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Actualités France

Répertoire du sexisme illustré en politique

Les petites phrases des hommes et femmes politiques ont tendance à se perdre dans la mémoire collective. Et c’est fort dommage que les auteur•e•s de propos sexistes ne soient pas davantage crédité•e•s pour leurs oeuvres. Aux prochaines élections, ne les oublions pas.

On dit tou•te•s des choses qu’on ne pense pas, sur le moment, dans le feu de l’action, qu’on regrette parfois ensuite. Forcément, quand on est une personnalité publique, on n’est pas immunisé contre ces erreurs.

Mais toutes les mal nommées « petites phrases » des hommes et femmes politiques ne sont pas imputables à cette propension très humaine au lapsus ou à la gaffe. Les déclarations, commentaires, tweets et autres statuts Facebook sexistes sont trop nombreux pour être comptés dans la marge d’erreur.

En mars, plusieurs femmes politiques françaises avaient rassemblé leurs témoignages en photo dans un Tumblr sarcastiquement intitulé Et sinon, je fais de la politique, pour dénoncer le sexisme ordinaire dont elles étaient victimes.

À lire aussi : Sexisme ordinaire à l’Assemblée : le « Poule Gate »

Répertoire des perles sexistes des politiques

Dénoncer le sexisme au quotidien est une entreprise éreintante, mais néanmoins nécessaire. Une élection est si vite arrivée, et ce serait vraiment dommage d’oublier que tel candidat, tout sourire sur les beaux flyers en papier glacé qu’il vous tend au marché, a par ailleurs tenu des propos qui vous refileraient un ulcère !

Parce qu’il serait dommage que les futures sorties sexistes de nos représentant•e•s et élu•e•s politiques se perdent dans les limbes de l’Internet, nous vous proposons de retrouver ici un répertoire de leurs faits d’armes.

— Jimmy Parat, contre l’avortement —

  • Qui ? Jimmy Parat, vice-président de la Communauté d’agglomération Est Ensemble, conseiller municipal de Bagnolet. Élu « Dynamique Citoyenne », liste ralliée au maire PS.
  • Quand ? lors de la séance du Conseil communautaire du 18 novembre 2014
  • Faits d’armes : considérer que le droit des femmes à disposer de leur corps s’arrête là où commence sa liberté de conscience

Lors de la séance du Conseil communautaire du 18 novembre, Jimmy Parat a fait part à l’assemblée de son sentiment très personnel, et très opposé à l’avortement. Ses propos ont choqué, mais le jeune élu (31 ans) persiste et signe dans Le Parisien :

« Je reconnais que j’ai été cru et que mes propos n’étaient peut-être pas dignes d’un élu. J’ai été débordé par l’émotion, car, pour moi, c’est un sujet sensible.

J’aurais peut-être dû expliquer que je ne remets pas la loi en question, ni même la reconstruction de la maternité [de l’hôpital, NDLR], mais que, pour moi, une maternité a d’abord vocation à accompagner des naissances. Et si les femmes ont le droit de disposer de leur corps, il faut aussi assumer ses erreurs. Ce n’est pas pareil en cas de viol, bien sûr. »

L’article ajoute que « Jimmy Parat assure avoir reçu des soutiens, en privé », selon lesquels « il a eu le courage de dire tout haut ce que certains Bagnoletais pensent tout bas ».

Pourquoi ça ne passe pas ?

Jimmy Parat a bien entendu le droit d’être contre l’avortement à titre personnel. Mais en tant qu’élu, exprimer cette position n’est pas acceptable. Cela revient à vouloir faire passer ses propres convictions avant le droit des femmes à disposer de leur corps. Même s’il déclare respecter ce droit, il juge les femmes qui l’exercent.

Monsieur Parat, avez-vous conscience que la réalité que vous désignez par l’expression « assumer ses erreurs », c’est le fait de mener à terme une grossesse non désirée ? Votre expression est-elle vraiment appropriée ? Il y a effectivement une vie humaine en jeu, non pas lorsqu’on prend la décision d’avorter (l’IVG se pratique sur un embryon ou un foetus), mais bien lorsqu’on prend la décision de mener la grossesse à terme, et qu’on met au monde un enfant. « Assumer ses erreurs », vraiment ?

Et par ailleurs, qui est responsable de cette « erreur » ? Comme vous le soulignez sur les réseaux sociaux, il faut être deux pour concevoir.

On ne va pas rouvrir le débat sur l’avortement, mais sachez simplement qu’il n’est pas possible de dire « je respecte le droit des femmes à disposer de leur corps mais je suis contre l’avortement ». C’est incompatible.

On ne peut pas, en France, en 2014, être un élu de la République et prendre position contre le droit des femmes à disposer de leur corps (qu’il y ait eu viol ou non).

À lire aussi : IVG : 92 sénateurs UMP affirment une position anti-choix [MAJ]

Que cette leçon serve à tou•te•s les élu•e•s qui seraient tentés de rouvrir un débat qui n’a pas lieu de l’être : votre nom sera ajouté ici.

Jimmy Parat, mesdames et messieurs. Son compte Facebook, le site des élus de Bagnolet.

Rendez-vous aux urnes.

– Merci à Carmelita pour l’info !

— Julien Aubert, mis à l’amende —

  • Qui ? Julien Aubert, député UMP du Vaucluse
  • Quand ? À l’Assemblée Nationale, lundi 6 octobre
  • Faits d’armes : multirécidive grammaticale

Dans les épisodes précédents, Julien Aubert avait, à plusieurs reprises, appelé la députée Sandrine Mazetier « madame LE président ». Celle-ci lui avait pourtant, à plusieurs reprises aussi, demandé d’utiliser le féminin « madame LA présidentE ».

La réticence de Julien Aubert avait finalement conduit la présidente à répondre « monsieur la députée » histoire de souligner le ridicule de ce dialogue. Toute l’affaire est résumée et commentée ici :

À lire aussi : Le ministre et la députée : guerre des genres à l’Assemblée

Tout un foin pour un accord au féminin, me direz-vous, est-ce bien raisonnable ? D’autant plus que l’Académie française elle-même tranche en faveur du député : il faut bien dire madame LE président, car en français, « la présidente », c’est la femme du président.

…oui, sans blague.

Et c’est pourquoi il faut ici changer la règle et non pas l’observer, puisque cette règle implique qu’une femme ne peut pas occuper la fonction de président ! La lecture de cette excellente analyse de Charlotte Pudlowski sur Slate devrait achever de vous en convaincre.

Julien Aubert s’obstine, et malgré un avertissement de la présidente, il préfère écoper de la sanction plutôt que d’accorder au féminin. La présidente fait alors un inscrire un rappel au règlement : il en coûtera un quart de son indemnité parlementaire au député rebelle pour un mois.

Téméraire, Julien Aubert compte saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme, s’estimant « victime d’une novlangue idéologisée ».

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Heureusement que le ridicule ne tue plus, il serait mort noyé. 

Déjà, l’accord au féminin selon la règle de proximité précède l’adoption du masculin comme genre universel, alors pour la « novlangue », on repassera. Ensuite, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas une idéologie. La primauté du genre masculin sur le genre féminin, dans la vie comme en grammaire, en est une. Merci.

Julien Aubert fait une entrée discrète dans notre répertoire. Ses faits d’armes n’auront provoqué aucun outrage, si ce n’est celui de ceux qui, imperméables à la raison, considèrent le manque de respect d’une personne comme une « liberté de parole ». Oui, je parle de vous monsieur Jean-Frédéric Poisson.

Julien Aubert mesdames et messieurs : sa page Facebook, sa page de député, et son site officiel.

Rendez-vous aux urnes.

— Jacques Alain « Cristina Cordula » Bénisti —

  • Qui ? Jacques Alain Bénisti, député UMP du Val-de-Marne
  • Quand ? En commission spéciale d’examen, mardi 9 septembre
  • Faits d’armes : un commentaire totalement hors sujet sur le tailleur de Ségolène Royal

Un peu de contexte : mardi 9 septembre, une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur la transition énergétique était réunie pour auditionner Ségolène Royal, ministre de l’Écologie. C’est en commission que s’effectue le travail législatif : on est loin normalement du brouhaha et de l’ambiance parfois très théâtrale des assemblées plénières.

Et pourtant, le député UMP Jacques Alain Bénisti, peut-être à court de questions pertinentes, allez savoir, a pris la parole afin de féliciter la ministre pour… attention, à votre avis :

a) L’ambition de ce projet de réforme ? b) La rigueur des réponses apportées ? c) La couleur de son tailleur ?

Réponse en images :

[dailymotion]https://www.dailymotion.com/video/x25kah2_en-pleine-audition-de-segolene-royal-un-depute-ump-fait-une-remarque-sur-son-tailleur_news[/dailymotion]

Eh oui, la bonne réponse était la c) !

« Vous me permettrez Madame la ministre de vous féliciter pour le choix de la couleur de votre tailleur. Le vert vous va effectivement à merveille ! »

Dites donc Monsieur Bénisti, vu la pertinence de cette intervention, on a bien fait de vous confier un mandat de député ! Pour votre future reconversion, voyez si Cristina Cordula ne cherche pas un collaborateur par hasard, vu que vous semblez avoir une sensibilité particulière au style vestimentaire.

Rappel : pourquoi ce commentaire vaut-il à son auteur une place dans notre répertoire du sexisme en politique ?

Parce qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé. Trop souvent, l’apparence physique, le style vestimentaire des femmes politiques est critiqué, commenté, passé au crible. Ce n’est pas anodin. Souvenez-vous de la robe de Cécile Duflot.

À lire aussi : Le code vestimentaire professionnel, entre mystère et sexisme

Jacques Alain Bénisti, mesdames et messieurs, ne l’oubliez pas : son site officiel, sa page de député, sa page Facebook.

Rendez-vous aux urnes.  

— Gérard Collomb et « la jolie femme séductrice » —

  • Qui ? Gérard Collomb, sénateur-maire PS de Lyon
  • Quand ? Propos rapportés dans un article de L’Express
  • Faits d’armes : un commentaire qu’il aurait mieux fait de garder pour lui.

Le 9 septembre, L’Express consacrait un article au parcours politique de Najat Vallaud-Belkacem, plus précisément aux coulisses de son ascension, des bancs de Sciences Po au ministère de l’Éducation Nationale (elle est la première femme à décrocher ce portefeuille, soulignons-le).

Plusieurs proches de la ministre sont cités par L’Express, et notamment Gérard Collomb, qui n’est autre que le premier « parrain » de Najat Vallaud-Belkacem : elle a commencé sa carrière politique aux côtés du maire de Lyon, en tant que chargée de mission. « C’est lui qui m’a convaincue que l’action politique a du sens », a-t-elle affirmé.

Une reconnaissance que l’actuel maire de Lyon ne rend pas à la ministre, puisqu’il s’est fendu de ce commentaire indélicat, repris par L’Express :

« Najat est une communicante et une séductrice, mais elle doit se méfier des paillettes. […] Je crois que François Hollande aime les jolies femmes. »

Nous y voilà. C’est dit avec un peu plus de délicatesse que Franck Keller (ci-dessous), mais en l’essence, l’idée est la même : encore un qui sous-entend que Najat Vallaud-Belkacem doit sa carrière à son apparence physique…

Comme c’est original.

M’est avis que ce répertoire connaîtra encore beaucoup d’entrées relatives à la beauté de Najat Vallaud-Belkacem. En parallèle, nous, on préfèrera écrire des articles sur son action politique, hein. Vous nous excuserez de laisser à d’autres le soin de commenter son apparence.

Gérard Collomb, mesdames et messieurs, ne l’oubliez pas : son site officiel, sa page de Sénateur, sa page Facebook, son compte Twitter.

Rendez-vous aux urnes. 

— Franck Keller et les « atouts » — de Najat Vallaud-Belkacem

  • Qui ? Franck Keller, conseiller municipal UMP de la belle ville de Neuilly-sur-Seine
  • Quand ? Le 31 août 2014
  • Faits d’armes : un tweet, rapidement supprimé par l’intéressé.
franck-keller-tweet-sexiste« Quels atouts Najat Vallaud-Belkacem a utilisés pour convaincre Hollande de la nommer à un grand ministère ? » : selon Franck Keller, c’est la longueur de sa jupe, à en juger par son choix d’illustration.

Devant l’indignation suscitée par ce sous-entendu plus que déplacé, Franck Keller a supprimé son tweet. Contacté par Le Lab, il s’est défendu de tout sexisme, d’une façon fort peu convaincante. Jugez plutôt :

« On veut laisser entendre que je tiens des propos sexistes, d’un autre âge. Ce n’est pas parce qu’une femme est en jupe qu’elle a couché* »

Parce que hé, dites donc, une femme qui couche, alors LÀ on peut lui jeter l’opprobre, parce que ça ne se fait pas, voyons. Là, la ministre est JUSTE en jupe, alors ça va.

Petit cours de rattrapage à destination de Franck Keller & consorts : ce qu’une femme fait de son corps ne regarde qu’elle, point final.

À lire aussi : Je veux comprendre… le slut-shaming

Franck Keller, mesdames et messieurs, ne l’oubliez pas : son compte Twitter, sa page Facebook, son site de campagne.

Rendez-vous aux urnes.

* Et voici un parfait exemple d’excuse non valable, votre honneur.

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Je voudrais dédier ce répertoire à celui qui m’a fait découvrir que le sexisme n’était pas l’apanage d’une vieille génération dépassée, ni d’un manque d’éducation. Que l’on pouvait être instruit, érudit même, occuper de prestigieuses fonctions publiques, et tenir des propos dignes d’un pilier de bar copieusement imbibé.

J’ai nommé Laurent Fabius, qui en 2006, avait ainsi commenté la candidature de Ségolène Royal à la Présidence de la République :

« Mais qui va garder les enfants ? »

Merci à lui de m’avoir permis de réaliser qu’au XXIème siècle, les femmes restaient procréatrices avant de pouvoir accomplir quoi que ce soit !

Bien entendu, de nombreux illustres (ou pas) politiques lui ont depuis succédé au palmarès du sexisme ordinaire. Citons par exemple David Douillet, ouvertement misogyne à plusieurs reprises, mais la gent féminine n’est pas non plus en reste, dignement représentée par Christine Boutin.

Parce que le sexisme est un problème de société, qu’il est loin d’être anecdotique, que nos représentant•e•s ont un devoir d’exemplarité, et pour que nous, citoyen•ne•s, puissions faire un choix éclairé aux échéances électorales, nous vous proposons de retrouver ici un répertoire du sexisme en politique, sorte de tableau du déshonneur politique.

Conditions d’entrée dans le répertoire :

  • Être une personnalité publique (élue ou nommée)
  • Occuper une fonction publique et/ou une responsabilité politique
  • Avoir tenu ou diffusé des propos sexistes publiquement (condition de flagrant délit)

NB : les excuses publiques ne suffiront pas à voir sa citation retirée du palmarès. En revanche, si des excuses sont correctement présentées (suivre pour cela le tutoriel de Chescaleigh par exemple) et si la leçon est retenue par la suite (absence de récidive), une mention le précisant sera ajoutée.

– Merci à Célia Sway, pour son magnifique dessin ! On t’invite d’ailleurs à aller voir son Tumblr et sa page Facebook : ça déboîte.


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

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