À cette époque-là, j’avais 16 ans, toutes mes dents, mais pas toute ma tête. Le monde dans lequel je vivais, j’en avais ma claque et ça me faisait culpabiliser.
Je ne pouvais pas digérer le fait que j’avais subi des attouchements de mon ex pendant un an ; je ne me sentais jamais à ma place et traînais derrière moi une tonne de complexes.
Le viol conjugal et ses terribles conséquences
Je pensais ne pas avoir le droit de déprimer comme ça avec ma vie dorée alors que des gens mouraient de faim, ou encore que d’autres avaient perdu un enfant.
Je déprimais sans cesse sans trop vouloir le montrer, je dessinais des tombes sur mes feuilles de cours, me scarifiais et perdais du poids et des ami•es.
Je dois dire que j’étais passée maître dans l’art de camoufler mon mal-être.
Je n’en veux pas particulièrement à mes parents de n’avoir rien remarqué, je dois dire que j’étais passée maître dans l’art de camoufler mon mal-être.
J’en suis même arrivée à penser à mettre fin à ma vie. J’avais des tas de plans de suicides rapides qui seraient passés pour des accidents en tête, mais la peine qu’auraient eu mes parents me retenait.
Je ne voulais pas qu’ils croient qu’ils étaient de mauvais parents, qu’ils avaient raté quelque chose ou que c’était de leur faute.
Et puis je suis partie en voyage scolaire à Londres. Le hasard de la répartition des places de bus m’a fait asseoir à côté d’un garçon que j’avais déjà vu deux ou trois fois.
Je croyais d’ailleurs qu’il ne m’aimait pas. Nous avons commencé à discuter et… je me sentais bien. Ça peut paraître banal, mais à l’époque je n’en espérais pas tant.
Celui qui m’a écoutée et soutenue
C’était comme le début d’un printemps après un long, très long hiver.
J’avais l’impression que ce sentiment était partagé, et j’ai appris plus tard qu’en effet lui aussi s’était senti mieux, parce qu’à cette époque il partageait mon dégoût de la vie, pour d’autres raisons.
Nous n’avons pas dormi, ni cette nuit-là ni durant le voyage de retour. Nous ne nous sommes pas quittés de la semaine : nous avons partagé et échangé des pensées et souvenirs souvent intimes.
Je l’ai écouté me raconter son quotidien, son passé, ses angoisses… Et je lui ai raconté ma vie, mes peurs, mes cauchemars, mon ex et tant d’autres choses…
Il n’a pas fui, et un mois, 15 000 sms et au moins autant de sourires plus tard, nous nous sommes mis ensemble.
J’allais mieux, malgré quelques petits passages de déprime. Je les partageais toujours avec lui, et il essayait de m’empêcher de me faire mal, ou me soignait le cas échéant.
Ces jours-là, je finissais par pleurer comme une madeleine et lui dire que j’allais le quitter de toute façon, parce que je n’étais pas assez bien pour lui.
Surmonter le viol : un énervement salvateur
Et puis un de ces jours-là, où tout allait mal, il a réalisé que je culpabilisais de ce qu’il s’était passé avec mon ex.
Que si je voulais le quitter, c’était pour les mêmes raisons que celles qui m’avaient poussée à ne rien dire lorsque l’autre promenait ses mains sur mon corps et fouillait mon intimité : une culpabilité qui n’avait pas lieu d’être.
Je ne l’avais jamais entendu s’énerver comme ça. Il m’a grondée comme personne ne l’avait fait, pas même mon papa, roi des engueulades.
Avec le recul, je me dis que ce n’était pas forcément la meilleure façon de faire, mais avec moi, ça a marché.
Il m’a dit que si je l’aimais, ce n’était pas à moi de décider si j’étais assez bien pour lui ou non. Et qu’à ses yeux j’étais parfaite.
Que je ne devais pas culpabiliser comme ça. Parce qu’à 15 ans comme à n’importe quel âge, on ne peut pas exiger d’une fille d’éprouver un quelconque attrait pour le sexe, et le cas échéant, on n’a pas le droit de la forcer. Ni à 15 ans, ni à 20 ans, ni jamais.
Tant que je le voudrais, il serait là pour moi et m’aiderait à remonter la pente.
Il m’a expliqué que ce n’est pas parce qu’un homme a les hormones en ébullition qu’il a le droit de disposer du corps de qui que ce soit.
Et réciproquement. Que ce qui m’était arrivé, c’était moche. Que cela s’appelait un viol. Et tant que je le voudrais, il serait là pour moi et m’aiderait à remonter la pente.
Ce sermon, je l’avais entendu des milliers de fois avec ma meilleure amie et sur des forums. Mais jamais il n’avait eu autant d’impact dans ma tête. Je commençais à y croire, un peu. Juste un peu mais c’était déjà tellement.
Il m’a sauvé la vie
Et surtout, il a tenu parole. Il est resté même dans les pires moments, il a accepté la peur que j’avais d’être touchée trop près de toute zone érogène. J’ai progressé peu à peu, avec son aide.
Un an plus tard, nous avons fait l’amour parce que j’en avais envie. Et je n’ai jamais rien vécu d’aussi merveilleux que cette première fois, preuve de confiance, d’amour, de respect mutuel.
À la fin, je lui ai seulement dit merci. Parce que la fille que j’étais devenue, même si elle n’était pas guérie totalement, ses plaies s’étaient refermées.
Et aujourd’hui, je lui redirais volontiers merci chaque matin en me levant, chaque fois que je souris, chaque fois que je ris. Parce que c’est grâce à lui.
J’ai 18 ans maintenant. Ça commence à faire un moment qu’on est ensemble, et je l’aime toujours aussi fort. On a des hauts, des bas, comme tous les couples. Mais j’espère que ça va durer.
Et si jamais ça ne dure pas, je n’oublierai jamais qu’il m’a sauvé la vie, et qu’il l’a illuminée. Que chaque conquête que je referai, je la lui devrai.
Je suis consciente que j’ai eu beaucoup de chance, mais je voudrais pouvoir véhiculer son message en partageant cette histoire. À toutes celles et tous ceux qui comme moi ont été des victimes, ne culpabilisez pas, et pensez toujours que le bonheur est possible, peut-être tout près.
La vie ne vous a pas gâté•es mais ce n’est pas son dernier tour ; il y a des mauvais sorts comme des enchantements.
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