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Moi, moi et moi

Reportage de l’extrême sur les soldes d’hiver – Chroniques de l’Intranquillité

Ophélie est allée se coltiner les soldes dans un fantastique reportage épique. Attention, ?article de l’extrême.

En allumant la télévision, mon doux regard innocent s’est encore une fois fait écorcher par les premières minutes du journal télévisé. Ah je savais que les guerres de religion avaient généré de trop nombreux carnages mais c’est toujours un traumatisme de réaliser que l’ultraviolence règne sur notre ère civilisée. Moi heureusement, je suis totalement polythéiste, tout comme je suis fondamentalement agnostique, car cela me permet d’adopter une double posture de social-traître bien utile selon les situations.

Il n’était point question de l’intervention militaire au Mali ni de l’échec du raid français en Somalie – c’était bien pire car cela se déroulait sur nos terres, dans nos centres villes, sous les yeux de nos enfants et de nos chiens – c’était le lancement des soldes d’hiver et le commencement du culte rendu au dieu de la surconsommation.

Des journalistes accrédités ont sacrifié leur sécurité pour couvrir l’événement en direct et devant les télévisions de la France entière, depuis son salon Madame Michmiche regarde d’autres Madame Michmiche se jeter sous les grilles des grands magasins et tambouriner aux vitrines des supermarchés. Depuis leurs canapés en cuir elles soupirent « les gens sont complètement mabouls. » en enviant secrètement la foi indestructible de ces fidèles.

Aveuglés par cette croyance idiote selon laquelle nous devons absolument partir en croisade à la recherche du petit blouson en daim qui nous ira super bien nous adaptons notre morale aux règles du moment – chacun pour sa gueule. Voici comment un peuple, d’apparence civilisé, peut se livrer bataille sans merci.

Mon intrépidité sans pareille m’a poussé dans les ruelles endormies ce mercredi dès 7h45. Je n’allais point me mêler à la plèbe des fidèles, non, j’allais faire un reportage à haute teneur documentaire, avec de véritables relents de vie et des musiques dramatiques en fond sonore qui souligneraient l’intensité des scènes vécues.

Qu’il est dur d’être un journaliste d’investigation, ce n’est pas mon pote Bernados de la Villardière qui me contredira. J’avais à peine tourné le dos aux Galeries Lafayette pour partir inspecter le terrain (et m’acheter un petit pain au lait) que ces salauds de boutiquiers avaient ouvert les portes. Sans moi, qui revenais de ma mission d’exploration les bras ballants, la bouche ouverte (mâchant mon pain au lait l’air tranquille) en me faisant bousculer par une Madame Michmiche qui traînait son Monsieur Michmiche par le manteau en lui répétant « vite vite ! »

Je n’ai donc pas été directement témoin de ces impressionnants mouvements de foule, mais je les ai vus à la télévision, et comme le petit écran dit toujours la vérité je suppute leur véracité.

La guerre était donc déclarée.

Globalement, mon enquête personnelle versait moins dans le sensationnalisme que celles de mes confrères et lorsque j’ai parlé de mon ambition journalistique on m’a ri au nez « Raconter le premier jour des soldes depuis l’intérieur, mais qu’est-ce que tu vas en dire ? On va se faire chier. »

Effectivement, on s’ennuyait un peu derrière les caisses des boutiques. J’ai bien essayé de soudoyer quelques vendeuses pour obtenir des anecdotes croustillantes mais la morosité régnait « Oh vous savez, avec la crise, les gens dépensent moins. »

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?Comme si j’allais faire un reportage sur l’économie du pays et l’accablement de la classe moyenne ! Moi je suis reporter de l’extrême, Bernardine de la Villardière, pas Emmanuel Chain ni Guy Lagache, merde. On m’a parlé de scènes d’hystéries collectives, de guerre et de sang, elle est où l’ultraviolence bordel ?

Alors on m’a dit « Bah, invente un peu. »

Quoi ? Trahir l’éthique de ma profession ? Jamais, j’ai une morale moi, merci.

Alors on m’a précisé « Non mais, juste sur les détails, tout le monde le fait. »

Alors si tout le monde le fait, j’ai reconsidéré mes principes et je me suis laissée aller à quelques interprétations.

« Premier jour des soldes d’hiver, il fait un froid de chien mais les clients ont bravé le climat sibérien pour assister à la première démarque des grands magasins. Devant les grilles un grondement sourd se fait entendre; une clameur populaire monte depuis le trottoir et des coups de coudes se distribuent dans les rangs. On distingue quelques ombres se mouvant à l’intérieur de la boutique. Tétanisée par la trop longue attente, la foule retient son souffle jusqu’au moment où le grincement du rideau mécanique se fait entendre.

Soudainement Madame Michmiche se retrouve projetée au sol, écrasée par des centaines de pieds qui se ruent sur les sacs à main en cuir à – 20%. Elle acceptera de témoigner anonymement pour raconter son calvaire « Je ne leur en veux pas, si quelqu’un d’autre que moi était tombé, je lui aurai aussi marché dessus. Un rabais de 20%, c’est pas rien quand même ! »

A l’intérieur du temple, le peuple en liesse se déchaine – une femme menace une cliente avec le crochet métallique d’un cintre; une autre est secourue par les pompiers – allongée sur le ventre avec le talon aiguille d’une paire d’escarpins anonymes planté dans le dos. Aux caisses, les vendeuses agissent comme des infirmières attentionnées et courent dans l’arrière-boutique de l’officine à la recherche du dernier 36 homéopathique.

Des billets de 500 euros s’échappent des portefeuilles entrouverts et voltigent entre les rayons dans l’indifférence la plus totale, car aujourd’hui seul le textile vaut davantage que l’or.

Au loin on remarque une scission dans la foule, un groupe discute violemment autour d’une paire de bottes, deux hommes décident, dans un souci d’égalité, de partager leur butin pour mettre fin à la querelle – chacun s’en va, une chaussure à la main.

Des clients investissent en masse le rayon « enfants », une acheteuse compulsive déclarera « Il n’y a pas de bébés dans mon entourage mais un body Petit Bateau soldé à -15% c’est une affaire, ça servira sûrement un jour, j’en prends six ! »

Dans les salons d’essayage, on se repoudre le nez afin de tenir le coup toute la matinée « Je prends un peu de cocaïne au petit déjeuner car Princesse tamtam, Comptoir des cotonniers et Monoprix font 3% supplémentaires sur leurs articles soldés entre 8h30 et 8h45, il faut que je me dépêche ! » nous confie une cliente pressée.

Partout, la folie dépensière s’installe, des hommes courent nus dans les rues pour ne pas perdre de temps à ôter leurs vêtements dans les cabines.

?On assiste à des scènes de violence urbaine sans précédent jusqu’en fin d’après midi, les corps harassés gisent le long des trottoirs devant les boutiques qui ferment enfin – certaines vendeuses excédées sont contraintes de faire appel à la police pour sortir les derniers clients récalcitrants.

Je rentre chez moi, étonnée d’avoir survécu à un pareil carnage, et lorsque mon compagnon me demande si ma journée s’est bien passée, je me sens l’âme d’une survivante ayant réchappé à une aventure historique. Dans cent ans, lorsque les soldes ne se feront plus que par internet, j’ai la certitude qu’on enseignera cette guerre aux nouvelles générations et je suis fière que mon objectivité journalistique à toute épreuve puisse témoigner de cette réalité. »


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