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Arts & Expos

Kaoru Mori, talentueuse mangaka : l’interview !

À l’occasion du Salon du livre 2014, Sarah a eu la chance d’être reçue par Kaoru Mori dans un joli kimono. L’auteure des manga Emma et Bride Stories, invitée par les éditions Ki-oon, a gentiment accepté à répondre à quelques questions pour madmoiZelle.

On vous avait déjà parlé d’elle : Kaoru Mori, mangaka de talent à l’origine de Bride Stories et Emma, nous impressionne toujours autant par son dessin minutieux et sa ribambelle de personnages tous aussi riches les uns que les autres. Et ce n’est pas que nous : en 2005, elle reçoit le Prix d’excellence du Japan Media Arts Festival pour Emma, et en 2012, le Prix intergénérations du festival d’Angoulême pour Bride Stories. Rien que ça.

Cette année, les éditions Ki-oon ont bien fêté leurs 10 ans en réussissant à inviter la mangaka à succès au Salon du livre. Ce n’était pourtant pas gagné ! Plutôt timide, ne voulant pas être prise en photo, c’était la première fois que Kaoru Mori acceptait une invitation en France. Pensez bien que le stand Ki-oon a mis le paquet niveau présentation : de grands visuels et une mini-expo avec quelques planches choisies rendait hommage à son impressionnant coup de crayon.

interview-kaoru-mori-1© 2009 Kaoru Mori

Et je ne vous parle pas de la file devant le stand de dédicaces… Alors que je traversais la foule pour essayer d’atteindre l’autre bout du stand, je me suis sentie particulièrement privilégiée : à peine quelques heures plus tôt, la mangaka m’avait reçue avec le sourire et dans un magnifique kimono, pour un entretien en tête à tête.

(Enfin, plus l’indispensable interprète, puisque, au risque de vous décevoir et malgré tous les anime que j’ai pu m’avaler, je ne parle toujours pas le japonais couramment.)

Voici donc pour vous un petit aperçu des coulisses de ses deux séries ! D’une Emma romantique au coeur de l’Angleterre victorienne à un véritable périple parmi les peuplades nomades sur la route de la soie au XIXème, préparez-vous à attraper le goût du voyage et de la découverte de la jeune mangaka.

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© 2002 Kaoru Mori

Emma se déroule dans l’Angleterre victorienne, Bride Stories en Asie centrale aux alentours du XIXème siècle, et on note à chaque fois ce souci du détail dans le contexte qui fait voyager le lecteur. Est-ce qu’il y a un gros travail de documentation, de recherche, derrière tout ça ?

Beaucoup, beaucoup de recherche sur Internet, principalement. J’essaie de me rapprocher de ces cultures à travers des recherches ethnologiques, et de lire des spécialistes de cette époque, que ce soit au niveau de l’architecture, des vêtements, etc.

Parfois avec de la chance, on peut trouver des vidéos sur Internet, des documentaires par exemple, qui présentent des coutumes, des traditions. C’est assez rare pour l’Asie centrale, mais ça permet de se documenter et de trouver le ton et l’inspiration plus facilement.

Vous développez chaque fois une histoire assez complexe, avec une trame principale et beaucoup de personnages et d’histoires parallèles. Comment est-ce que vous travaillez dessus ?

Pour Bride Stories, en fait, c’est assez simple… Le scénario, c’est un peu un prétexte pour présenter la région. L’Asie centrale, c’est grand, c’est même très grand, et le fil conducteur de tout ça, c’est une sorte de voyage qui va faire découvrir le pays au travers des personnages qui y vivent.

Donc voilà, c’est plutôt de cette manière que je perçois le scénario. Après, pour travailler celui-ci, j’essaie surtout de me focaliser sur quelque chose qui va intéresser le lecteur, quelque chose qui va lui donner envie de revenir, de se plonger dans ce monde. Attirer l’attention sur d’autres modes de vie, tout simplement, au travers des personnages, leurs coutumes et leurs histoires.

J’essaie vraiment de manipuler beaucoup d’éléments, que ce soit au niveau des lieux — il y a des endroits près de la mer, d’autres dans le désert — que des personnages, des plus jeunes aux plus âgés. Le but est d’avoir un panel très large, de présenter beaucoup de choses, et de piquer l’intérêt du lecteur par la variété.

Comment résumeriez-vous la trame de Bride Stories pour nos lectrices qui ne vous connaissent pas encore ?

Ah… ce n’est pas facile ce que vous me demandez, les résumés ce n’est pas ma spécialité ! (rires)

Disons que… c’est une histoire qui va vous transporter, qui va vous faire voyager dans l’Asie centrale, ce qui était le but de sa création. J’espère que mon objectif sera rempli, mais voilà : Bride Stories relate les aventures diverses et variées de plusieurs personnages, vivant à une époque qui est maintenant révolue. Ça permet de voyager dans l’espace mais aussi dans le temps.

interview-kaoru-mori-bride

Comment vous est venue l’idée de faire un manga sur les tribus nomades d’Asie centrale ? Qu’est-ce qui vous attire dans ces cultures, que vous décrivez avec un plaisir évident ?

Quand j’étais lycéenne, je lisais beaucoup de récits de voyage assez anciens, comme justement les grandes épopées en Asie centrale. J’aimais beaucoup les recueils de photographies liés aux ouvrages, aussi, ça m’a toujours passionné. Des photos d’époques, des clichés des spécialités culinaires, toutes les petites choses qu’on pouvait trouver là-bas qui différaient ce que je connaissais.

Et puis surtout les costumes ! Des costumes folkloriques absolument magnifiques, qui ont très probablement influencé mon choix du pays pour mon manga.

Vous prenez donc beaucoup de plaisir à dessiner ces personnages, non ?

J’aime tout ce qui est costume traditionnel, peu importe le pays. Ce sont toujours des choses magnifiques et très intéressantes à étudier, à reproduire. Mais vraiment, oui, dans le cas de l’Asie centrale je prends particulièrement du plaisir à le faire !

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© 2009 Kaoru Mori

Le dessin dans Bride Stories est très technique, du coup. Est-ce que vous avez besoin de vous appuyer sur des modèles pour certains aspects du récit, comme les broderies, les bijoux, les chevaux… ?

Bien sûr, oui, j’ai des modèles. J’ai accumulé énormément de documentation, de photos, de livres, des détails sur cette époque précise, que je regarde attentivement pour tenter d’y rester fidèle.

Combien de temps vous demande, mettons, un chapitre ?

Eh bien… c’est 24 pages environ pour un chapitre. Pour dessiner, si on enlève le côté scénaristique, et juste le dessin en lui-même, ça demande près de deux semaines pour faire les 24 pages. Mais quand j’ai vraiment besoin de m’y mettre très sérieusement, enfin, quand il y a des scènes très détaillées ou cruciales pour la suite du récit à dessiner, ça peut prendre jusqu’à trois semaines.

Et vous travaillez avec beaucoup d’assistants ?

J’ai deux assistants, qui viennent environ trois jours, pour faire tout ce qui est fioritures, tons noirs et les détails dans la trame. Je les appelle quand le dessin est fini, et ça prend environ deux-trois jours pour faire les finitions.

Vous faites donc le plus gros du travail vous-même…

Oui, absolument.

Pour en revenir un peu au thème de l’Asie centrale, diriez-vous que vous restez fidèle à l’aspect historique, ou est-ce que vous avez besoin de vous en éloigner un peu pour la fiction ?

J’essaie de faire quelque chose de très réaliste. Dans l’idée que les peuples originaires de ces régions puissent lire en se disant « ah oui, en effet, c’est vraiment mon mode de vie », qu’ils ne sentent pas de décalage, ou, disons, une perte de véracité historique. Donc non, pas d’éloignement pour la fiction, j’essaie de coller vraiment au maximum à la réalité.

Il y a sûrement des choses qui sont différentes, parce que fais des erreurs comme tout le monde ! (rires) Mais mon optique est le réalisme.

Parlons un peu de votre première série : Emma raconte l’idylle entre une femme de chambre et un riche héritier qui vont bouleverser les codes de la société victorienne. À quel point peut-on voir l’influence de l’écrivaine Jane Austen dans votre travail ?

Ah, alors, absolument aucun rapport ! (rires) Je sais que le personnage a le même nom que le roman de Jane Austen, mais c’est juste un prénom que j’aimais bien, donc il n’y a pas vraiment eu d’influence quelconque dans mon travail. C’est vrai qu’on me pose souvent la question, qu’on me demande s’il y a un rapport… mais absolument pas !

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© 2002 Kaoru Mori

D’accord, c’est une surprise ! Bon, maintenant qu’on a bien voyagé… Vous travaillez toujours sur Bride Stories à l’heure actuelle, mais est-ce que vous avez déjà quelques projets pour le futur ? Une autre période historique que vous auriez envie d’exploiter ?

Je pense que j’en ai encore pour cinq ans environ avec Bride Stories… donc on verra mon humeur, dans quel état d’esprit je serai à ce moment-là ! Mais non, je n’ai rien de bien décidé encore. Je suis impliquée à 100% dans cette série pour l’instant.

Et la France, ça vous intéresse ?

Eh bien… Après avoir fait l’Angleterre… C’est vrai que ce serait intéressant de faire le rival, de l’autre côté de la Manche ! (rires) Parce qu’évidemment, pour tout ce qui est costumes et vêtement, la France… Il y aurait tellement de choses à dire et à dessiner.

Au début de mes recherches pour Emma, j’ai beaucoup utilisé de documentation qui venait de France pour tout ce qui est code vestimentaire et aristocratie, donc bon… Pourquoi pas ?

On a des chances de vous voir vous attaquer à la France du 19ème un jour, alors ! Eh bien, Kaoru Mori, merci beaucoup de m’avoir consacré un peu de votre temps pendant le salon. J’espère que vous allez profiter de votre 1er passage en France !

Oui, merci à vous !

interview-kaoru-mori-3

Le cadeau qui a la classe (iiiihh)

Un grand merci à Kaoru Mori pour sa bonne humeur et son accueil (je me suis sentie ridicule dans mon bête jean), ainsi qu’à Victoire pour sa gentillesse et pour avoir rendu possible cet entretien ! Je n’oublie pas l’interprète, sans qui nous n’aurions échangé que de longs silences et sourires gênés…


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Les Commentaires

12
Avatar de LoveSalander
27 mars 2014 à 20h03
LoveSalander
Moi qui ne suis pas une énorme fan de mangas habituellement, cet article m'a donné terriblement envie Et puis cette vidéo est super, je trouve passionnant de regarder quelqu'un dessiner uppyeyes: surtout qu'elle a un magnifique coup de crayon 
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