Almira Gulsh a eu la chance d’organiser le repas de Noël en entreprise. Un grand moment de sa vie professionnelle, qu’elle vous raconte pas plus tard que tout de suite.
– Article initialement publié le 22 décembre 2011
Le travail.
Quand on a la chance d’en avoir un, on y passe le plus clair de nos journées. C’est simple, on passe bien plus de temps (selon mes statistiques personnelles) à discuter budget avec Marie-Chantal de la compta qu’à regarder l’être aimé dans le blanc des yeux en lui disant combien on trouve son implantation de cheveux merveilleusement harmonieuse.
Et il est évident qu’entre parler de chiffres avec Marie-Chantal qui, en plus de mettre beaucoup trop de fond de teint, sent de la bouche comme si elle avait gobé un poney en décomposition au petit déjeuner et discuter capillarité avec la personne qui partage notre vie (et qui même en cas d’ingestion massive d’aïoli sent indéfectiblement la violette), la motivation fait rapidement son choix.
Or, tout l’intérêt de l’employeur réside dans le bon fonctionnement de l’entreprise. Il a donc plutôt intérêt à faire en sorte que ses salariés aient envie de se rendre au travail en gambadant comme des cabris sous ecstasy.
Le salarié est un ingrat: non seulement il exige un salaire pour travailler, mais en plus de ça, il lui faut de bonnes conditions de travail pour que sa motivation et sa productivité soient au top. Sinon, au mieux il fait grève (et on le paye pas) ou au pire, il passe ses journées à stalker le profil de son ex sur Facebook (et là par contre on le paye). Le boss n’a pas le choix. Il doit fédérer ses employés, afin qu’ils soient contents de travailler.
Pour améliorer le bien-être en entreprise
Pour cela, plusieurs solutions s’offrent à lui.
Il peut décider de donner à tous ses salariés dix semaines de congés payés double en plus des six semaines habituelles. Là, c’est sûr, les employés l’adoreront. Ils passeront même l’intégralité de leurs vacances à dire du bien de lui. Par contre, il n’est pas certain que cela soit très rentable pour l’entreprise
Il peut installer à coté de la machine à café une machine à distribuer des bébés animaux mignons. Je suis intimement persuadée que ce serait très efficace. Je pense que mon taux de concentration pourrait devenir proportionnel au taux de mignonnitude des sus-cités bébés animaux.
Il peut installer à côté de la machine à distribuer des bébés animaux mignon un distributeur de champagne, voire un jukebox. Du champagne, et un morceau de Rihanna, perso, ça me donne trop la foi pour remplir mes tableurs Excel.
Il peut venir travailler déguisé en lapin. HI HI HI HI HI.
Ou alors, s’il manque un peu d’imagination et d’humour, il peut en cette période de fin d’année organiser un repas de Noël. Et si en plus de ne pas avoir d’imagination et d’humour il n’a pas de chance, il demande à bibi et à sa chef d’organiser le repas de Noël.
J’ai proposé un Père Noël sexy à qui demander des augmentations mais ça a été refusé.
On ne réalise pas comme ça, mais organiser un repas de Noël d’entreprise, c’est une énorme responsabilité. C’est sur cette unique pause déjeuner que semble se jouer l’intégralité des rapports entre collègues de toute l’année à venir. C’est une pression énorme. Faut pas se planter. C’est pourquoi, lorsque ma chef m’a demandé ce que je proposais, j’ai immédiatement eu l’idée du siècle.
Partant du principe que tout le monde aime les sapins et que tout le monde aime le bacon, j’ai immédiatement suggéré d’installer un 216 960 calories bacon tree dans la salle de réunion.
https://www.youtube.com/watch?v=JKb1IeovH60
(Epic Meal Time, ces génies modernes)
Elle m’a ri au nez en évoquant ses points Weight Watchers (alors qu’à mon avis, en une seule branche, elle éclatait tous les records mondiaux, et elle aurait pu frimer à mort lors de son prochain meeting avec ses copines de régime).
Fallait pas dire non à ma proposition d’arbre en bacon.
Du coup, elle a proposé un banal déjeuner antillais. Ce qui nous en conviendrons, sur l’échelle du cool des repas de Noël d’entreprise, est certes légèrement au-dessus du cake aux olives ou du taboulé en barquette, mais c’est pas non plus à se taper le cul par terre. Enfin… c’est ce que je me suis dit avant d’avoir le traiteur au téléphone.
Lorsqu’il m’a demandé si les convives aimaient les mets épicés, je me suis empressée de répondre « Oui, évidemment. Qui n’aime pas se faire décalquer le palais à coup de piments oiseaux ? » ; « Très bien », m’a-t-il dit, « j’en prends bonne note ».
Fallait pas dire non à ma proposition d’arbre en bacon frit aussi.
Ensuite, il m’a demandé comment il nous préparait le punch : « Avec ou sans alcool ? ». Et là, j’ai réalisé que le plus gros des avantages des repas de Noël en entreprise, leur essence même, leur seule et unique raison d’exister, c’était qu’ils offrent la possibilité de se remplir d’alcool sur son lieu de travail tout en regardant ses supérieurs hiérarchiques tituber en racontant des blagues de cul d’un goût douteux, le tout en étant payé et en parfaite impunité. Je me suis par conséquent entendue répondre « Avec alcool évidemment ! Et ne lésinez pas sur le rhum, d’accord ? ».
Le jour J a été, comme prévu, un grand moment.
- La directrice a joyeusement trempé ses acras de morue dans une sauce hyper pimentée et a sorti le manche à balai de ses fesses pour dire plein de gros mots commençant par P, par M, par E, ou par C.
- Le directeur financier m’a raconté une blague sur des putes dans un ascenseur.
- Sa secrétaire a passé la seconde moitié du repas à rire comme une hyène roulée en boule sous la table.
- L’informaticien a hurlé qu’il était pas bourré, que si ses joues étaient aussi rouges, c’était à cause du soleil (il pleuvait ce jour-là), avant de se mettre à chanter Le petit bonhomme en mousse.
- La comptable a commencé à noter les postérieurs de nos rares collègues masculins à grands renforts de pincement de fesses.
- Son assistante, elle, s’est mise à ronfler dans son assiette de boudin créole.
- Mon chef de service m’a proposé d’aller faire une randonnée nudiste à cheval en remplissant mon verre de champagne pour la cinquième fois, et moi je lui ai répondu en bafouillant que « T’façon, chuis en grève, je reprendrai le travail qu’une fois qu’on aura installé un distributeur automatique de chatons dans le hall ».
- Quant à ma chef, elle dansait le zouk avec l’agent technique qui semblait ravi d’avoir la tête collée entre ses seins.
Si, professionnellement, l’année 2012 est à l’image de ce repas de Noël, gageons qu’elle sera merveilleuse, et que ma productivité sera à son comble.
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