Le 25 avril 2017 — Enlever son préservatif au milieu de l’acte sexuel sans en prévenir son/sa partenaire a maintenant un nom : c’est du « stealthing », comprenez de la « furtivité ».
Et si je vous parle de cette appellation aujourd’hui, c’est parce qu’un article publié dans le Columbia Journal of Gender and Law en parle et que plusieurs médias internationaux, dont la version américaine du HuffingtonPost, ont relayé l’information.
Retirer son préservatif au milieu de l’acte, un « violence envers la dignité »
Alexandra Brodsky est à l’origine de cette enquête. Elle considère le « stealthing » comme une nouvelle violence sexiste. Elle écrit d’ailleurs :
« Les victimes décrivent ce retrait de préservatif comme une menace envers leur corps ainsi qu’une violence envers leur dignité. (…)
C’est comme si on leur disait « vous ne valez pas ma considération ». »
Car les risques vont bien au-delà de l’absence de préservatif (grossesse, MST, IST…). Pour beaucoup, il y a ce sentiment de honte qui les dévaste.
Comment définir le fait de retirer son préservatif sans prévenir son/sa partenaire ?
Rebecca a été interrogée dans le cadre de cette étude. Elle travaille dans une hotline qui répond aux victimes de violences sexuelles. Au bout du fil, beaucoup lui racontent des histoires de « stealthing » :
« Les histoires commencent souvent de la même manière. On me dit : « Je ne sais pas si c’est un viol, mais… ». »
Car Alexandra Brodsky explique que si la plupart des victimes ont compris que cet acte était blâmable, elles n’avaient jusque-là pas le vocabulaire pour réellement comprendre ce qu’il s’était passé.
Et le problème va plus loin. Des communautés s’encourageraient en ligne à enlever leur préservatif pendant l’acte, disant que c’est dans le droit de chaque homme de faire ce qu’il veut de sa « semence ».
Pourtant, selon la justice suisse, le « stealthing » peut être condamné comme un viol (lire ci-dessous).
En Suisse, un homme a été condamné pour viol pour avoir retiré son préservatif
Article publié le 16 janvier 2017 — C’est une première en Suisse : le tribunal correctionnel de Lausanne a condamné pour un viol un homme ayant retiré son préservatif au milieu d’un rapport sexuel, sans prévenir sa partenaire qui avait préalablement exigé une protection.
L’homme a écopé de douze mois de prison avec sursis, et c’est déjà tout un symbole.
À ma connaissance, la justice française n’a jamais pris de décision équivalente (mes recherches n’ont rien donné, n’hésitez pas à me dire si vous trouvez trace d’une condamnation).
Le préservatif, condition sine qua non à ne pas outrepasser
Le site 20 minutes raconte que la victime a rencontré son agresseur (un Français) en 2015 via l’application de rencontre Tinder. Après un premier verre, ils se sont rendus chez la Suissesse au second rendez-vous.
Une relation sexuelle consentie a commencé, avec un préservatif que l’homme a retiré dans le but de demander une fellation à sa partenaire, ce qu’elle a refusé
.
Il l’a alors pénétrée de nouveau, en lui tenant les bras. Ce n’est qu’à la fin qu’elle s’est rendu compte qu’il ne portait aucune protection.
Il lui a alors dit qu’il se contrôlait, dans le but de la rassurer, avec le seul souci qu’elle ne tombe pas enceinte. Sauf qu’elle a également peur en ce qui concerne les IST et MST.
La femme lui a alors immédiatement demandé de faire un test. Une demande réitérée plusieurs fois par la suite en vain : le Français disparaît.
S’ensuivent pour la femme quatre mois de lourd traitement préventif contre le VIH et d’attente des résultats de tests de dépistage.
Une condamnation pour viol qui fait office de première pour une histoire de retrait de préservatif
Devant la justice, l’homme s’est tout d’abord défendu en parlant d’un préservatif qui se serait déchiré avant de reconnaître avoir « oublié » d’en mettre un.
La procureure estime qu’il s’agit d’un acte sexuel sur une personne incapable de résistance.
Le président de la Cour a lui déclaré que si la plaignante s’était rendue compte que l’homme avait enlevé sa protection, elle aurait refusé l’acte.
La condamnation pour viol pour avoir retiré son préservatif, tout un symbole
L’histoire à la base de ce jugement m’a immédiatement semblé tristement familière… C’est arrivé à des ami•es, à des gens plus lointains.
Dans le prochain livre d’Ina Mihalache, plus connue sous son pseudo de Solange te parle, une autre femme témoigne d’une histoire similaire : un type l’a prise sans capote sans qu’elle ne s’en rende compte.
Elle raconte avoir pensé à porter plainte pour viol mais qu’on lui a déconseillé cette procédure. [EDIT : cet article a été initialement écrit et publié le 16 janvier 2017, soit plusieurs semaines avant la polémique concernant la publications des témoignages de cet ouvrage.]
Je ne peux qu’approuver le fait que justice soit faite pour ce genre de cas.
Le consentement, c’est quoi ?
Un viol est une pénétration non consentie. Quand on consent à une relation sexuelle, on consent à un acte précis, dans un cadre précis, avec une personne précise, et une éventuelle protection. Mentir sur l’un ou l’autre de ces points, c’est outrepasser le consentement.
Là, la victime avait expressément exigé la présence d’une capote (elle ne voulait donc pas de relation sexuelle non-protégée). Son consentement a été outrepassé.
Ce qui me fait peur aujourd’hui, c’est que toutes ces personnes qui ont été victimes de ce type d’agression vont lire les commentaires.
Sous les articles traitant de l’affaire, on peut lire en vrac que ce n’est pas vraiment une agression, que c’est une injure pour les vraies victimes de viol… comme si c’était un concours. Qu’il ne faut pas être surpris•e quand on chope sur Tinder. Que la victime n’avait qu’à porter un préservatif féminin.
Mais ce n’est pas à la victime d’endosser la responsabilité d’un crime qu’elle n’a pas commis. Son consentement a été exprimé et aurait dû être respecté. La seule personne coupable est celle qui s’est permis de l’outrepasser.
À lire aussi : « J’ai porté plainte », le Tumblr qui aide les victimes de viol
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires
Sinon, ravie d'apprendre l'existence du stealthing, nous vivons dans un monde formidable <3