Sorti au début du mois sur PC, Xbox 360 et Playstation 3, le jeu Remember Me est une licorne.
C’est-à-dire qu’il cumule nombre de qualités rares : c’est un jeu à gros budget développé en France, qui se déroule à Paris, qui n’est ni une suite ni une adaptation et surtout qui met en scène une jeune métisse habillée de la tête aux pieds.
L’éditeur japonais Capcom, d’abord emballé par cette petite boule pleine de promesses, semble avoir eu peur du naufrage en terme de ventes et n’a fait que trop peu de publicité pour le jeu. Prophétie auto-réalisatrice. Une stratégie d’autant plus triste que Remember Me est plein de bonnes choses.
Lutter contre le stockage de la mémoire humaine
Écrit par l’écrivain de science-fiction français culte Alain Damasio, Remember Me nous met dans la peau de l’erroriste Nilin dans un Paris futuriste où les souvenirs s’enregistrent et s’échangent librement.
Les erroristes sont convaincus que la technologie de stockage de la mémoire humaine a été pervertie et doit être détruite. C’est là que Nilin et ses talents de voleuse et remixeuse de souvenirs entrent en jeu. La jeune femme devra s’enfuir de la cellule où elle a été emprisonnée dans la Bastille et se frayer un chemin jusqu’aux beaux quartiers de Néo-Paris afin de mettre un terme à cette dérive technologique.
Un jeu magnifique sur le fond et la forme
Difficile de ne pas tomber sous le charme de l’univers de Remember Me. Entre sa vision tantôt lugubre, tantôt sublime de Paris et les implications morales de l’histoire, on ne peut que se laisser emporter.
La direction artistique n’est pas en reste et rend l’univers vivant par une foule de petits détails allant des androïdes ménagers aux devantures de boulangeries. Les Français-es savoureront particulièrement l’imagerie parisienne et les détournements de slogans et autres posters connus (en particulier une image culte de mai 68 qui revient régulièrement).
On notera aussi le nombre élevé de personnages féminins forts et indépendants
, en tête desquels on retrouve Nilin, jamais objectifiée. L’unique fois où elle change de vêtements, c’est hors caméra, tandis que son ami dissuade un passant de se rincer l’œil. Un nouvel exemple de ce qu’il est possible de faire en matière de diversité des sexes et des couleurs de peau dans un jeu vidéo. Chapeau.
Remember Me, pas forcément innovant, mais très agréable
Niveau jeu, on a malheureusement souvent l’impression d’avoir déjà joué à Remember Me.
La petite dizaine d’heures de l’unique mode solo (pas de multijoueur, pas de motivation à refaire la campagne une fois finie) est principalement calquée sur la plateforme d’Uncharted et les combats de Batman Arkham City.
On passera la majeure partie de son temps à se déplacer le long de corniches jusqu’à une nouvelle arène où nous attendront quelques ennemis à recadrer à coup de poings et de pieds.
Parfois, de courtes séquences d’infiltration ou des puzzles viennent briser la monotonie du jeu, juste au moment où l’on est prêt à se lasser. Ce qui ne veut pas dire que Remember Me manque d’idées propres : on pourra par exemple personnaliser ses combos de coups en fonction de si l’on veut faire mal, régénérer sa santé ou accélérer le déverrouillage de coups spéciaux, nécessaires pour vaincre les boss.
Mais la véritable bonne idée du jeu, c’est les séquences de Memory Remix, où l’on revit les souvenirs de sa cible afin de les manipuler pour changer sa personnalité.
Imaginez une forme encore plus brutale d’Inception, où l’on vous propose de rembobiner et bidouiller une séquence à l’infini, jusqu’à trouver la combinaison de variations qui poussera l’ennemi à changer d’avis, parfois de façon dramatique.
Ces séquences, trop rares, sont autant de respirations entre deux passages plus classiques, et offrent un « combat » final particulièrement fort en termes d’émotions.
Un jeu imparfait, mais diablement attachant
Car sous les nombreux défauts de jeunesse de Remember Me — un moteur 3D vieillissant, un gameplay parfois revu, des sauts dans le vide involontaires et une faible durée de vie — se cache une attachante pépite.
Ce jeu est de ceux que l’on se vantera d’avoir fait là où la majorité des autres joueurs sera bêtement passée à côté. Une fois la manette en main, une fois investi-e dans l’histoire de Nilin, le charme opère.
Et puis, surtout, la meilleure façon de pousser les éditeurs de jeux vidéo à produire des oeuvres plus uniques, avec des personnages féminins forts et respectés, c’est encore d’acheter les rares titres qui essaient. Voter avec son porte-monnaie, soutenir la création française et passer un bon moment, c’est pas mal comme combo personnalisé.
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Les Commentaires
EDIT: ça y'est, j'ai finiiiiiiii! Donc, déjà, je confirme pour la faible durée de vie du jeu...
Je ne vais pas vraiment me démarquer de l'avis de LeReilly (auteure de l'article), puisque j'ai la même impression globale qu'elle, à savoir, qu'il y avait une base pour faire un jeu d'anthologie, mais que les bonnes idées ne sont malheureusement pas assez exploitées. Quel dommage!
Par exemple, j'ai beaucoup aimé l'univers et j'ai moi aussi été très sensible aux soins apportés aux petits détails, mais si le jeu avait permis des interactions avec l'environnement (les personnages en particulier), le tout aurait été beaucoup plus "vivant"! J'aurais aussi aimé pouvoir explorer le jeu (j'avais déjà dit ça pour Tomb Raider, j'adore me promener dans les jeux, haha),ce qui aurait pu casser la relative monotonie "mission/chemin vers la mission/coin isolé/méchants/bagarre" du jeu.
Bon, je me rend compte que je suis assez dure, mais cela ne m'empêche pas de vous recommander ce jeu, et j'attend une éventuelle suite