens