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Congé parental : la réforme adoptée, vers un « changement des mentalités »

L’Assemblée Nationale examine en ce moment le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. L’ouverture du congé parental au second parent a été adoptée hier dans la soirée.

Si les femmes sont toujours payées en moyenne 25% de moins que les hommes, c’est en partie parce qu’elles subissent davantage d’interruptions de carrière. De fait, la loi permet à l’un des parents de s’arrêter jusqu’à 36 mois dès le 2ème enfant, ou de bénéficier d’un temps partiel pendant cette période.

À l’heure actuelle, cette disposition se nomme « Complément de Libre Choix d’Activité », et dans 97% des cas, c’est la mère qui en bénéficie.

Le projet de loi pour l’égalité introduit une réforme du CLCA, qui devient « prestation partagée d’accueil de l’enfant ». Elle porte un double objectif : permettre aux pères de participer davantage à l’éducation de leurs enfants, et lever « la suspicion de maternité » qui pèse sur les (jeunes) femmes à l’embauche.

De nouveaux droits pour les pères

La réforme du congé parental ouvre de nouveaux droits au second parent —autrement dit, pour être plus claire — au père de l’enfant. Aujourd’hui, le père n’a droit qu’à onze jours de congé paternité.

  • Alors que le congé parental n’est que de 6 mois pour le premier enfant, la prestation d’accueil partagée alloue 6 mois pour le deuxième parent (bien souvent le père) dès le 1er enfant.
  • Dès le 2ème enfant, la prestation d’accueil partagée réserve six mois minimum à l’autre parent, sans quoi le congé parental est réduit à 30 mois s’il n’est pris que par un seul parent.
  • Le dispositif est souple : les deux parents peuvent continuer à travailler, et bénéficier tous les deux d’un temps partiel. La prestation d’accueil partagée ouvre aux pères le droit de solliciter et d’obtenir un temps partiel auprès de leur employeur (et une indemnisation équivalente à ce que le CLCA proposait déjà à un seul des parents.)

« Une intrusion de l’État dans un choix qui relève de la responsabilité du couple »

La volonté du gouvernement n’est pas dissimulée : en contraignant les couples à partager le congé parental, cette réforme vise à

limiter la durée de l’éloignement des femmes du marché du travail, et à encourager une meilleure répartition des tâches domestiques au sein du foyer.

Une intention qui n’a pas échappée aux député•e•s de l’opposition ; la députée UMP Claude Greff a ainsi manifesté son désaccord avec la réforme du congé parental :

« L’égalité n’est pas l’égalitarisme brutal. La liberté du couple de déterminer quel parent prendra un congé parental est remise en cause par l’article 2. Il s’agit d’une intrusion de l’État dans un choix qui relève de la responsabilité du couple, l’égalité consistant à permettre à l’un comme à l’autre de bénéficier du droit au congé parental et des aides induites et non à l’imposer.

C’est parce que je suis sensible à la famille et aux responsabilités qui en découlent que je ne souhaite pas que l’on impose aux hommes six mois de congé parental.

On attend d’une telle mesure la réduction de fait du congé parental pour le deuxième enfant. En effet, pour des raisons économiques évidentes, c’est le plus souvent le conjoint dont le revenu est le plus faible qui opte pour le congé parental, afin de ne pas réduire excessivement les ressources du ménage.

Selon cette logique, le couple renoncera tout de même à ce que le conjoint au revenu le plus élevé prenne le congé parental. Il en résultera donc, comme le prévoit l’article 2, la diminution de la durée du congé de trente-six à trente mois pour le couple.»

Les nombreux amendements déposés par l’UMP dans le but de faire obstacle à cette réforme ont été rejetés par les députés.

La volonté assumée de « faire évoluer le regard de la société »

Le rapporteur, Sébastien Denaja, assume totalement la contrainte implicite de cette réforme. Selon le député PS, l’enjeu est de « faire évoluer le regard de la société » :

« Rappelons l’objectif poursuivi. Il s’agit tout d’abord d’améliorer le partage des tâches éducatives entre les parents. Nous sommes soucieux de ne pas éloigner trop longtemps les femmes du marché du travail.

Il faut également faire évoluer le regard de la société. C’est souvent sur les femmes que pèsent certains risques qui dissuadent les chefs d’entreprise d’en recruter une. Il faut donc que le risque d’absence pour raisons parentales pèse aussi sur les pères et non, comme c’est le cas aujourd’hui, quasi-exclusivement sur les femmes.

Un changement des mentalités s’impose donc. Le dispositif de la PREPARE, dont le nouveau nom me semble heureux – on me pardonnera cet auto satisfecit –, prépare à la fois l’enfant à sa future vie d’adulte et la mère, car c’est essentiellement d’elle dont il est question aujourd’hui, au retour à l’emploi. »

La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a confirmé la volonté d’inciter les couples à mieux répartir les tâches domestiques et éducatives. Cette réforme doit servir de levier non seulement à un changement de pratiques, mais également à un changement de mentalités :

« Nous l’avons conçu comme une réponse claire aux inégalités professionnelles dont les racines plongent souvent dans l’inégale répartition, entre les hommes et les femmes, des tâches domestiques et des responsabilités parentales.

On sait que cette inégale répartition des tâches se creuse davantage à l’arrivée d’un enfant au sein d’une famille : à chaque nouvel enfant s’installent des pratiques, des comportements, qui ont pour résultat de faire reposer quasi exclusivement sur les épaules de la femme la responsabilité personnelle, qu’elle doit cumuler avec la responsabilité professionnelle – ce qui la lèse dans l’accès aux promotions et à une carrière équivalente à celle d’un homme.

Il est donc extrêmement important de donner une impulsion aux changements de comportement, et c’est ce que nous faisons avec cette réforme du congé parental, dont la vocation est aussi de changer les regards portés sur cette mesure. Non, il n’est pas réservé aux femmes. Oui, nous incitons les pères à le prendre au premier enfant en ajoutant six mois supplémentaires pour le deuxième membre du couple ; dans le cas de familles avec au moins deux enfants, choisissant une interruption d’activité jusqu’aux trois ans du dernier enfant, nous prévoyons que six mois soient réservés au père – à défaut d’être pris, ils seront perdus.

Nous assumons le fait qu’une telle mesure revient à réduire à deux ans et demi, contre trois ans actuellement, le droit pour les femmes de prendre un congé parental, considérant qu’il est de leur intérêt de ne pas s’éloigner trop durablement du marché du travail.

À le faire, elles se trouvent lésées, et subissent notamment un décrochage salarial qu’on estime à près de 10 % pour chaque année d’interruption d’activité. »

Le congé parental est un droit, pas une obligation

La ministre a également insisté sur la souplesse du dispositif proposé : avec la prestation d’accueil partagée, les deux parents pourront s’arrêter tous les deux, continuer à travailler tous les deux à temps partiel, s’arrêter à tour de rôle… Et ils pourront bien sûr toujours choisir de ne pas s’arrêter du tout, et de privilégier la garde de leur(s) enfant(s), si tel est leur choix :

« Le Gouvernement a prévu 275 000 nouvelles solutions d’accueil pour les enfants de moins de trois ans d’ici à 2017 », a-t-elle ajouté. Quant à l’objection soulevée par Claude Greff, craignant que le parent au revenu le plus faible (souvent la femme) choisisse toujours de s’arrêter plutôt que l’autre, la ministre a répondu :

« C’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule : au fond, pourquoi existe-t-il des inégalités de salaires entre les hommes et les femmes ? Notamment parce que les femmes ont des carrières plus interrompues que les hommes.

Nous voulons lutter contre les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes en ne faisant plus peser sur les seules épaules des femmes la nécessité d’interrompre sa carrière quand vient l’enfant, mais en partageant mieux cette interruption entre les hommes et les femmes. C’est ainsi que nous résorberons une grande partie des inégalités de salaires. »

L’article 2 du projet de loi pour l’égalité a été adopté hier soir en séance plénière. 

 – Les citations sont extraites du compte rendu de la deuxième séance publique de l’Assemblée Nationale, lundi 20 janvier


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

20
Avatar de MaryeOnAir
22 janvier 2014 à 21h01
MaryeOnAir
J'ai l'impression d'être la seule à comprendre cette réforme autrement ...

On ne confondrait pas le Congé parental d'éducation et le Complément de libre choix d'activité ?

A la lecture du texte, on ne toucherait PAS au congé parental d'éducation, mais seulement au revenu complémentaire que permet le CLCA ...

Nous avons donc pour un premier enfant :
- Un congé parental d'éducation temps complet ou partiel jusqu'aux 3 ans de l'enfant
- 6 mois de complément pour le 1er parent + 6 mois pour le 2ème parent s'il prend un congé par la suite.

C'est à dire que le 1er parent peut prendre 1 an de congé parental, mais n'avoir que 6 mois de complément. Ce qui ne change rien à aujourd'hui.
Par contre, le 2ème parent pourra également bénéficier de ce complément s'il prend un congé parental.
Si je comprends bien, 6 mois pour l'un, puis 6 mois pour l'autre.

Nous avons à partir de 2 enfants :
- Même congé parental d'éducation.
- 2 ans et demi pour le 1er parent + 6 mois pour le 2ème parent.

C'est à dire que le 1er parent peut prendre un congé parental de 3 ans et avoir le complément pendant 2 ans et demi, au lieu de 3 ans. Ce complément est reporté au 2ème parent qui prendra un congé parental d'éducation.

Donc dans les faits ça ne change RIEN. Le complément est toujours d'actualité, sauf qu'il peut être appliqué au 2ème parent.

Ce sont juste les conditions d'attribution qui changent ...

Est-ce que d'autres ont compris comme moi ?

Personnellement, ça me parait chouette de savoir qu'on peut prendre tout les deux un temps partiel à tour de rôle sans vraiment perdre un revenu.

Je me demande juste comment ça va s'appliquer si on va jusqu'au 3 ans. Est-ce qu'on va devoir reprendre le travail 6 mois pour que le 2ème parent bénéficie du complément ? Comment est-ce que la CAF va gérer ça ?
En fait pendant le congé parental, tu peux choisir de le prendre totalement (c'est à dire ne pas travailler du tout) ou prendre un temps partiel. La CAF délivre une prestation pour renflouer le manque à gagner lors de cette période. Les deux parents peuvent prendre un congé parental aussi. C'est plutôt la mentalité d'entreprise au niveau des RH pour l'augmentation des salaires qu'il faut remettre en cause. Mais bien évidemment, je comprends ce que le gouvernement veut mettre en place: l'incitation pour les pères de s'impliquer dans l'éducation des enfants et ne plus avoir le cliché maman à la maison papa au travail.
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