L’histoire de Rehtaeh Parsons ne fait pas plaisir à lire, loin de là : elle bouleverse totalement. Dimanche, elle est morte : elle s’était pendue pour mettre fin à ses jours jeudi et était dans le coma depuis, jusqu’à ce que sa famille fassent débrancher les machines la maintenant en vie.
Elle menait une existence somme toute semblable à celle de beaucoup d’autres adolescentes de 15 ans jusqu’à ce qu’elle soit violée lors d’une soirée par quatre garçons. Une soirée dont elle n’avait pas le souvenir car elle avait consommé trop d’alcool. Mais le drame ne s’est pas arrêté là pour elle : comme le raconte Leah, sa mère, sur une page Facebook qu’elle a décidé de créer après sa mort, Rehtaeh a été harcelée et insultée après qu’un de ses agresseurs a eu l’idée de prendre une photo d’elle pendant son viol et de la partager sur Internet trois jours plus tard. Sur Facebook, Leah accuse :
« Rehtaeh est partie aujourd’hui parce que les quatre garçons pour qui violer une fille de 15 ans était normal ont pensé que distribuer une photo d’elle pour détruire son esprit et sa réputation pourrait être drôle. Deuxièmement, toute la tyrannie, les messages et le harcèlement qui ne l’ont jamais lâchée sont à blâmer. Dernièrement, le système judiciaire l’a trahie. Voilà les gens qui ont pris la vie de ma magnifique fille. »
Après que la photo a été partagée avec les autres élèves, le bullying était si fort que Rehtaeh et sa famille ont dû déménager comme l’explique le site Gawker. Leah a déclaré à CBC que sa fille avait vu ses amis lui tourner le dos, et qu’elle recevait même après le déménagement des messages de garçons disant « Tu veux coucher avec moi ? » et d’autres, de filles, la traitant de salope. La veille de sa tentative de suicide, Rehtaeh a publié une photo d’elle accompagnée de la fameuse citation de Martin Luther King, « à la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis
». Elle a fini par se faire de nouveaux amis dans son nouvel établissement et certains de ses anciens camarades ont finalement décidé de la soutenir.
En ce qui concerne la justice, elle n’a pas été faite selon Leah. Elle a dit dans l’émission Maritime Noon de CBC que la police leur avait annoncé qu’ils essaieraient de parler aux quatre adolescents qui l’avaient violée et qu’ils réaliseraient qu’ils avaient fait quelque chose de mal mais que les charges criminelles ne pourraient être retenues après un an d’enquête.
En effet, les prélèvements n’ont pas été faits à temps car la Rehtaeh n’a avoué ce qu’elle avait vécu que quelques jours après les faits alors que des cheveux, de la salive ou encore du sperme auraient pu être collectés à l’aide d’un rape kit.
Leah Parsons a tenu à s’exprimer sur l’enquête qui a fait suite à l’agression sexuelle de sa fille. Elle raconte que les policiers ne sont pas entretenus avec les quatre garçons avant un long moment. « Pour moi, j’aurais pensé qu’ils les auraient questionnés directement après, séparés les uns des autres ». Et en ce qui concerne la photographie montrant Rehtaeh en train d’être violée, la police n’a rien pu faire parce qu’elle ne savait pas qui avait appuyé sur le bouton. Elle raconte également qu’on lui a dit que ce cliché, justement, n’était pas un problème criminel, mais un problème pour la communauté. Pourtant, la jeune fille étant âgée au moment du viol de 15 ans, c’était en réalité de la pornographie infantile puisqu’elle n’avait pas encore atteint l’âge de consentement (l’équivalent de la majorité sexuelle, établie à 16 ans au Canada).
Leah raconte que sa fille a tout fait pour garder le moral, sans pour autant réussir à lutter contre la dépression, à tel point qu’elle est rentrée à l’hôpital au moins de mars après avoir eu des envies suicidaires – une décision qu’elle aurait elle-même prise comme on peut l’entendre sur CBC. Malheureusement, ça n’aura pas suffi à la sauver… Sur Facebook, Leah Parsons explique qu’en son intime conviction, elle sait que sa fille ne voulait pas mourir :
« Plus loin dans la soirée elle a explosé, a agi sous le coup de l’impulsion et s’est enfermée dans la salle de bain. Et pour mettre fin aux rumeurs… Elle a agi de manière impulsive mais je crois du fond de mon coeur qu’elle n’a pas voulu se tuer. »
Quelques mois à peine après le suicide d’Amanda Todd, cette nouvelle affaire tragique bouleverse le Canada et relance à nouveau le débat du harcèlement des adolescents, dans un contexte différent. Les Anonymous cherchent à découvrir le nom des agresseurs de Rehtaeh.
Viol, prise de photo pendant le viol, jugement des autres qui se permettent de harceler une personne victime de viol (et quand bien même une photo serait divulguée d’une jeune femme ayant des rapports consentis avec plusieurs personnes, de quel droit certains peuvent-ils se permettre de juger ?)… L’affaire qui survient quelques semaines après Steubenville sonne comme une nouvelle illustration, une nouvelle preuve de l’existence de la culture du viol.
Pour aller plus loin :
- Je veux comprendre la culture du viol
- Conseils d’un policier en cas d’agression sexuelle
- Une campagne contre le viol qui ne culpabilise pas les victimes (parce que ça fait du bien)
- Bullying, harcèlement et intimidation entre jeunes
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Mais la culture du viol est telle aujourd'hui que la faute a dû être rejetée sur la nana à base de "Elle est torchée et a allumé tout le monde, elle récolte ce qu'elle sème" et autres pensées atroces.
Ou certains ont pu penser qu'ils faisaient un plan à plusieurs.
Ou les gens s'en foutaient bien qu'elle se fasse violer.
Vu les réactions que ça a engendré par la suite, je pense qu'ils l'ont méprisée et ignorée dans sa détresse cette nana.