Après des semaines d’enfermement à mater des films sur Netflix de manière léthargique, on aurait pu penser que j’attendais avec impatience de pouvoir retrouver les terrasses des bars, les promenades urbaines, ou les journées shopping.
Que nenni. Moi, tout ce que je voulais, c’était d’enfin pouvoir m’enfermer de nouveau, dans le noir complet, pour contempler un écran 300 fois plus grand que celui de mon ordinateur, et regarder encore plus de films.
Chaque fois que je prenais le métro, les affiches qui trônaient encore dans tous les espaces publicitaires, annonçant une sortie imminente depuis mi-mars, me rendaient triste et nostalgique. Elles m’apparaissaient comme les reliques de notre ancienne vie.
Alors évidemment, le jour de la réouverture des cinémas après une fermeture inédite de 3 mois, je me suis ruée aux portes des salles. Et je te partage mon expérience.
Le cinéma et moi, la plus belle des histoires d’amour
J’ai une fâcheuse tendance à me lasser de tout, tout le temps. La naissance d’une passion en moi n’est qu’un synonyme de sa mort prochaine.
Mais si je me nourris essentiellement d’amourettes passionnelles et fugaces, j’ai tout de même la chance d’être accompagnée depuis toujours par mon plus grand et plus fidèle amour : le cinéma. Il m’est certainement impossible de le laisser tomber car il ne cesse de me surprendre et de se renouveler.
Je n’ai pas été élevée dans la cinéphilie, ni même éduquée à celle-ci avant un âge avancé, mais j’ai toujours été fascinée par les films.
Déjà petite, je trouvais mon amie Charlotte insupportable quand elle osait jouer avec son poupon qui chouine alors qu’on regardait Mary Poppins.
Le culot ! Elle avait beau me dire qu’on l’avait déjà vu 100 fois, et oui, je le connaissais par cœur, mais le temps d’un film était, et reste, un temps sacré pour moi.
C’est pourquoi j’aime tant aller au cinéma, et me couper de tout contact avec l’extérieur le temps d’une histoire, d’une rencontre avec une vision différente de la mienne, le temps d’un shoot d’émotions pur.
J’aime cette immersion, l’impression de pénétrer dans un nouveau monde au moment où les lumières s’éteignent.
Et enfin, après 3 mois, ce frisson et moi allions être réunis.
Aller au cinéma en période de Covid-19, un geste anodin ?
Plus que jamais cette année, j’ai eu la sensation de faire de l’achat de mon ticket de ciné un acte militant.
Eh oui, j’ai tendance à moi-même l’oublier, mais les César de la honte, c’était en mars !
Je considérais que retourner au cinéma le 22 juin, jour de la réouverture, symbolisait mon soutien à l’industrie toute entière, et j’ai longtemps étudié mon choix de film.
Mais aller au ciné en période de crise sanitaire, c’est aussi prendre un risque, pour les autres pour soi, et ce malgré les gestes barrières mis en place dans les salles.
J’ai donc pris la décision réfléchie que Filles de joie d’Anne Paulicevich et Frédéric Fonteyne, un film qui aborde la prostitution de manière féministe,
signerait mon grand retour dans les sièges rouges.
D’ailleurs, je te conseille d’en faire de même si tu veux retourner au ciné, car Filles de joie livre les histoires poignantes d’Axelle, Conso et Dominique, qui mènent une double vie en se prostituant une fois la frontière belge traversée. C’est une merveilleuse histoire de sororité, et de combat quotidien de femmes pour leur famille et leur dignité.
Mon retour au cinéma, un retour à la normale ?
Ma séance avait lieu à 15h40 dans mon cinéma habituel, le MK2 Quai de Seine/Quai de Loire, posé à cheval sur le bassin de la Villette et relié par une navette bateau (ma passion).
J’ai été agréablement surprise par le nombre de gens dans la salle, qui affichait moitié pleine. Un beau score pour un film français sur la prostitution un lundi après-midi lambda.
Mais rien de lambda dans ce lundi puisque j’imagine que mes camarades de sièges avaient voulu, eux aussi, marquer le coup.
À mesure que je m’enfonçais dans mon fauteuil et que je commençais à corner mon ticket dans tous les sens comme à mon habitude, je me délectais de cette ambiance des petites salles parisiennes qui m’avait tant manquée.
Les vieux qui enragent contre les téléphones des jeunes mais qui discutent comme au café tout le long des bandes-annonces, les relous qui débarquent dans la salle à mi-film, le mangeurs de popcorn… J’étais ravie, tous avaient répondu présents, et enfin, tout semblait être rentré dans l’ordre.
À quelques détails près…
La pandémie n’est pas restée à l’entrée du ciné
Alors que s’enchaînaient les bandes-annonces (l’un de mes moments préférés d’une séance), un court-métrage les a interrompues.
Il s’agissait du gagnant d’un concours de films de genre réalisés pendant le confinement, et la salle n’a pas franchement apprécié.
Des rires sarcastiques et agacés ont résonné devant le message angoissant « STAY HOME » qui signait la fin de ce court-métrage bien intentionné mais maladroit, et qui nous a tout de suite replongés dans l’atmosphère de nos longues semaines d’enfermement.
La température a baissé de quelques degrés et une espèce de flottement s’est installée. La méfiance, cette sacrée emmerdeuse, était de retour. Je me souviens d’elle, au début de la pandémie, dans les gares, les magasins, et même les rues, mais elle s’était dissoute depuis que la vie avait semblé reprendre son cours. Voilà qu’elle resurgissait pendant mon moment de pur plaisir.
Se sont alors succédés des événements tous plus lunaires les uns que les autres.
Un jeune homme s’est absenté (sûrement pour aller aux toilettes) en laissant ses affaires sur son siège, provoquant la panique de sa voisine trois places plus loin.
Je n’aime pas du tout ça, il a laissé toutes ses affaires, ça m’affole. Pas vous ?
Personne n’a répondu. Elle nous avait assez inquiétés pour ne pas oser la rassurer, pas assez pour quitter nos sièges. Bien sûr, le jeune homme est revenu quelques secondes plus tard, mais l’atmosphère est restée tendue.
Si tendue que lorsqu’un toussotement a fait surface pendant une scène dramatique, un seul, un homme s’est retourné en braillant :
Vous êtes sérieux ? Qui a toussé ? C’est toi ?
L’accusé s’est insurgé :
Mais non j’ai pas toussé, il est malade lui !
Perso, cette altercation pleine de bêtise m’a plus amusée qu’autre chose, mais la tension ambiante m’a tout de même perturbée.
Mon retour au cinéma, un régal
Malgré tout, ce retour au cinéma fut une vraie régalade. Je me suis laissée totalement emporter par Sara Forestier, Noémie Lvovsky et Annabelle Lengronne dans un récit aussi terrible qu’audacieux.
J’ai renoué avec mes sensations préférées, et j’ai adoré écouter d’une oreille distraite les débats des spectateurs à la sortie.
C’est en ça que je considère le cinéma si important : il sait susciter l’émerveillement et déclencher les bonnes discussions.
Et toi lectrice, quand comptes-tu retourner au cinéma ?
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