Quelques mois après la sortie du jeu Resident Evil : Village, c’est sur le petit écran que les zombies poursuivent leur chemin macabre avec Infinite Darkness, ce 8 juillet sur Netflix. Claire Redfield et Leon S. Kennedy, deux personnages iconiques de la saga, seront de la partie pour cette première saison animée. Et prochainement, une autre série, en prise de vues réelles cette fois, verra le jour, toujours sur Netflix (vous me suivez ?).
Comme de nombreux diffuseurs de séries, la plateforme a rapidement senti le bon filon : les jeux vidéo rapportent beaucoup d’argent, donc quoi de mieux que de les adapter en séries ? Castlevania, The Witcher, DOTA — et bientôt Tomb Raider, Angry Birds… Netflix ne manque pas de projets dans les cartons pour attirer les gameurs et gameuses de tous bords !
Les séries tirent leur épingle du jeu
Si les jeux vidéo ont toujours tissé un lien particulier avec le cinéma, de Super Mario Bros en 1993 à Sonic en 2020, leurs connexions avec les séries sont plus tardives. Pour José-Louis de Miras, docteur en cinéma et audiovisuel à l’université Bordeaux-Montaigne interrogé par Madmoizelle :
« Les jeux vidéo et les séries ont mis plus de temps à se démocratiser. Mais dorénavant, nos habitudes de consommation ont un penchant plus sériel, qui va de pair avec l’identité vidéoludique.
Les jeux sont souvent consommés de façon épisodique, en plusieurs parties. Certains d’entre eux adoptent même les codes des séries, comme “Life is Strange” ou “Until Dawn”, qui utilise la mécanique du “previously on…”. Leur structure est donc similaire. »
Une proximité renforcée par la montée en puissance générale des séries, « qui adoptent une vision de plus en plus cinématographique et permettent de développer davantage les personnages », selon le chercheur ; il ajoute :
« À cela, on peut également ajouter la grande marge de manœuvre accordée aux plateformes comme Netflix ou Amazon, qui peuvent proposer davantage de contenus. Ces producteurs ont tellement d’argent qu’ils peuvent se permettre de creuser plusieurs secteurs, comme les formats sériels, dont le bénéfice/risque est plus intéressant qu’un film au cinéma. »
Victoire de l’animation par KO
Et pour transposer de jolis pixels sur le petit écran, l’animation semble proposer le meilleur combo. Les jeux vidéo, déjà familiers des cinématiques réalisées en motion capture, peuvent être retranscrits avec une grande fidélité : les physiques des personnages originaux peuvent être réutilisés et les techniques conservées. Et cerise sur le gâteau, les productions animées coûtent beaucoup moins cher qu’une version en prise de vues réelles ! Forcément, ça vend du rêve…
D’autant que les fans sont plus souvent dans la team animation de qualité qu’effets spéciaux bâclés : « Il y a une vraie authenticité qui plaît au public puisqu’on reprend directement les icônes qu’il adore », estime José-Louis de Miras.
Florent Favard, maître de conférences cinéma, audiovisuel et transmédia à l’Institut Européen de Cinéma et d’Audiovisuel (IECA) de Nancy, tisse un parallèle avec l’animation japonaise :
« Netflix mise sur l’expansion à l’international de l’anime japonais et cherche à toucher un public qui les aime déjà, ou qui pourrait s’y mettre. Ces animes “américanisés” deviennent l’une de leurs marques de fabrique. »
L’imagination comme gameplay
Tout ça, c’est bien beau, mais il manque quand même l’essentiel, non ? Si réaliste soit l’animation, elle peut difficilement remplacer les sensations des heures à geeker, manette en main ! Cependant, pour Florent Favard, son domaine d’études favori a justement une carte à jouer :
« Fatalement, le public perd l’influence sur le déroulement du récit que le jeu vidéo rend possible. Mais, contrairement aux films, les séries ont cet avantage qu’elles mobilisent, sur le long terme, une autre forme d’interactivité : celle de l’imagination, des discussions entre fans, à mesure que les épisodes et les saisons se déploient. »
José-Louis de Miras, de son côté, voit l’interactivité ailleurs :
« Une forme d’activité est conservée puisqu’on interprète des images, on ressent des émotions et on s’identifie aux personnages. Mais l’interactivité propre au jeu vidéo perd toute sa saveur puisqu’on ôte les manettes des mains des joueurs et joueuses. Une forme de distanciation s’opère.
Mais récemment, grâce à des plateformes comme Twitch, on évolue et cela devient la norme de regarder des gens jouer aux jeux vidéo. Donc pourquoi ne pas découvrir un film ou une série dans le même univers ? »
Films, séries… Attrapez-les tous !
Façon Marvel, toutes ces adaptations peuvent ainsi communiquer avec l’oeuvre de base (pas toujours littéralement). C’est le principe du transmédia storytelling, qui consiste à développer une histoire sous plusieurs formats audiovisuels, vidéoludiques ou littéraires. C’est ainsi que sont nées une série sur Loki ou quatre saisons dans l’univers de Castlevania par exemple.
L’avantage ? S’attarder sur des éléments peu abordés dans l’oeuvre originale, voire réintégrer ces nouvelles histoires directement à l’univers. « Ces médias se répondent, se complètent, se révisent les uns les autres », analyse Florent Favard, qui fait preuve d’enthousiasme :
« Et le milieu s’y prête : le public est de plus en plus enclin à suivre les déclinaisons d’un univers familier sur différents médias, d’autant plus lorsque ces franchises sont entrées dans le Panthéon de la pop culture, comme “Resident Evil”. »
Le risque ? Développer une simple marque avec du fan service à gogo, souvent plus ridicule que réellement utile (et c’est une fan de fan service qui le dit !)… Pour Florent Favard, tout est une question d’équilibre entre « le respect de la lettre (ou du pixel) et la réinvention d’une histoire : si ces adaptations offrent une relecture capable d’intéresser les fans sans les prendre (uniquement) pour des consommateurs, alors le pari est gagné. »
Infinite Darkness pourrait bien relever le défi, en attendant de pouvoir découvrir ce que nous réserve la série live dans quelques mois ! Alors rendez-vous dès ce 8 juillet sur Netflix.
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