Alors que près de 500 nouveautés déferlent en librairie depuis le 16 août, à l’occasion de la traditionnelle rentrée littéraire, Madmoizelle vous propose une première sélection de romans très attendus.
Virginie Despentes, Cher connard
Cinq ans après la fin de la trilogie Vernon Subutex, Virginie Despentes revient en librairie avec Cher Connard. Et comme toujours, elle envoie du lourd. On retrouve son style percutant, abrupt, parfois trash, qui pulse d’une rage communicative et met à nu les maux et ressorts de notre époque par la voix de trois écorchés. Rebecca, ancienne éternelle amoureuse, sublime star de cinéma, en déclin à mesure que sa cinquantaine l’exclut des plateaux de tournage. Oscar, père médiocre, écrivain torturé au succès relatif, récemment « meetooisé » par son ancienne attachée de presse. Et cette dernière, Zoé, jeune blogueuse féministe très suivie, qui l’accuse de harcèlement. Entre Rebecca et Oscar, c’est peu dire que les choses avaient mal commencé. Débute pourtant entre eux une conversation épistolaire à bâtons rompus, entrecoupée par les posts de Zoé. Rapports hommes-femmes, sexisme, âgisme, féminismes, absence d’horizon, viol, violence des réseaux sociaux, drogue, solitude, addictions diverses, masculinité, désir, confinement, transfuges de classe, maternité, hypocrisie… : leurs échanges dissèquent, éclairent et peut-être même devancent, ce qui fait l’air du temps. Aussi étourdissant que bouillonnant, Cher Connard, grande fresque post MeToo est aussi une ode à l’amitié, emprunte d’une étonnante douceur.
Cher connard, de Virginie Despentes, Éditions Grasset, 353 pages, 22€
Sally Rooney, Où es-tu monde admirable ?, traduit par Laetitia Devaux
Si vous avez adoré Normal People — la série comme le livre — précipitez-vous sur le nouveau roman de Sally Rooney. Véritable phénomène littéraire outre-manche, l’écrivaine irlandaise, devenue égérie de la génération Y, sonde à nouveau, dans une veine introspective, les rêves et désillusions de jeunes adultes avec Où es-tu monde admirable ? Elle y met en scène quatre trentenaires bancals mais lucides qui s’aiment, se cherchent, s’éloignent et se désirent sur fond de tourments autour de l’effondrement de notre monde. Comment être heureux quand tout se casse la gueule ? Que faire de notre impuissance et de nos culpabilités ? Alternant narration et échanges épistolaires entre une romancière à succès exilée dans la campagne irlandaise et sa meilleure amie, assistante d’édition dans une revue littéraire, ce roman creuse des thèmes chers à la romancière. Et notamment, la santé mentale, les ressorts du désir (avec quelques scènes de sexe aussi explicites que réussies), la masculinité, la vacuité de nos existences, le capitalisme, mais aussi, évidemment, les relations amicales et amoureuses dont elle décortique les remous. Un texte empreint d’ironie, à la croisée du roman existentiel et de la comédie romantique douce-amère, qui, s’il nous a personnellement déçu, devrait ravir les nombreux fans de la romancière « .
Où es-tu monde admirable, de Sally Rooney, Éditions De l’Olivier, 384 pages, 23,50€
Emma Becker, L’inconduite
Comment concilier l’intensité de la maternité et celle des pulsions charnelles ? Comment continuer de désirer et d’être désirée ? Que reste-t-il de soi-même lorsqu’on devient mère ? Avec L’inconduite, la romancière Emma Becker signe un roman du refus. Celui d’avoir à choisir entre être mère et femme. De se laisser enfermer dans un rôle unique qui étouffe ses pulsions de vie. « Ce que je voudrais que mon fils comprenne, c’est que j’ai essayé de me distraire de la place immense qu’il prenait en moi en y bourrant tout un tas de mecs qui me faisaient me sentir vivante — c’est-à-dire en danger », écrit la narratrice, parfait double littéraire de l’autrice. Cette dernière nous entraîne dans une quête existentielle et sexuelle par laquelle l’héroïne tente de noyer son éternelle insatisfaction. En découle de nombreuses scènes de sexe assez crues et une galerie de portraits peu flatteurs de cette forêt d’amants plus ou moins médiocres dans les bras desquels elle finit toujours déçue. Après La maison, pour lequel l’écrivaine s’était immergée durant deux ans dans une maison close berlinoise, Emma Becker signe un nouveau roman subversif, tout en même temps drôle et mélancolique, mais surtout porté par un féroce souffle de liberté.
L’inconduite, de Emma Becker, Éditions Albin Michel, 368 pages, 21,90€
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