On a souvent tendance à penser que la meilleure façon de s’épanouir sexuellement est d’être en couple avec la même personne depuis longtemps. Une personne qui connaît notre corps, qui sait sur quel bouton appuyer pour nous faire partir au quart de tour en nous envoyant une décharge de plaisir aussi fulgurante que puissante. Mais est-ce vraiment la solution pour tout le monde ? N’existe-t-il pas des contre-exemples qui viennent foutre un coup de pied à ce lieu commun ? Eh si : beaucoup de cas particuliers nous prouvent que « relation longue et exclusive » n’est pas toujours synonyme de « rapports sexuels de fifou ». Autre cliché récurrent sur les relations longues et monogames : une routine soporifique s’incrusterait forcément dans tous les couples qui durent, rendant la vie sexuelle du binôme assez fade.
Essayons ensemble de voir si ces idées reçues ont lieu d’être ou pas en nous demandant si une vie sexuelle épanouie peut aller de pair avec une vie de couple sur le long terme.
Connaître l’autre est-il le meilleur moyen de se lâcher ?
Quand j’en discute avec mes amies qui sont dans une relation exclusive depuis plusieurs années ou l’ont déjà été, la tablée se divise en deux camps :
- Celles qui, avec le temps, commencent un peu à s’ennuyer
- Celles qui, avec le temps, s’amusent de plus en plus
Pour élargir le panel et approfondir un peu plus la réflexion, j’ai demandé à nos lectrices ce qu’il en était pour elles.
Parmi celles qui s’amusent de plus en plus avec leur mec/copine, on en trouve quelques-unes dont le/la partenaire actuel-le est leur tout-e premier-e (ce qui ne signifie pas, soit dit en passant, que toutes les filles qui sont encore avec leur premier-e partenaire s’éclatent au lit). Une de nos lectrices, en couple avec la même personne depuis 9 ans, témoigne :
« Au début de notre vie sexuelle, c’était pas la grande folie. Je me rends compte maintenant que je prenais trèèès peu de plaisir. Et puis au fil des années, on s’est lâchés. Ça a pris du temps ! Surtout pour lui en fait, qui me traitait comme une princesse alors que je fantasmais sur des scénarios de films pornos (mais en même temps, je le disais pas non plus). Quand je vois le chemin parcouru, je me dis que c’est complètement ouf. On s’est totalement déshinibés, complètement détachés de notre éducation (similaire) assez « catho-bourgeoise le sexe c’est pas sale mais bon on préfère pas trop en parler t’as vu ». Avant, on faisait l’amour. Maintenant, on baise. Et c’est vachement mieux. J’ai découvert le plaisir de l’orgasme à deux récemment (avant je n’en avais que toute seule).
On regarde du porno tous les deux, parfois ensemble, on en parle librement, ça permet de discuter de ses fantasmes. […] On ne s’interdit rien sur le plan du sexe en fait, donc je ne vois pas ma vie sexuelle « bloquée », figée pour 50 ans, au contraire, je me dis que je prendrais encore plus mon pied dans 10 ans, que j’ai encore plein de choses à découvrir, et c’est cool !
Bref on était deux chenilles complètement godiches, mais super curieuses et amoureuses donc on se transforme progressivement en papillons épanouis du cul, c’est magiiiique. »
Cette lectrice est la preuve que, dans certains cas, l’apprentissage à deux et une communication efficace permettent de s’épanouir sexuellement. Parfois, il suffit de laisser faire les choses, de s’ouvrir à l’autre et d’espérer qu’il ou elle fasse de même. Ça paraît on ne peut plus logique, mais parfois, concrètement, ce n’est pas si facile. Pour une autre de nos lectrices qui a accepté de répondre à mes questions, par exemple, c’est à peu près tout l’inverse qui s’est produit :
« Entre nous deux, niveau cul, au début c’était fifou. On découvrait tous les deux de nouvelles sensations, on expérimentait des trucs. On faisait l’amour tous les jours, voire plusieurs fois par jour. Et puis ça a diminué, on en est aujourd’hui à environ 2 fois par semaine. Mais ça varie énormément. On peut avoir des périodes creuses, ne pas faire l’amour pendant 2 ou 3 mois, et repartir comme si de rien n’était, à le faire plusieurs fois par jour.
Mon copain s’est énormément assagi. Quand je rêve d’une levrette claquée, quand j’ai envie qu’il me tienne les bras, m’attrape le cou ou me tire les cheveux, quand je veux un coup rapide dans la voiture, dans un lieu public, lui tout ce qu’il demande c’est un rapport tranquillou et tout ce qu’il y a de plus « classique » dans le lit, le soir avant de s’endormir. On en a parlé, et il n’est pas comme ça, c’est pas son truc. Il est plus du genre à tirer les rideaux au cas où qu’à niquer sur la terrasse discretos. Tant pis. Je me suis résignée, je crois. Enfin c’est ce dont j’essaye de me convaincre. »
On réalise alors que la communication, parfois, ne suffit pas. Que des problèmes dans le couple peuvent venir plomber la vie sexuelle du binôme amoureux, ou que l’incompatibilité des attentes sexuelles et des envies de chacun peut sembler insurmontable. Mais l’accord parfait au lit est-il réellement aussi difficile à atteindre que le sommet de l’Everest en tongs ? La question est là : est-il possible de faire des concessions et d’espérer que l’autre fasse de même ?
Si la communication et l’absence de tabous entre les deux membres d’un couple peuvent généralement donner un vrai coup de pouce à une vie sexuelle mollassonne, il peut arriver que cela ne suffise pas. Comment faire quand toute tentative d’explications s’avère vaine ? Certain-es conseilleront aux personnes concernées de quitter leur moitié, d’attacher au lit la personne qui a une libido un peu faiblarde, de pimenter les relations sexuelles avec des gadgets, en se filmant, en installant des miroirs un peu partout… Tellement de « solutions » qu’il faudrait faire une liste et cocher au fur et à mesure pour être sûr de ne rien oublier.
La peur du jugement de l’autre
À l’époque où j’étais célibataire, j’ai discuté avec une connaissance de ma vie sexuelle, des fois où j’arrivais complètement à me lâcher avec un inconnu comme de celles où je me bloquais totalement et m’y prenais comme un manche. À un moment, cette fille, en couple depuis plusieurs mois avec le même mec, m’a dit :
« Je te trouve vachement chanceuse en fait. Tu sais jamais quand tu vas avoir des rapports, mais tu sais qu’il y a des chances pour que tu te lâches quand ça arrive. Moi j’y arrive plus. Plus j’aime Jean-Marie-Christophe et plus j’ai peur de lui faire peur en faisant un peu trop cochonne ».
Et si, plus encore que le manque de communication, c’est la peur du regard de l’autre qui détruisait la sexualité dans le couple ?
Contrairement à celles qui s’épanouissent au fil des mois avec leur moitié, d’autres, comme cette connaissance, craignent de froisser l’autre
, de leur montrer une part d’elle-même qu’il n’a pas envie de voir. De peur que leur moitié ne lève un sourcil en se disant « C’est ma copine, ça ? », de peur de ne plus être la fille qu’on aime et qu’on respecte mais de se trouver réduite dans le regard de l’autre à « la fille qui aime trop le sexe pour être fiable » – et j’aime pas généraliser, mais laissez-moi vous dire qu’on n’aime JAMAIS TROP le sexe (bon, ok, sauf quand c’est un vrai trouble mental).
« Dissocier l’amour et le sexe »*
Quand l’amour va bien, merci, mais que les rapports sexuels ne sont pas aussi explosifs qu’on le voudrait, que faire ?
(*Cette expression me vient d’une des lectrices qui a témoigné pour ce sujet).
Bon, on n’est pas là pour trouver des réponses toutes faites et j’ai pas la science du cul infuse, donc on va éviter de rentrer dans les conseils bateaux qui sentent l’ail entre les orteils, qui voudraient pouvoir s’appliquer à tout le monde alors que les solutions diffèrent selon chacune. Le truc qui me revient, en revanche, c’est une vague connaissance qui m’avait expliqué qu’elle n’avait jamais eu de difficultés à s’épanouir sexuellement avec son mec (le même depuis des années) parce qu’ils avaient instinctivement réussi à s’abandonner complètement. Je me souviens que cette fille m’avait dit « Je suis pas vraiment moi quand on fait l’amour. Et d’ailleurs, une fois l’euphorie passée, quand je repense à ce qu’on a fait, je me reconnais pas. Ça me fait rire, mais ça me fait presque flipper, aussi« .
On peut mettre cette citation en parallèle avec le commentaire précédemment mentionné dans lequel une madmoiZelle explique qu’elle et son copain avaient appris à se désinhiber en même temps. Jouer un personnage au lit, ça permet aussi se forger une carapace pour oser aller plus loin. Certaines ont besoin de s’oublier, d’effacer toutes les barrières inhérentes à leur éducation en s’inventant un rôle (d’où, peut-être, l’intérêt des scénarii), là où d’autres arriveront à se « lâcher » beaucoup plus naturellement.
Une autre façon un peu plus radicale de dissocier l’amour du sexe serait de renoncer à la relation exclusive. C’est d’ailleurs l’argument de Jacques Henric, essayiste et romancier, en couple avec Catherine Millet. Pour Psychologies, il parle de la non-exclusivité de son couple : il va « voir ailleurs », sa conjointe aussi. Pour lui, la fidélité se situe « dans les sentiments, dans la passion amoureuse« , pas dans la sexualité. Il ajoute que « c’est la monogamie qui est compliquée » et précise :
« Pour moi, il est anormal de passer sa vie avec le même être, de ne pas connaître d’autres corps, d’autres univers. »
Et tout ce discours semble logique, naturel. Pourtant, beaucoup (j’en suis) continuent de refuser ce mode de vie au profit d’une fidélité à toute épreuve. Ces gens-là s’efforcent de ne jamais avoir de relations sexuelles avec d’autres personnes et de réprimer le désir purement physique qu’ils peuvent ressentir pour des inconnu-es un peu entreprenant-es à leur égard. Oui mais, et si les infidèles avaient raison ? Et si on se trompait, finalement, en se refusant à des relations purement physiques avec d’autres personnes que celle avec qui on « vit » ? Qu’est-ce qui fait que pour beaucoup, cette décision paraît insurmontable et pourquoi se conforme-t-on souvent avec entrain aux valeurs qu’on nous a inculquées ? Et si ces valeurs n’avaient aucun fondement, aucune logique ? Et si c’était la meilleure façon de casser la routine dans le couple ?
Pour casser la routine, ce jeune couple s'apprête à faire la position du lotus latéral en filtre sépia.
Vaste sujet, sujet complexe… S’il n’est pas toujours facile de prendre son pied avec un-e presque inconnu-e qui ne connaît rien de notre corps et inversement, on peut comprendre avec ces différents témoignages que la relation longue et exclusive n’est pas forcément la solution pour avoir des orgasmes à chaque rapport sexuel, surtout quand l’amour s’incruste dans cette équation et que les sentiments s’ajoutent aux sensations.
Pour certaines, il est plus facile de s’épanouir avec un inconnu avec qui on ne se projette pas dans l’avenir. D’autres ont plus de facilités à s’abandonner dans les bras de celui ou celle avec qui elles envisagent de rester aussi longtemps que possible. Ce qui nous ramène au fait que la sexualité et la façon dont on l’envisage sont propres à chacun-e et qu’il est extrêmement complexe de mettre en place des théories générales à ce sujet.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Or si j'ai personne dans ma vie, je peux expérimenter ... & encore jusqu'à maintenant je n'ai toujours pas joué ma fofolle du string.