Vous avez un pass sanitaire en poche et vous voulez voir autre chose que Kaamelott au cinéma ? Alors foncez voir Bonne mère, le second long métrage d’Hafsia Herzi qui vous en mettra plein la vue, non de la capitale, mais de Marseille bébé, et surtout plein le cœur.
J’ai eu la chance de rencontrer l’actrice et réalisatrice au Festival de Cannes où elle a présenté Bonne Mère dans la sélection Un certain regard, et j’ai été touchée de son engagement et de sa sensibilité.
Après son premier film, Tu mérites un amour, Hafsia Herzi confirme son talent de direction d’acteurs et sa patte naturaliste avec un film à son image : contemplatif et poignant.
« Bonne mère », le projet d’une vie
À Marseille dans les quartiers nord, vivent Nora et sa famille, dont elle s’occupe avec autant de dévouement qu’ils peuvent être ingrats. Son fils aîné Ellyes, incarcéré depuis plusieurs mois, attend son procès. Nora fait tout pour lui rendre cette attente la moins insupportable possible tout en gérant enfants, petits-enfants et problèmes d’argent seule.
Interprété par la magistrale Halima Benhamed, le personnage de Nora nous apparaît vivant dès la première seconde du film. Et mes impressions sont confirmées quand je rencontre Hafsia Herzi dans le hall du J.W. Marriott à Cannes.
Alix Martineau : Vous travaillez sur ce projet depuis 2007, qu’est-ce qui vous anime dans ce film, qu’est-ce qui vous a poussée à le réaliser ?
Hafsia Herzi : Ça a été ma première idée de long-métrage. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ma maman, qui était femme de ménage dans un collège. Elle s’occupait aussi de personnes âgées. J’ai grandi à Marseille dans les quartiers nord, où on a tourné. Et je me suis dit :
98% de votre casting est non-professionnel, pourquoi ce choix ?
Ça a été un gros défi artistique, mais dès les premières lignes du scénario, c’était évident : je voulais des acteurs non-professionnels. Parce que je parlais quand même de la pauvreté, et avec un acteur, ça m’aurait fait perdre du réalisme ! Après c’était risqué, c’est un gros pari et un gros défi artistique. Mes producteurs ont été de très bons appuis, et m’ont très bien accompagnée pour ça. En plus, moi je ne suis pas actrice à la base. Je suis non-professionnelle, j’ai appris au fil des films. J’adore les acteurs, mais là je prends des talents, des gens qui ont un don mais qui ne le savent pas.
Marseille, ville lumière dans « Bonne mère »
Dans la sélection à Cannes cette année, de nombreux films se tournent à Marseille. Vous qui venez de là-bas, en quoi vous trouvez que c’est une ville particulièrement cinégénique ?
La lumière ! Elle est incroyable. Les habitations des quartiers nord aussi. Le quotidien des gens, où ils vivent. C’est délabré, c’est dangereux, il y a du trafic de drogues... On ne s’occupe pas de ces logements-là ! Je voulais vraiment filmer la pauvreté, et l’autre côté aussi. À Marseille, on passe un petit peu du rêve au cauchemar.
On dénigre beaucoup les accents en France, mais dans votre film, l’accent marseillais est omniprésent et réel.
On les dénigre trop ! On a peur ! Je me souviens, quand j’ai débarqué à Paris, j’avais l’accent du sud et je ratais tous mes castings à cause de ça. Pourtant, c’est la vie les accents !
Moi je voulais d’un film comme ça, à la Pagnol, à l’italienne. Les accents, ça se coupe la parole, il y a beaucoup de personnages, des dialogues naturalistes…
J’ai beaucoup aimé quand les personnages se mettent à chanter. Qu’est-ce qui vous émeut particulièrement dans les chants spontanés des personnages à l’écran ?
J’adore la musique, c’est la mélancolie, l’apaisement… mais c’est très difficile à filmer. J’ai eu peur à un moment, je me suis dit qu’il fallait que je me calme, sinon on partait dans une comédie musicale !
Le rap interprété par Saaphyra, c’est vraiment le fruit de ma rencontre avec elle. Elle n’existait pas dans le scénario au début, mais je lui ai écrit le personnage. Je lui ai envoyé le scénario, je lui ai dit de m’écrire une musique et que si ça marchait, on mettait la musique dans le film. Et trois jours après, elle m’envoie un son sublime. Je me suis dit que ça allait embellir le film.
Ce qu’on a moins l’habitude de voir. J’adore cette fille qui se rêve artiste, qui vit dans une cité, qui va taper des mecs pour de l’argent, qui a un talent qu’elle n’exploite pas…
Dans « Bonne mère », il n’y a pas UNE bonne mère
La Bonne mère à Marseille, c’est celle qui protège, qui culmine, qui reste debout, solide. Mais qui protège cette bonne mère, celle d’Halima Benhamed, dans le film ?
Personne. Elle est jeune, elle aurait pu refaire sa vie mais elle ne la refera pas, parce qu’elle est dévouée uniquement à ses enfants. Elle s’oublie en tant que femme, et personne ne la protège. Personne ne pense à elle, à part ses petits-enfants, la mamie dont elle s’occupe, mais sinon… Ses enfants sont un peu ingrats, mais ils sont jeunes !
J’ai l’impression que vous avez fait des portraits de plusieurs mères, sur des générations différentes, et que ça déconstruit ce mythe qu’il existerait UNE bonne mère universelle, et ça fait un pied-de-nez aux injonctions faites aux femmes sur la maternité.
C’est ça ! Bien sûr, c’est Halima Benhamed qui tient le rôle principal mais il y a aussi la jeune mère, la future mère qui est seule, la belle-fille avec son mari en prison…
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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