La semaine dernière, des madmoiZelles nous racontaient leurs souvenirs de rentrées scolaires les plus marquants en tant qu’élève. Aujourd’hui on passe de l’autre côté du miroir : des madmoiZelles profs ou CPE nous racontent leurs rentrées scolaires d’adultes.
Stress et inconnu
Être un nouveau professeur, c’est pour beaucoup être soumis•e aux aléas de l’Éducation nationale et des affectations de dernière minute.
Plusieurs madmoiZelles ont ainsi raconté l’angoisse extrême de leur premier poste, une angoisse redoublée par le fait de ne pas savoir où il serait situé, ni quel(s) niveau(x) elles devraient enseigner
. D’autant plus que même en toute dernière minute, les affectations peuvent changer.
Kelly explique :
« Ce 1er septembre a été ma quatrième rentrée en tant que professeure de français et aucune d’elles ne s’est faite sereinement, car j’ai le statut très ingrat et pourtant très répandu chez les jeunes profs de TZR. Cela signifie Titulaire sur Zone de Remplacement : j’ai bien eu mon concours du CAPES et le master qui va avec mais cela ne suffit pas pour obtenir une affectation définitive.
Donc on m’attribue une zone de remplacement contenant quelques communes ou parfois tout un département, et on m’appelle pour combler les trous…
Stressante, la rentrée ? Le mot est faible ! Imaginez-vous attendant un coup de téléphone qui pourra vous envoyer à 55km de chez vous (vécu), vous faire cours à des sixièmes comme à des terminales (encore vécu), en zone violente (toujours vé… vous avez compris le principe). »
Il y a deux ans, sa situation a été particulièrement compliquée :
« Je crois que le summum a été atteint à la rentrée 2014. Le jeu des mutations m’a fait quitter mon Sud natal pour l’Yonne où je n’avais encore jamais mis les pieds. Aucune affectation ne m’ayant été donnée durant l’été, j’ai posé mes valises un peu au hasard à Auxerre (ma zone de remplacement englobait tout le département).
J’ai fait ma rentrée dans le collège auquel j’étais rattachée du point de vue administratif, et on m’a donné un poste de prof de français et de latin (pour lequel je n’ai aucune qualification si ce n’est mes propres acquis en tant qu’élève) dans un petit collège près de chez moi.
Il ne me restait que 24h avant de prendre les classes : j’ai donc passé ma journée à créer des cours de latin, comptant sur l’aide des copines profs de lettres classiques. Et à 16h, j’ai reçu un coup de fil du rectorat qui m’annonçait que l’affectation n’était plus valable et que j’étais affectée dans un lycée à quarante minutes de mon domicile.
Mon arrêté d’affectation s’était perdu, j’aurais dû être prévenue dès le mois de juillet… Ça a beaucoup fait rire la secrétaire du rectorat, moi nettement moins.
J’ai dû préparer en quelques heures mes cours de seconde, première S mais aussi BTS mécanique.
Du haut de mes 23 ans, seule dans une région où je n’avais aucun repère et avec comme seul bagage mon expérience de stagiaire en collège, j’ai dû préparer en quelques heures mes cours de seconde, première S mais aussi BTS mécanique et tenter de maintenir le cap durant l’année.
Le pari a été réussi, mais je me souviendrai toujours de cette impression d’être complètement submergée (et des visages ahuris de mes 20 grands gaillards de BTS quand il m’ont vu me faufiler jusqu’à l’estrade avec mes petits talons et mon ordinateur rose bonbon). »
Trouver son autorité
Le premier jour, après des années à suivre des cours en tant qu’élève, il n’est pas évident de se sentir à l’aise dans sa nouvelle position d’autorité. Camille raconte :
« Je me souviens parfaitement de mon tout premier jour devant les élèves, j’avais cru mourir sur place !
D’abord, il faut commencer par dire que je ne me sentais pas tout à fait prête car j’étais encore à moitié étudiante. En fait, suite à une réforme soudaine, un concours exceptionnel avait été organisé et je m’étais retrouvée à enseigner dès l’année de master 2 alors qu’il fallait encore préparer l’oral du concours et valider le master…
Bref, inutile de s’appesantir sur la complexité de l’Éducation nationale, mais en tout cas j’avais l’impression d’être catapultée dans ce lycée à une heure de chez moi !
Me voilà donc le jour de la rentrée, attendant devant la porte de ma première classe, le ventre noué, des conseils des formateurs plein la tête : « le premier jour, le contact est primordial » (sous-entendu si ça se passe mal, tu es fichu•e pour l’année), « soyez sévère mais pas trop fermé•e, bienveillant•e mais surtout pas souriant•e » (traduction : débrouillez-vous pour que les élèves ne vous fassent pas chiez mais soyez un peu gentil•le quand même)…
J’avais pris soin d’être en avance pour rentrer dans la classe dès la sonnerie, mais je n’avais pas pensé que les élèves pouvaient ne pas être en classe…
J’avais pris soin d’être en avance pour rentrer dans la classe dès la sonnerie, mais je n’avais pas pensé que les élèves pouvaient ne pas être en classe…
J’attendais donc devant la porte et je voyais arriver petit à petit des élèves qui se demandaient qui était Mme X, si elle serait sévère, pas trop chiante… Mais moi j’étais là avec mon gros cartable en cuir (je l’avais acheté pour faire plus prof) et je ne savais pas si je devais leur dire qui j’étais ou pas… Je me liquéfiais complètement !
Pour finir, ils ont compris que j’étais la prof et se sont sentis aussi bêtes que moi ! Maintenant à chaque rentrée, je me souviens exactement de cette scène mais depuis j’ai pris de l’assurance. Ce qu’il faut retenir de cette histoire, c’est que pour le premier cours, mieux vaut faire languir les élèves et arriver avec quelques minutes de retard, les stars ne sont jamais à l’heure ! »
Toujours soigner son entrée.
Le début d’une nouvelle vie
Finalement, quasiment toutes les madmoiZelles qui ont témoigné gardent un souvenir précieux de leur première rentrée en tant que professeures ou CPE. C’est l’aboutissement d’année d’études, et le début d’une nouvelle vie. Cam se souvient :
« J’ai toujours voulu être prof des écoles, et voilà qu’est arrivé ma première rentrée, en septembre 2014. Inutile de préciser que j’étais hyper stressée, et que j’avais bossé comme une folle pendant l’été pour être prête à accueillir mes mignons élèves de martenelle.
J’étais nerveuse, je parlais d’une voix trop aigüe, je voyais bien dans le regard des parents l’inquiétude de laisser leur enfant à une toute nouvelle maîtresse si jeune.
Le jour J est arrivé et les souvenirs sont assez flous ; j’étais nerveuse, je parlais d’une voix trop aigüe, je voyais bien dans le regard des parents l’inquiétude de laisser leur enfant à une toute nouvelle maîtresse si jeune. La journée est vite passée vite, et est venue « l’heure des mamans ».
J’ai rendu chaque enfant à ses parents, ceux-ci attendant en troupeau à l’extérieur de la classe. Les enfants ont peu à peu quitté la classe, la foule s’est dispersée et…. j’ai aperçu mes parents, au milieu des autres, un grand sourire aux lèvres et très fiers de leur blague : ils m’avaient apporté mon goûter dans ma classe !
Mes collègues se sont bien marrés, moi aussi. C’était la conclusion parfaite à une journée importante de ma vie. »
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Cette madmoiZelle garde elle aussi un souvenir ému de sa première rentrée de l’autre côté du miroir :
« Ma rentrée la plus marquante est clairement celle où je suis devenue CPE. Passer de l’autre côté du rideau, incarner l’École, c’est un moment fort, avec des hoquets de souvenirs de mes rentrées d’élèves…
Si les élèves savaient à quel point les adultes se liquéfient à l’idée de ce jour, en appréhendent les moindres détails et les mots prononcés ! C’est un enjeu énorme à ce moment-là d’être crédible, organisé•e et toujours accueillant•e.
Mais franchement c’est aussi le moment où tout prend son sens ; avoir passé des concours difficiles et ingrats et voir un établissement tout à coup s’animer et prendre vie, voir les élèves enfin (sur leur 31, stressés, excités, bruyants, timides). On touche le cœur du métier.
C’était un moment émouvant, attendu, hyper angoissant. Et voir dans les yeux des élèves qu’on est définitivement un•e adulte… c’est un véritable basculement. »
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