Quand Fab – que je connais depuis plusieurs années – m’a envoyé la short-list des noms du futur “Projet Madame”, le site de l’après-madmoiZelle, “Rockie” m’a tout de suite tapé dans l’oeil.
Le nom m’évoquait plein de chouettes concepts comme “résilience”, “courage”, “combativité” : le genre de trucs dont t’as bien besoin quand t’es une nana tâchant d’être adulte. Et toutes ces valeurs ne venaient pas de nulle part, elles m’étaient directement inspirées par la saga cinématographique “Rocky”.
Tu vas peut-être me dire (surtout si tu n’as pas vu les films) : “Quel rapport entre une saga des années 1970 dont le héros est un boxeur simplet et ma reconversion professionnelle, la perte de mes APL ou mon inquiétant retard de règle [Insère ici ta propre situation personnelle] ?”
Eh bien je vais t’expliquer pourquoi, dans mon cœur, le boxeur Rocky est l’ange gardien qu’il fallait 1) à ce projet éditorial et 2) à ta vie d’adulte toute entière.
Garder ses valeurs pour garder le cap
Rocky, dans l’épisode I, est une petite frappe et il ne cherche pas à se faire passer pour quelqu’un d’autre. Il ne se dit pas “généreux” ou “courageux” et il ne poste pas de photos avec des enfants lors d’un voyage humanitaire. Il assume son faible vocabulaire, son fort accent italien et ses difficultés pour lire.
Pourtant, dès les premières minutes du film, il s’impose comme un personnage humble, sympathique et fort de ses “valeurs”. En sport on dirait : “être solide sur ses appuis” et c’est le genre d’adulte que je veux être.
Quand la saga Rocky commence, le boxeur est une “fausse patte”, c’est-à-dire un gaucher dans un monde de droitier mais c’est aussi une métaphore pour bien signifier qu’il s’agit d’un “loser”.
Dès le début, avant même le succès, c’est sa constance dans ses principes qu’on admire chez le boxeur bien plus que ses résultats sportifs. La question posée par la saga n’est pas “Comment être un super boxeur ?”, mais bien “Comment évoluer dans un monde rude quand on est un chic type ?”
Cette question est d’autant plus relou pour les femmes car nous sommes conditionnées à jouer les bonnes élèves, à vouloir bien faire en permanence. Par exemple, la générosité sera considérée chez les femmes comme attendue : elles “doivent” (du sexe, de l’amour, de la gentillesse…), quand bien même elles viennent de se prendre leur troisième main au cul du mois dans les transports.
J’en profite pour dire que la scène de drague d’Adrian par Rocky, dans Rocky I, est particulièrement maladroite et poussive. J’ai revu le film récemment et j’ai été mise mal à l’aise par ce moment insistant que je ne cautionne pas. Disons qu’on souhaitera très fort que ce genre de pratique reste confinée aux années 1970.
Heureusement, le personnage d’Adrian ne cesse de prendre de l’ampleur durant la saga pour devenir aussi badasse que Rocky.
Se connaître soi-même
Mais revenons à Rocky et à ses principes. Pour rester fidèle à celui ou celle que l’on est, il faut d’abord se connaître soi-même. Plus on se connaît et plus on est en mesure de dire “oui” quand on en a vraiment envie et “non” quand c’est le moment de dire “non”.
C’est pour ça qu’il est important que Rocky soit une saga : de film en film, le héros se connaît d’avantage et va pouvoir augmenter sa capacité à faire les bons choix. Ce sont les mauvaises passes (financières, sportives, la mort de proches) qui vont finir par lui permettre dans Rocky V de transmettre à son fils le fruit de ces années d’apprentissage.
“Le monde n’est pas fait que de soleil ou d’arc-en-ciel. C’est un lieu méchant et crade et peu importe à quel point tu es fort le monde va te mettre à genoux et te coincer là si tu le laisse faire. (…) Si tu connais ta valeur, maintenant, va et obtiens ce qui te revient. Mais tu vas devoir accepter de prendre les coups plutôt que de pointer du doigt et dire que si tu n’es pas là où tu voudrais être c’est à cause de lui ou d’elle, ou de n’importe qui. Les lâches font ça et tu n’es pas un lâche !”
Aujourd’hui, le management à l’américaine, les vidéos Youtube de développement personnel ou autres billets publiés sur la plateforme Medium glorifient l’échec : ça permet de rebondir, ça prouve qu’on a été audacieux… Ce n’est pas le message de Rocky.
Célébrer la résilience
Rocky n’incarne pas le mythe du self-made man : il termine la saga fauché dans l’appartement qu’il occupait à ses débuts. Les échecs ça fait mal, ça laisse des traces indéniables qu’il est inutile de glorifier pour le plaisir. Rocky incarne au contraire la vertu que je préfère : “la résilience”.
On ne remonte pas sur le ring pour prouver qu’on est toujours rentable après un licenciement, ou qu’on a tourné la page à un ex… On remonte sur le ring pour soi, par respect pour ses propres principes. Adrian, sa femme, lui rappelle d’ailleurs dans le troisième film.
“Tu dois vouloir le faire pour les bonnes raisons. Pas à cause de ta culpabilité envers Mickey, (ndlr : son coach) pas pour les gens, pas pour le titre, pas pour l’argent ou pour moi, mais pour toi. Juste pour toi. Pour toi seul.”
Je veux être adulte comme Rocky, c’est-à-dire être capable, au-delà des débats d’actualité, de regarder en face le bordel qui m’attend, celui de l’âge adulte, et d’assumer ma part de responsabilité. Pour sauver le monde et épater la galerie avec ma réussite, on verra plus tard.
Savoir se prendre au sérieux
Quand l’aventure de Rocky commence on lui offre l’opportunité d’affronter Apollo Creed, le meilleur des boxeurs. On lui propose ce combat pour des raisons marketing : un boxeur fausse-patte immigré, ça fait bien sur l’affiche.
Il sait qu’il ne peut pas gagner contre un tel boxeur en aussi peu de temps, pourtant il accepte le défi. Ce qui fait que j’aime autant Rocky c’est qu’il ne s’agit pas d’un idiot utile : il ne persiste pas par bêtise ou par calcul dans la difficulté. Il ne s’obstine pas sans raison. Il le fait par honneur, parce que c’est sa persévérance et sa confiance en lui qui donne du sens à sa vie.
Je trouve ça super inspirant parce qu’on parle rarement du “sens de l’honneur” au féminin. Pour une femme, sa “vertu” et son “honneur” se confondent et se limitent souvent à l’usage qu’elle fait, ou non, de son entrejambe.
C’est dommage parce que l’honneur c’est vachement cool si tu regardes sa définition : “Sentiment d’une dignité morale, estimée plus haut que tous les biens, et qui porte certaines personnes à des actions loyales, nobles et courageuses.”
Et ce qui est beau avec l’honneur, c’est que ça marche dans les deux sens : on peut “te faire honneur” mais tu peux aussi “avoir l’honneur de”. C’est une relation de respect mutuel et d’exigence à laquelle on devrait tous pouvoir prétendre.
Malheureusement, pour une femme exiger le respect se limite souvent à exiger que son supérieur ne lui masse pas les épaules ou que ses collègues ne lui coupent pas la parole en réunion, alors qu’en vrai, on aspire à tellement plus pas vrai ?
Je souhaite, comme Rocky, me prendre au sérieux et prendre au sérieux mon entourage. Je souhaite “défendre mon honneur” autrement qu’en défendant mon entre-cuisses comme je dois encore le faire tous les jours, mais plutôt en défendant mes idées.
Faire preuve d’adaptabilité
Tu vas me dire que mon ton est bien sérieux mais Rocky m’a permis de comprendre qu’on gagnait à se prendre au sérieux, à respecter notre entourage et nos principes. Si je me sens en sécurité, solide sur mes appuis, je vais avoir de la place pour les audaces qui comptent, celles que j’ai choisies.
Rocky n’est peut être pas un premier prix de littérature, mais il est passionné et travailleur. Il apprend les règles du jeu grâce à son mentor, et à son décès il est assez mature pour pouvoir innover, atteignant l’apothéose de sa carrière de boxeur dans Rocky IV lors de son combat contre le soviétique Drago.
Avec cette saga, j’ai compris qu’être créatif, ce n’était pas se lever un matin avec un trait de génie mais avoir la capacité d’être “plastique” et faire preuve d’adaptabilité. En début de carrière, ou à 50 ans, on ne peut pas être créatif de la même manière. Dans Creed, le dernier combat de Rocky est d’ailleurs métaphorique : c’est un combat contre son cancer.
J’ai 26 ans et je commence à voir des femmes qui ont mon parcours et qui me paraissent tellement plus accomplies que moi. Je me décourage et je me dis : “Si t’as pas créé ta start-up à 30 ans t’as raté ta vie alors laisse tomber…”
Mais Rocky me rappelle que l’âge adulte n’est pas, contrairement à l’adolescence, un instant intense et fugace. C’est un temps long, laissant la place aux évolutions, aux remises en question, aux succès comme aux échecs. Rocky ne remonte pas sur le ring en permanence par acharnement : il y retourne à chaque fois qu’il a quelque chose de différent à se prouver.
Il n’est pas trop tard
Je suis sûre que tu as plein de choses à te prouver : être capable de finir ce roman, obtenir cette promotion, avoir ce troisième enfant ou surmonter ce divorce…
Ta manière de répondre à ces défis dépendra entièrement 1) de ton contexte et 2) de ta créativité face à ce contexte. Et le mieux dans tout ça, c’est que si à 25 ans tu n’as pas eu l’énergie, l’audace ou l’idée pour créer ta boite, fonder une famille, partir en trek… tu peux toujours le faire à 35 !
J’ai rédigé mon premier article pour madmoiZelle il y a cinq ans lors de mon premier stage professionnel, il s’appelait “Ce monde sexiste m’épuise” et l’irrespect de la société envers les femmes me paraissait indépassable.
Aujourd’hui, je suis ravie d’écrire cet article pour sa digne grande/petite sœur, et pleine d’énergie quand je vois la place que la parole des femmes a pris dans la société. Combatives, fières, créatives, j’espère qu’on va toutes ensemble vivre un joli morceau d’aventure dans l’âge adulte avec Rockie !
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