Au petit matin de ce jour, une fine peinture couleur pourpre s’est posée délicatement sur le fond de ma culotte.
En même temps, le chant des cigales d’une canicule d’été commençait au creux de mon ventre — tout comme des oiseaux, batifolant en plein printemps, s’amusaient derrière mon front.
Tout au long de cette journée, je sentais le fleuve abondant de la vie s’écouler de moi, me permettant, de temps à autres, de me sentir comme lorsque l’on s’assoit sur l’herbe mouillée d’un matin de mai…
J’ai mes règles, et je fais comme si de rien n’était
En fait, j’ai mes règles, et je pisse le sang.
Eh oui, aujourd’hui j’ai mes règles, le ventre gonflé à bloc, un groupe de métal en plein concert à l’intérieur ainsi qu’un cours de percussions dans mon crâne.
Mais j’ai vécu la journée sans dire un mot.
Ce matin, je me suis levée dans une maison qui n’était pas la mienne, avec des gens que je ne connaissais pas. J’ai eu peur de tacher des tissus de canapés.
Mais je n’ai rien dit, j’ai gardé ma gêne avec moi.
Je suis allée me changer discrètement. Puis j’ai passé ma matinée dans des tunnels de lave, repris une voiture qui n’était pas la mienne pendant 1h30…
Pendant que tout ce que j’ai décrit précédemment se déroulait dans mon corps.
Avec, en bonus, un sentiment de malaise car j’utilise mon unique protection prévue « au cas où », et que le cas où dure le triple du temps prévu !
Pourtant j’ai souri, rigolé, pris soin d’écouter les gens, de m’y intéresser avec une joie bien réelle.
Je n’ai pas pu rester à la plage, car c’était vraiment la fête foraine là-dedans. Alors je suis rentrée chez moi prendre un bon goûter, respirer, me changer, nettoyer mes vêtements… dans une coloc avec 3 hommes.
Ni vue, ni connue.
Je n’ai pas le droit de dire que j’ai mes règles ?
Lors du Skype avec ma famille, je finis par m’étaler sur le lit. On me demande ce que je fais ; non sans chanter, j’explique que j’ai trop mal au crâne car « premier jour de rèèèègles ».
Ce qui fait réagir mon frère :
— Merci Fanny, je te dirai aussi quand j’aurai la gastro.
Ce à quoi je réponds :
— Mais rien à voir, c’est pas une maladie. — Oui mais je ne te dis pas quand je fais caca ! — Oui, mais si tu avais envie de m’en parler, ou que tu avais de grosses douleurs par rapport à ça, je serais compatissante.
La réalité des règles
Alors voilà. Nous, l’écrasante majorité des femmes, tous les mois (pour les plus chanceuses comme moi, tous les 21 jours), nous avons nos règles.
Vécues, bien sûr, différemment selon les personnes (de très bien à très mal, en passant par des nuances).
Pour ma part, ça fait des années qu’à ce moment-là, tout mon corps souhaite s’exprimer. Comme s’il était en crise existentielle.
Par des maux, par un éventail de sensations, par des règles très abondantes qui me demandent une hyper vigilance pour nettoyer les « dommages » en catimini.
Et tout ça en devant vivre ma vie, comme si tout allait bien
. Pourtant ce n’est pas vraiment le cas, surtout les 2 ou 3 premiers jours…
J’ai l’impression qu’être une femme c’est devoir supporter ça, sans cligner de l’œil et en toute discrétion (l’inverse des manifestations de mon corps).
Et j’en ai ras le bol.
Mes règles me font mal, ok ?!
Car il y a ces 3 jours intenses. Puis 3 jours où je continue à saigner, à avoir le ventre gonflé. Et c’est pas gégé.
Oh, et il y a la semaine qui précède les règles, pendant laquelle je suis à fleur de peau, je me sens moche, conne, et j’ai trop envie de manger, ce qui me fait me sentir encore plus grosse.
Sans compter, aussi, que lors de mon ovulation j’ai le ventre qui me tire et d’autres symptômes dont je suis pas hyper fan.
Tout ça dans le silence.
Disons que je suis au top les 10 jours après mes règles. Et qu’ensuite, il y a des hauts et des bas, parfois des très bas. Quand je stresse, ça m’arrive d’avoir mes règles 2 fois dans le mois (fort heureusement c’est rare).
C’est ok. Je dois gérer ça. C’est ce que je fais.
J’ai aussi conscience que c’est le signe d’un corps qui vit.
Que mes règles veulent dire que je peux potentiellement concevoir un enfant, et je trouve ça cool. Mais aussi que j’ai pas encore d’enfant dans le ventre : pour le moment, je trouve ça très cool aussi !
Cela étant, j’ai mes règles, et ça engendre plein de choses pas agréables, notamment beaucoup de douleurs plus ou moins fortes à supporter.
J’ai le droit de parler de mes règles
Ça n’a pas grand-chose à voir, cher frère, avec ton caca après un grand repas de fête, ou une soirée trop alcoolisée (même si je pourrais avoir également de la compassion)…
Les menstruations, ce n’est pas dégueu. Si je te dis que j’ai mes règles, ça ne devrait pas être choquant ou gênant, ni pour toi, ni pour moi.
Je ne devrais pas devoir m’excuser pour ça.
Surtout que je te l’exprime juste, je ne te le montre pas ! (Prochaine étape ? Haha !)
Parfois, quand tu es une fille et que tu as tes règles, tu te sens répudiée. Comme si c’était sale, honteux. Lorsque j’en parle en présence d’hommes, ça laisse souvent des blancs (pourtant, moi ça me laisse plutôt du rouge).
Alors toi, homme, frère, père, cousin, ami qui me lis… sois COMPATISSANT.
Tu peux difficilement te mettre à ma place, sans vagin, mais j’espère que ma description détaillée t’aura permis de comprendre qu’une femme qui a ses règles a souvent besoin de soutien et de douceur.
Pas de se sentir un peu honteuses parce qu’elle est en période de menstruations et que parfois ça déborde.
J’aimerais vraiment péter des paillettes et que mon sang menstruel soit des pétales de roses. Mais ce n’est pas le cas !
Alors merci de me laisser me sentir féminine, me sentir super, quand j’exprime que j’ai la tête comme une pastèque parce que c’est mon premier jour de règles.
On se parlera de nos cacas une prochaine fois, cher frère, car tu vois, c’est pas le sujet (quoique… disons que je n’ai pas tout raconté, pour ne pas trop te choquer) !
On a encore du chemin à faire, ce serait cool de le faire ensemble, non ?
À lire aussi : Les règles, c’est sale ? Comment bien répondre aux rageux
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Les Commentaires
Parfois il peut être très con, mais sur ce point il est vraiment génial. Pour lui les règles ça fait juste partie de la vie, il sait que je les subis, que j’ai pas le choix, que ça n’a rien de sale, il fait de son mieux pour que ce soit vivable pour moi et il ne comprend pas les mecs qui font les dégoûtés d’un peu de sang au fond d’une culotte et dérangés de voir la souffrance des femmes une fois par mois quand à côté ils pleurnichent pour un rhume.
Bon après si je vomis il veut plus entendre parler de moi mais c’est une autre histoire