Il y a près d’un an, la maison française Repetto lançait Eau Florale, une eau de toilette fruitée et boisée évoquant la légèreté et la grâce d’une danseuse. Pour l’occasion, j’ai eu la chance de rencontrer Juliette Karagueuzoglou, l’un des deux nez à l’origine de cette fragrance fraîche et juteuse.
Comment vous-êtes vous intéressée à la parfumerie et au parfum en général ?
D’après mes parents, j’ai toujours aimé sentir ce qui m’entourait et décrire les odeurs. Je mémorisais beaucoup les personnes selon leur parfum.
J’ai découvert qu’il y avait des gens qui créaient des parfums à treize ans : à l’époque, ma tante travaillait chez Christian Dior, et elle m’a parlé de Dune, la nouvelle fragrance que la marque allait sortir.
J’ai toujours aimé sentir ce qui m’entourait et décrire les odeurs.
À ce moment-là, ça a fait tilt dans ma tête : j’allais tout faire pour un jour, moi aussi, inventer de nouveaux parfums ! J’ai donc orienté ma scolarité dans ce sens. Le métier de nez, je l’ai découvert plus tard, en lisant des livres sur la parfumerie puis en travaillant avec des parfumeurs.
Beaucoup de gens disent que les parfumeurs ont un don. Moi je pense qu’ils ont une certaine sensibilité aux odeurs, mais ensuite, c’est énormément de travail.
Comment êtes-vous devenue parfumeuse ?
Après une licence de chimie, je suis rentrée à l’ISIPCA, une école de parfumerie située à Versailles, dans les Yvelines. Pour mon diplôme, j’ai passé deux ans en apprentissage chez Expressions parfumées, situé dans le berceau de la parfumerie, à Grasse.
Mon maître de stage pschittait des notes sur des mouillettes et je devais deviner les matières premières et trouver leurs différences.
Je travaillais au labo où j’apprenais à reconnaître les matières premières et à les décrire. Tous les soirs, mon maître de stage me faisait passer des tests pour faire travailler ma mémoire olfactive. Il pschittait des notes sur des mouillettes (les petites bandes de papier blanc qu’on trouve dans les parfumeries) ; je devais deviner les matières premières et trouver leurs différences.
J’ai vraiment beaucoup aimé être directement plongée dans le monde de la création, et ça a confirmé mon envie de devenir nez.
Mon diplôme en poche, je suis rentrée chez IFF. Au début, j’assistais les parfumeur•euses lorsque leurs assistant•es étaient absent•es, et puis j’ai commencé à travailler sur de petits projets pas trop compliqués
. Comme je débutais, un parfumeur confirmé suivait mon travail et me donnait des conseils pour élaborer mes formules, ce qui m’a vraiment permis d’affiner mes connaissances et ma réflexion.
Voyant que j’étais très motivée, IFF m’a envoyée un an à New York suivre des cours dans son école de parfumerie internationale. C’était vraiment bien ! À mon retour, je suis passée parfumeuse junior et j’ai enfin commencé à travailler sur mes propres projets.
Y a-t-il beaucoup de femmes qui créent des parfums ?
C’est une profession qui s’est féminisée mais je pense surtout que c’est la variété de cultures, de personnalités et de vécus qui fait la richesse de la parfumerie.
Historiquement, les premiers parfumeurs étaient des hommes, mais aujourd’hui, je dirais qu’il y a autant de parfumeuses que de parfumeurs. C’est une profession qui s’est féminisée mais je pense surtout que c’est la variété de cultures, de personnalités et de vécus qui fait la richesse de la parfumerie.
On a tous une sensibilité aux odeurs différentes, liée à notre histoire personnelle, et c’est ce qui forge notre individualité en tant que parfumeur•se.
J’ai beaucoup d’admiration pour les parfumeuses Sophia Grojsman et Sophie Labbé, dont le travail a marqué certaines périodes de ma vie. En plus d’aimer les parfums qu’elles ont créés, j’aime aussi leur façon de travailler et leur personnalité.
Juliette et la danseuse étoile Dorothée Gilbert, égérie de l’Eau Florale de Repetto
Comment se passe la création d’un parfum ?
Chez IFF, avant que les parfumeur•euses ne se mettent à réfléchir à un nouveau parfum, il faut qu’il y ait une demande de la part d’une marque. On ne propose jamais une formule toute prête à un client, qu’il n’aurait plus qu’à mettre en flacon. Une fois le cahier des charges reçu, plusieurs parfumeur•euses travaillent, seul•es ou à plusieurs, sur le projet.
Chaque réalisation est mise en compétition avec les autres, et c’est la marque qui a le dernier mot. La plupart du temps, tout est lancé en même temps : la réalisation du jus, du flacon et du packaging, ainsi que la réflexion autour du plan de communication.
Pour l’Eau Florale de Repetto, le cœur floral de l’eau de toilette est précédé par des notes très pétillantes et juteuses de pamplemousse et de poire, et succédé par des notes boisées et sensuelles de cèdre et d’ambre gris.
Pour l’Eau Florale de Repetto, avec mon collègue Nicolas Beaulieu, on a travaillé sur la légèreté et la fraîcheur, avec en tête l’image d’une ballerine espiègle et fraîche dans son tutu de tulle. Le cœur floral de l’eau de toilette est précédé par des notes très pétillantes et juteuses de pamplemousse et de poire, et succédé par des notes boisées et sensuelles de cèdre et d’ambre gris.
C’est un jus très complémentaire des deux premiers parfums Repetto.
Comment travaillez-vous sur un nouveau parfum ?
Après avoir pris connaissance du brief, la plupart du temps, je fouille dans mes souvenirs d’enfance à la recherche de la petite madeleine de Proust qui pourrait toucher la corde sensible du plus grand nombre.
Sinon, j’aime bien revisiter des grands classiques de la parfumerie pour les dépoussiérer un peu. Je pense à un parfum culte et je me demande comment je pourrais le réinventer et proposer quelque chose de nouveau en partant de ses notes principales. Souvent, ça lui fait du bien.
Pour éviter de rester bloquée trop longtemps sur une même formule, je travaille sur plusieurs parfums en même temps. Ça me permet de naviguer entre différents projets dans la journée et de garder l’esprit clair.
Merci à Juliette Karagueuzoglou d’avoir répondu à mes questions !
Les Commentaires
^_^ Ahlala ! Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis.
J'ai fait un master de chimie - pharmaceutique - isolement et analyse (M1 et M2), puis j'ai fait un second M2 en bioressources et biologie marine. J'ai travaillé pendant 1 an dans comme assistante ingénieure dans un labo de recherche public (ça payait pas des masses, surtout sur Paris) en CDD.
Puis 1 et 1/2 de chômage (un plaisir sans nom. Non). Trouver un poste dans mon domaine... Franchement la galère.
J'en ai profité pour développer de mon côté quelques compétences, notamment en informatique.
Et depuis, j'ai fait une POE (Préparation Opérationnelle à l'Emploi) en informatique et je travaille comme consultante fonctionnelle dans un grand groupe informatique. C'est quelque chose qui se fait facilement, une fois inscrit-e à Pôle Emploi avec un niveau master, on reçoit ce genre de proposition régulièrement. Ce sont des formations de quelques mois avec, si obtention d'une certification à la fin, la garantie d'un CDD la plupart du temps.
J'aimerais bien un jour revenir sur certaines problématiques qui m'intéressent plus (environnement, valorisation des bioressources), mais en attendant, je m'enrichis d'autres compétences-expériences. (Après, ce sont des postes de prestataires en informatique et... bon il y a des choses à redire ^_^ évidemment.)
Je ne regrette pas ma formation initiale cela dit.
Mais oui, la réalité de l'emploi derrière tout ça... et bien, les places sont rares. Après, c'est comme tout : ça dépend des spécialités je suppose.
J'ai une amie qui a fait une école d'ingénieur en formulation, depuis 5 ans maintenant elle n'a rien trouvé. Elle est mariée, vit dans le sud de la France, et elle a trouvé quelques postes, mais elle a enchaîné les mauvaises expériences...
Mais, il ne faut pas désespérer. Ce sont deux expériences. Elles ne sont représentatives que d'elles-mêmes.
Si cela t'intéresse, il y a moyen de trouver différents types de formations : des IUT, des BTS, des Masters, des MBAs... Et il y a des passerelles aussi ^_^ ! Et pour ce qui est du travail, il y a des grands groupes, mais aussi des plus petits, des artisans et des industriels, du luxe et de l'entrée de gamme (il y a de la place pour tout, il ne faut surtout pas se formaliser : un cahier des charges, ce n'est jamais qu'une contrainte pour te pousser à plus de créativité !). Ca, c'est un conseil de grande soeur : hauts les coeurs !