Dans un couple, en amitié, au boulot et même dans la famille, les relations d’apparence saine peuvent parfois prendre un mauvais tournant. Une personne censée vouloir votre bien peut se retourner contre vous, devenir lunatique, difficile à suivre, faire peser sur vous une pression injuste… et ce n’est pas normal. Mais ça peut être dur à reconnaître.
Trop de proches m’ont confié leur détresse face à cette situation. Quand on a le nez dedans, le cœur à l’ouvrage et l’envie de croire que tout peut redevenir bien, c’est quasi-impossible de faire la part des choses. Ça sert à ça les potes : à faire relativiser !
J’ai été des deux côtés de cette situation. Plus jeune, j’ai été celle qui ment, qui contourne, puis qui supplie, se justifie, minimise. Quelques années plus tard, le karma m’a mis une bonne taloche : j’y ai gagné une belle paire de cornes mais j’ai juré, un peu tard, qu’on ne m’y reprendrait plus.
Voici donc une petite typologie de ce que l’autre va probablement vous dire si vous finissez dans une relation qui commence à être abusive — avec l’envie, mais pas le courage, de vous éloigner quelqu’un qui ne vous veut pas que du bien.
Pour cet article, j’ai pris l’exemple d’une amie qui a été trompée pendant des années par sa compagne, mais rendez-vous à la fin pour une vision plus large de ces conseils.
Les œillères du manque total de respect
La première étape quand on est incapable d’aborder ses erreurs avec maturité — c’est-à-dire notamment en essayant de limiter leurs dégâts — est de mettre un entonnoir sur sa tête, des lunettes rigolotes sur son pif, et de tout faire pour (se) convaincre : au fond, tout cela est une bonne chose. Improvisation libre sur le thème « salut j’ai pas de race ».
« Cette épreuve terrible ne nous rendra que plus fortes ! Mais si, réfléchis : engluées comme on l’est dans notre routine, on s’est laissées aller. On a perdu de vue l’essentiel. Là, on joue cartes sur table, on fait une croix sur les non-dits, sur le passé. C’est la chance d’un renouveau.
Viens on part, viens je viens, viens tu passes le week-end chez moi, viens on se tire en vacances, seuls au monde, viens on sauve notre couple, ce serait trop bête de finir comme ça. »
Décortiquons un peu ce discours.
- « Épreuve terrible »… on dirait un peu l’opération d’une divinité vengeresse. Épreuve, oui, mais signée d’un M qui veut dire « c’est moi qui l’ai fait ». Les mots sont importants, et se dédouaner de toute responsabilité n’est pas vraiment le signe de bases saines pour reconstruire quoi que ce soit.
- « On s’est laissées aller »… ah, attends, la faute est donc partagée ? Il est possible que ce soit en partie vrai, mais c’est un poil abusé de comparer l’abandon à une certaine routine et trois ans d’infidélité. On en reparle en détails plus tard : la culpabilité, c’est lourd à porter, alors autant partager le fardeau avec la personne qui n’avait vraiment rien demandé !
- « On joue cartes sur tables » : parce que tu t’es fait cramer ! Le premier pas vers la reconstruction d’une confiance, c’est d’être honnête. Faute avouée, au moins à 1% pardonnée. Mais là, rien n’a été avoué… parce que pour se sortir d’un tel mensonge, il faut une bonne dose de courage, et être prêt•e à tout perdre.
- « Viens on en parle seul à seul•e, face à face, le plus vite possible » : se rendre compte que la personne qu’on aime le plus au monde nous ment, c’est un choc. L’équivalent émotionnel d’un grand coup dans la tête, celui qui fait bourdonner les oreilles, perdre l’équilibre… et la raison, pour un temps en tout cas. Il nous met dans une situation vulnérable, et c’est là que nos ami•e•s, nos proches peuvent nous aider à garder le cap. Se couper de son entourage dans un moment comme celui-ci, c’est prendre le risque de se faire entraîner dans une situation toxique. Écouter l’autre, c’est possible, mais pas en se privant des gens extérieurs à tout ça qui veulent notre bien.
Le retournement de situation qui se fout de la charité
Comme je le disais plus haut, affronter ses actes, surtout quand ils sont mauvais, c’est dur. Ça demande des épaules solides et une grosse dose de maturité. Un réflexe classique est donc de minimiser leur impact (cf. plus haut) mais aussi de partager sa culpabilité… ici, en la reportant sur l’autre.
« En même temps, si tout allait bien entre nous, on en serait pas là. Tu devrais aussi te poser des questions. Tu as vraiment l’impression d’avoir été au top dans notre couple ? Tu penses que les gens heureux sont infidèles ? J’avais besoin de plus, et tu ne me le donnais pas. On ne peut pas me blâmer à 100%. »
Il y a mille raisons d’être infidèle. L’insatisfaction dans son couple en est une. Mais il y a aussi mille façons de ne PAS être infidèle. Par exemple en échangeant avec son/sa partenaire… et avec soi-même.
La personne qui vous charge de cette culpabilité a-t-elle exprimé ses griefs, ses envies non atteintes, ses besoins non comblés ? A-t-elle tenté de changer les choses, de communiquer avec vous ? De vous quitter, même, qui sait ? A-t-elle indiqué que votre situation ne lui convenait plus ? Pourquoi, tout simplement, n’est-elle pas partie ?
Alors oui, c’est dur de quitter quelqu’un. Ça fait mal. Mais mentir à quelqu’un pendant des années, c’est pire. C’est un manque de respect. C’est trahir la confiance, base de toutes les relations auxquelles on veut donner une chance. Et quand on prend la décision de commettre cet acte, obliger l’autre à en partager la responsabilité… ne mâchons pas nos mots : c’est dégueulasse.
« Et moi, et moi, et moi… »
Ah, mais c’est qu’on ne voulait pas quitter l’autre ! On ne voulait pas le/la perdre. On était encore amoureu•x•se. Du coup, on a pris la solution de lâcheté, on a comblé ses envies ailleurs. Le pot aux roses est sous les spotlights, et il faut affronter la dure réalité.
« Mais on ne peut pas se séparer, je n’ai jamais voulu te perdre, je t’en supplie, reste, je ne peux pas vivre sans toi, moi, j’ai jamais demandé ça, je suis pas prêt•e. Tu es l’homme/la femme de ma vie, il faut qu’on s’en sorte ! »
On a parlé d’inverser la reponsabilité : là, on crée carrément de la culpabilité. Se séparer d’une personne avec qui on ne trouve plus le bonheur, ce n’est pas de la cruauté : c’est même une bonne chose. C’est se respecter et respecter l’autre que de ne pas se forcer à maintenir une relation inégalitaire.
Quand on merde dans les grandes largeurs avec quelqu’un, on perd un droit précieux : celui aux bénéfices que cette relation nous apportait. C’est à l’autre de décider s’il/elle se sent capable ou non de continuer à entretenir une relation, sous la même forme ou sous une autre. En tenant ce discours, la personne tente de vous prendre par les sentiments, de faire de vous le/la méchant•e de l’histoire : il est important de ne pas se laisser convaincre.
Prendre soin de soi n’est pas de la méchanceté.
Reconnaître ces signes… et s’en protéger
Tout cela, je l’ai expliqué point par point à mon amie. J’ai suivi les étapes et détaillé des exemples de phrases qui pourraient venir dans la conversation. Mon conseil était donc : « Ne la laisse pas imposer ses choix ; si tu veux la voir, essaie de faire ça plutôt rapidement, dans un endroit « neutre » (un café, un parc…) ; dis ce que tu as à dire et ne la laisse pas décider du sujet de la conversation ».
Bien évidemment, ça ne marche pas du premier coup. C’est humain de croire que tout va s’arranger. Alors, j’ai redit. J’ai répété. J’ai consolé. J’ai remis les points sur les i. Peut-être que ça sera rebelote la semaine prochaine. Peut-être qu’elle va rester en couple et être malheureuse dans une relation où la confiance sera, de son côté, impossible à retrouver.
On ne peut pas contrôler ce que font ses proches, et l’humanité n’est pas toujours rationnelle et logique. Mais dans les relations abusives, inégalitaires, il y a un schéma bien réel, qui se répète.
On parle ici d’un couple mais ça marche aussi en amitié, en famille, au boulot. Si vous êtes dans une situation de souffrance par rapport à quelqu’un de votre entourage, guettez ces étapes. Sachez reconnaître les signes, vous protéger, vous écouter surtout. Vous méritez d’avoir, à tous les niveaux de votre vie, des échanges basés sur le respect, l’équité, la bienveillance. Les gens qui agiront ainsi avec vous ne sont pas bons pour vous. Ils ne vous aideront pas à vous épanouir.
Je sais que c’est dur. C’est un gros sparadrap à arracher, de sortir quelqu’un de sa vie. Mais les personnes qui utilisent ce genre de rhétorique s’infiltreront comme une sale fièvre dans votre existence, votre tête, votre estime de vous-mêmes, votre bonheur. Elles se feront toujours passer avant vous, souvent sans même s’en rendre compte.
Vous méritez mieux que ça. Un autre type d’amour est possible, croyez-moi.
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