Artiste et illustratrice brésilienne, Jenifer Prince a trouvé un style personnel qui fait fureur sur son compte Instagram, qui vient d’atteindre les 300 000 followers. Interview.
À l’aide de bulles de comics vintage, Jenifer Prince fait se rencontrer la pop culture d’hier et d’aujourd’hui et propose sur son compte Instagram une représentation d’amours lesbiens inédite. Rencontre inspirante.
Interview de l’illustratrice de comics lesbiens, Jenifer Prince
Madmoizelle. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?
Jenifer Prince. Bien sûr ! Je suis Jenifer, une artiste lesbienne et illustratrice indépendante du Brésil, qui aime l’esthétique vintage et dessiner des femmes amoureuses les unes des autres.
Comment êtes-vous devenue illustratrice ?
Le dessin était mon activité préférée quand j’étais enfant et j’ai grandi en étant introvertie. Dessiner et créer de l’art sous toutes ses formes a toujours été une passion, mais aussi une façon de m’explorer et de communiquer avec le monde. J’ai compris ensuite à quel point l’art pouvait être un outil puissant de changement social et comment il m’aidait personnellement à accepter mes propres sentiments. Quand j’ai réalisé que je pouvais en vivre, j’ai commencé à l’exercer de façon professionnelle.
Quand avez-vous trouvé votre style, ces illustrations pop art saphiques et vintage distinctives ?
Comme chez la plupart des artistes, mon style s’est développé naturellement avec le temps, au gré de ma pratique, de mes références et de mes inspirations. J’ai toujours travaillé sur un style de dessin façon comic. Le côté rétro est plus récent. Vers les années 2017-2018, j’ai commencé à explorer l’esthétique vintage et à l’incorporer à mon travail.
Vos sources d’inspiration sont très diverses. D’où proviennent-elles ?
L’inspiration peut venir de n’importe où, vraiment. Parfois, elle vient de mes propres expériences de vie, d’une conversation ou d’un moment que j’ai partagé avec ma petite amie, parfois elle vient d’un média que je consomme. Pour vous donner quelques exemples, pour cette œuvre récente, intitulée « gift » [« cadeau », ndlr], j’ai été inspirée par le roman Les Sept Maris d’Evelyn Hugo de Taylor Jenkins Reid (sorti en 2017).
J’ai imaginé cette autre œuvre, intitulée « I got you » [« Je suis là pour toi », ndlr] alors que je traversais un deuil. Je venais de perdre quelqu’un de vraiment spécial pour moi. Ma petite amie m’a tenu la main tout le temps, pendant des jours, qui sont devenus des semaines. Elle m’a tellement aidée et de tant de manières différentes…
Un jour, j’ai pensé à la façon dont j’avais l’impression qu’il pleuvait constamment et qu’elle était là, me protégeant de la tempête que je ressentais à l’intérieur, et attendant patiemment que j’aille mieux. C’est ce que cette illustration représente pour moi. Donc oui, l’inspiration me vient de partout !
Pourquoi est-ce important de remettre de la queerness dans la pop culture ?
C’est important parce que la pop culture influence et reflète les valeurs de notre société et la norme est le monde hétérosexuel (et souvent blanc). Les personnes queer existent et ont toujours existé. Montrer cela à travers la pop culture est un moyen de combattre le récit hétéronormatif. C’est important parce que nous recherchons tous et toutes des histoires et des personnages auxquels nous pouvons nous identifier. Nous voulons nous sentir appartenir à ce monde. Les personnes queer doivent pouvoir se voir représentées et voir leurs histoires racontées de manière positive et joyeuse.
De quelle série de dessins êtes-vous la plus fière et pourquoi ?
Oh, c’est une question difficile ! Il y a une illustration spécifique que j’ai faite en 2022, « runaways », dont je suis très fière. Je l’adore parce que j’y vois la fusion de mon identité d’artiste, si ça a du sens. Si vous me demandiez d’utiliser une seule illustration pour représenter mon travail, je suppose qu’au stade où j’en suis, ce serait celle-là.
Pouvez-vous commenter ces dessins pour Madmoizelle ?
Cette illustration fait partie d’une série « accidentelle » : j’ai participé à un défi artistique appelé « #Mermay », qui se déroule sur les réseaux sociaux au cours du mois de mai, et où l’artiste doit créer quelque chose sur le thème des sirènes. En 2022, j’ai voulu montrer des sirènes qui s’aiment.
J’ai créé cette bulle après la diffusion du final de Killing Eve. Les fans étaient très en colère [attention spoiler : les scénaristes ont décidé de tuer le personnage de Villanelle dans la série, tombant ainsi dans le trope « Bury your gays », qui souligne la prévalence des récits mortifères dans les trajectoires des personnages LGBTQ+ de la pop culture, ndlr]. Étant moi même fan, j’ai voulu nous rendre hommage, et faire comme si le final se terminait lorsque les personnages s’embrassent enfin (S04E08) après de nombreuses saisons de teasing. C’est le happy end que le couple aurait pu avoir.
C’est la deuxième partie de ce que j’appelle ma série « noire ». L’idée est que le détective soit un personnage constant dans ces séries et esthétiquement, je suis dans un style polar noir, avec des lumières et des ombres très fortes, un look années 40-50 et une ambiance sensuelle qui flotte entre les dames. C’était aussi la deuxième fois que j’utilisais l’animation dans mon travail personnel, ce qui était vraiment amusant à faire. J’aime regarder cette illustration et me demander si la femme avec la cigarette allumée est le suspect, la victime ou une ancienne amante qui pourrait avoir un tuyau pour la détective. Qu’en pensez-vous ?
Quelle a été la joie la plus inattendue que vos dessins vous ont apportée ?
Sans aucun doute le fait de recevoir d’adorables messages de personnes venant du monde entier : parfois c’est à propos de mon travail, parfois à propos d’elles- même et de leur parcours lesbien. C’est incroyable ! Je suis toujours très émue et je ne pourrais pas être plus reconnaissante.
Crédit photo de Une : Capture d’écran Instagram de Jenifer Prince.
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