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Rentrée littéraire : 3 romans incontournables à dévorer

Alors que 466 romans prennent place en librairie à l’occasion de la rentrée littéraire, Madmoizelle vous propose une première sélection de trois titres coups de cœur signées par des autrices incontournables. 

À lire aussi : Rentrée littéraire : trois nouvelles plumes à savourer

Chloé Delaume, Pauvre folle

La grande Chloé Delaume – à qui l’on doit notamment Les sorcières de la République ou Mes bien chères sœurs (Seuil) – est, dit-elle régulièrement, « un personnage de fiction » qui « s’écrit » pour s’adresser à elle-même mais surtout, pour se construire.

Ainsi Pauvre folle (Seuil), son dernier roman est, comme presque toujours, une autofiction. L’emploi de la troisième personne, la radicale (et paradoxale) absence de nombrilisme, nous permettent toutefois de suivre la quête de l’héroïne comme on suivrait celle d’une Emma Bovary. Sauf que ça finit mieux ! A l’aube de ses 50 ans, Clotilde entreprend un long voyage en train pour tenter de comprendre ce qu’elle fabrique avec une passion folle récemment ressurgie, qui tour à tout l’enchante et la ravage, ce qu’elle fabrique avec l’amour. Et ce qu’elle fabrique tout court. Une fuite en avant qui appelle un bond en arrière et lui fait remonter le cours de ses souvenirs qu’elle extirpe de sa mémoire avant de les autopsier. Ses premiers émois poétiques, la cohabitation avec sa bipolarité, le féminicide de sa mère que son père assassine avant de se suicider, l’enfance saccagée, le spleen de l’adolescence, l’écriture qu’elle tricote sans répit pour survivre, la sororité, l’amour ou le sexe qu’elle conjugue à tous les genres. Mais aussi, bien évidemment LA rencontre avec Guillaume et la construction d’une œuvre épistolaire poétique, vénéneuse, et vertigineuse. Un grand puzzle qui s’emboite dans une époque oscillant entre espoir de voir la révolution féministe enfin aboutir et considérations glaçantes sur une inéluctable fin du monde. Il n’y a pas franchement de quoi rire mais on se délecte pourtant de l’humour tranchant et ravageur de Chloé Delaume. De son incroyable écriture inventive et audacieuse. De sa clairvoyance chirurgicale qui n’exclut pas une étrange forme de douceur. Un merveilleux roman féroce et bouleversant. 

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*Pauvre folle de Chloé Delaume, Seuil, paru le 18 août, 19€50.

Claire BerestL’épaisseur d’un cheveu

Vive et Etienne s’aiment et forment un couple « solide ». Il est correcteur dans l’édition, elle est photographe, il est obsessionnel, elle est fantaisiste et leurs complémentarités s’équilibrent généralement à merveille. Ensemble depuis 10 ans, ils mènent une vie parisienne culturelle et sociale riche, écumant vernissages ou concerts, et partent chaque été en Italie.

Sur le papier, rien ne laisse présager que d’ici peu Etienne massacrera Vive de 37 coups de couteaux. Autour de ce féminicide, Claire Berest construit un compte à rebours qui nous plonge en immersion dans la tête de cet homme, dessinant la genèse de ce passage à l’acte et forant ses ressorts au-delà des conséquences mécaniques de la domination masculine. C’est donc le portrait d’un homme qui craint depuis l’enfance d’être ignoré, mal aimé ou mésestimé. Un homme qui n’a jamais, à ce que l’on sait, exercé une quelconque violence sur sa femme. Un homme que chaque revers de l’existence menace de disparition et qui ritualise donc sa vie afin que rien ne survienne. Depuis son passage à « temps partiel », et plus encore depuis une remontrance sur le zèle qu’il déploie à réécrire les manuscrits qui passent entre ses mains, tout se délite. Car son travail de correcteur lui permettait une forme de revanche contre ceux qu’on voit, ceux qui comptent, ces auteur.e.s qu’il juge si médiocres et dont il écrabouille l’œuvre en la remplaçant par la sienne. Un homme qui étouffe et ne survit que grâce au meurtre quotidien de la parole des écrivain.e.s et au souffle de sa femme dont il craint régulièrement qu’il lui soit enlevé car en dehors d’elle, il n’a rien. Ce souffle qu’il s’approprie en la tuant.

L’autrice ici, ne cherche pas à justifier ou encore moins à excuser, ce meurtre qui apparaît tout en même temps inéluctable et résultant d’un concours de circonstances. Elle se livre à une dissection fascinante. On est happé par cette plongée sobre et tendue au cœur d’un esprit dans lequel le mal avance pas à pas jusqu’à ce que, soudainement, la haine emporte tout. Glaçant. 

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* L’épaisseur d’un cheveu par Claire Berest, Albin Michel, à paraître le 23 août, 19,90 €. 

Carole Fives, Le jour et l’heure

D’elle, on avait d’abord pris une gifle littéraire avec Tenir jusqu’à l’aube (Gallimard, 2018), un des plus beaux romans qu’on ait lu autour de la maternité qui mettait en scène, dans un huit clos serré, une mère célibataire, bouleversante combattante du quotidien. Dans Le jour et l’heure (Lattès), son septième roman, Carole Fives confirme son talent de portraitiste de la famille.

Un matin de mars, Edith, Simon et leurs quatre enfants embarquent pour un road trip « comme à la belle époque », faisant remonter les souvenirs des nombreux voyages entrepris en famille ces trente dernières années. Les petits sont devenus grands mais chacun retrouve instinctivement sa place, « il y a comme une continuité naturelle aujourd’hui à se retrouver ensemble dans ce véhicule et à se rendre dans une ville inconnue ». Direction Bâle, en Suisse, le temps d’un week-end. Ils sont partis à 6 mais reviendront à 5. Car ce qui les réunit tous, c’est le rendez-vous pris par Edith avec la mort. Elle se sait gravement malade et décline de jour en jour. Parce qu’elle refuse d’agoniser, de laisser l’inéluctable démence la grignoter, elle a souhaité choisir elle-même le jour et l’heure de son décès et a réussi à convaincre son mari et ses enfants de l’accompagner.

Dans cette famille, presque exclusivement constituée de professionnel(le)s de santé dont la mission, pour chaque patient, est « de le tenir en vie, coûte que coûte, en dépit de sa liberté », regarder la mort en face n’est pas chose aisée. Pourtant, par amour, ils sont tous là. Ce bref roman choral, mêlant les voix des enfants et du mari, entrebâille, sans stéréotype ou manichéisme, la porte de l’intimité de la vie d’une famille mais surtout d’ existences peu à peu changées par la maladie de la mère, par son choix. « Ce n’était pas un suicide assisté, non, pas du tout. Ce n’était pas une pulsion de mort, bien au contraire. C’était une leçon de liberté (…) ». Une merveille de délicatesse. 

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*Le jour et l’heure, par Carole Fives, Lattès, à paraître le 23 août, 17€.


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

1
Avatar de Kristeva
6 septembre 2023 à 21h09
Kristeva
Ils donnent tous très envie, merci !!
0
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