Vendredi. 11 heures. Le Café de la Cigale. Vincent Delerm. Interview.
Dix mots simples mais un moment compliqué. Compliqué parce que j’ai trop de questions à lui poser, parce que j’aurais aimé être plus calme, parce qu’il m’impressionne, parce que Favourite Songs, son album de duos, est exceptionnel, parce que j’aimerais lui dire.
Tout a été plus simple que prévu finalement. En face de moi, dans un troquet de Pigalle, j’ai rencontré un chanteur d’une humilité et d’une gentillesse sans pareil.
J’étais à son concert en 2006. Ce coffret live me l’a fait revivre. Que l’on aime ou non la nouvelle chanson française (pas si nouvelle que ça d’ailleurs), sa prestation scénique et dans la vie (je peux le dire maintenant) ne peuvent que te convertir.
madmoiZelle.com : Pourquoi sortir un album de duos ?
Vincent Delerm : Je suis venu à la chanson parce que j’aimais les titres des autres. C’est une initiative qui semblait logique pour moi. Comme la conclusion d’une sorte de cycle.
madmoiZelle.com : Y’a-t-il un dénominateur commun à tous les artistes présents sur scène ?
Vincent Delerm : Oui, mais ce n’est pas le même pour chaque invité. Ça peut s’expliquer par un registre similaire. Par exemple, Yves Simon, c’est quelqu’un qui m’a marqué dans sa façon d’écrire. On a un public voisin. Après, ça peut être lié à un truc plus humain : avec Bénabar, on a la même manière d’envisager le métier.
madmoiZelle.com : Qu’est ce que vos parents vous faisaient écouter petit ? Est-ce que cela vous a influencé ?
Vincent Delerm : C’est marrant parce que dans les duos, il y a une partie Souchon/Moustaki/Renaud qui est très présente. Mon père jouait du Moustaki à la guitare. Tu me diras, quand t’es prof à la fin des années 70, y’a des chanteurs inévitables. Moustaki en faisait partie. T’as ça dans toutes les générations : si t’as appris le piano dans les années 90, t’as forcément jouer du Yann Tiersen. Ce qui a vraiment été déterminant pour moi, ce sont les concerts. J’ai toujours adoré ça. Les ambiances de spectacle, c’est ce qui m’excite le plus dans ce métier. Enfin, si c’en est un.
madmoiZelle.com : Vous avez commencé le piano plutôt tardivement. Pourquoi ?
Vincent Delerm : Bah… Parents babas cool : pas de télé, pas de club le mercredi car trop bourgeois… On n’apprenait pas d’instrument de musique à un enfant. C’était à lui de décider. A 16 ans, je me suis mis au piano vraiment dans le but de chanter des chansons. Je me souviens de week-ends où mes parents se barraient. Moi, je restais à la maison. Je faisais des entrées sur scène dans le salon, je m’imaginais en concert et me disais : « de quoi je pourrais parler, qu’est ce qui va faire de l’effet aux gens ? »
madmoiZelle.com : Comment se passe la composition ?
Vincent Delerm : Je travaille la mélodie en premier. Je n’arrive pas écrire de texte sans musique.
madmoiZelle.com : Votre ami Matthieu Boghaerts a tendance à s’isoler dans des villes étrangères pour créer. Avez-vous aussi besoin de ça ?
Vincent Delerm : C’est vrai que Matthieu est très particulier. Il a toujours fait ça. Il est parti en Afrique pour écrire 2000, à Berlin et Barcelone pour Michel. Il a besoin d’un endroit où il ne connaît personne. Moi, j’essaie plutôt d’intégrer ça à ma vie quotidienne. J ’ai beaucoup de mal à me dire : « je plaque tout, je m’en vais comme ça, sans donner de nouvelles pendant 15 jours ». Je cherche vraiment à concilier mon métier avec ma vie de couple. Je n’ai pas envie que la création soit considérée comme une douleur.
madmoiZelle.com : Vous n’êtes donc pas dans une sorte de solitude façon artiste maudit ?
Vincent Delerm : Non, mais Matthieu non plus. Il s’agit seulement d’un besoin de solitude. Peut-être que celle-ci me permettrait d’avancer plus vite dans mes textes mais je ne veux pas essayer. Je préfère écrire moins mais être présent pour les gens que j’aime. C’est un choix de vie.
madmoiZelle.com : Premier CD acheté ?
Vincent Delerm : Le deuxième album d’AA. J’ai d’abord acheté la cassette puis le CD. Je devais être en cinquième.
madmoiZelle.com : Comment réagissez-vous face au téléchargement ?
Vincent Delerm : Je n’aime pas énormément parler de ça. Je déteste l’idée que les artistes se posent en flics. Je pense qu’il faut juste se rendre compte d’une chose, c’est que des métiers vont disparaître : celui de producteur, par exemple. Le souci qu’il y a actuellement, c’est que les chanteurs qui prennent la parole sur ce sujet là sont les quinze plus gros vendeurs de disques. Je trouve ça un peu insolent.
madmoiZelle.com : Votre film culte ?
Vincent Delerm : Sans doute Annie Hall de Woody Allen. Je suis vraiment fan de ce réalisateur. Malgré ses derniers films un peu ratés, je le trouve fascinant. C’est quelqu’un, il a ce truc dès qu’il apparaît… J’ai souvent dit ça sur Souchon aussi. Je l’adore, pour ses chansons bien évidemment, mais aussi pour sa façon de se comporter, de répondre… J’admire Edouard Baer pour les mêmes raisons.
madmoiZelle.com : Pensez-vous un jour vous orienter dans une voie différente ? Plus expérimentale ?
Vincent Delerm : Non, je ne crois pas. J’aime les gens cohérents. Pas ceux qui s’improvisent. Ça me rappelle la fin des années 90. Beaucoup de gens essayaient de mettre un peu de Tricky ou de Portishead dans leur musique. Au final, ça faisait très artificiel. Ils étaient tellement préoccupés par cette volonté là qu’il y a très peu d’albums français qui ont tenu la route. Il faut savoir un minimum pour quoi on est fait.
madmoiZelle.com : Merci Vincent !
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Les Commentaires
Je dirai même plus ...
Très belle interview,simple sans chichis !