— Article initialement publié en 2013
Avant de commencer ma vie sexuelle, pendant l’adolescence, j’avais trois certitudes : jamais je ne pratiquerai la fellation, le sexe à plusieurs et la sodomie.
Si finalement, j’ai changé d’avis en ce qui concerne la fellation dès le deuxième (peut-être) troisième rapport, et que j’ai testé le plan à trois dès que j’en ai eu l’occasion, j’ai mis un peu plus de temps avant de ne serait-ce qu’envisager la sodomie.
Et par « plus de temps », je déconne pas : j’ai mis presque six ans après le début de ma vie sexuelle active pour l’envisager de manière positive. Six ans à avoir des partenaires avec qui, pour la plupart, je me sentais bien, sans accepter l’idée qu’ils puissent me glisser plus d’un doigt dans l’orifice (ce qui, en soi, est déjà pas mal).
Alors j’ai fait mon enquête : j’ai demandé autour de moi, auprès de mes amies tout aussi « à l’aise » dans leur sexualité que je pouvais l’être, si elles avaient eu autant de facilité à passer à la pénétration anale qu’à tous les autres actes sexuels qui ont pour elles été une innovation à un moment de leur vie : un peu plus de la moitié était comme moi, peu n’avaient eu aucun souci à y passer, le reste refusait de manière catégorique de l’envisager un jour.
Ce fut probablement l’une des conversations les plus animées de ma vie, d’ailleurs : les arguments, les idées et les conseils fusaient. Ça m’a interpellée : pourquoi cet enthousiasme pour beaucoup teinté d’angoisse sur le sujet ?
En faisant quelques recherches, je suis tombée sur deux articles de Vice posant le doigt sur mes propres peurs de la sodomie avant de la pratiquer, ou de la culpabilité à l’idée de ne pas avoir envie de la pratiquer.
Le premier, par Mary-Ann Banal (comme anal, mais avec un b devant) tire à boulets rouges sur la sodomie. Avec beaucoup d’humour, certes, mais d’une façon très anxiogène. On a droit à des idées comme se faire prendre le cul c’est comme chier à l’envers ou c’est contre nature enfin, cet orifice n’est pas prévu pour ça. OKAY.
Le second, par Kara Crabb, nous explique que la sodomie c’est de la souffrance. Mais la souffrance, c’est bien, que « chier du foutre » c’est fendard, et que c’est trop rigolo de prendre du Baclofène parce que ça dilate l’anus rapport que le lubrifiant vraiment ça craint. PITIÉ.
« Baiser avec les fesses est l’un des meilleurs trucs au monde, simplement parce que douleur, destruction et dégradation sont trois concepts parfaitement FUN », écrit-elle.
Alors euh, ok : chacun aime ce qu’il aime pour des raisons qui lui sont propres, mais pour le coup, entre le ton péremptoire et l’idée sous-jacente que si tu n’aimes pas la sodomie t’es vraiment pas rock, ça n’a pas vraiment marché sur moi.
Moi qui n’ai plus rien contre la pénétration anale même si je n’en suis pas dingue, j’avais presque envie de me condamner l’anus à l’issue de ce papier. (Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que j’ai moyennement envie de faire une occlusion intestinale.)
Après la lecture de ces deux papiers, j’ai levé les mains en l’air et j’ai dit « WOWOWOWO, tout doux, que tout le monde se calme et respire bien fort » : l’un comme l’autre donnent l’impression de donner les arguments parfaits pour entretenir le mythe autour de la sodomie.
Alors j’ai voulu faire parler des filles qui savent exprimer leur ressenti, ce qu’elles aiment et ce qu’elles n’aiment pas sans jamais rien imposer à personne. Pourquoi aller chercher plus loin quand on sait que les madmoiZelles sont là ?
Nous allons donc ensemble parler de la sodomie : autrement dit, la pénétration de l’anus avec un pénis ou un sex-toys (ou un rôti, ou du saucisson sec, ou une bouteille de Perrier… Comme vous voulez) mais pas du tout de l’acte qui semble dans ces deux billets précédemment mentionnés faire l’apologie de la douleur.
Y a-t-il un bon moment pour essayer la sodomie ?
Toutes les raisons sont bonnes pour essayer la sodomie, tant que ça vient de soi, et de personne d’autre. Toutes les lectrices qui ont répondu à mes questions ont accepté de répondre à mes questions l’ont fait par « curiosité » et avec plus ou moins d’excitation (disons qu’à en croire les témoignages en question, sur une échelle de l’excitation qui va de 0 à 10, nos lectrices curieuses se plaçaient de 5 à 12), avant ou après que leur partenaire ne leur parle de leur désir de les pénétrer par l’anus.
Toutes sauf une : parmi les témoignages récoltés l’une des madmoiZelles n’a pas décidé de franchir le cap pour « la bonne raison », comme elle l’explique :
« Après une rupture pourrie avec mon premier partenaire, j’ai commencé à avoir un plan cul. Ce dernier était très porté anal et j’ai fini par me laisser convaincre d’essayer (mais pour de mauvaises raisons car c’était une période où j’avais vraiment besoin de plaire aux mecs que je fréquentais). Le problème c’est que ce monsieur était très égoïste et plutôt trop bien membré. Une première sodomie sans préliminaires ni lubrifiant dans ses conditions, j’avoue que c’est douloureux et très traumatisant. »
La sodomie, c’est comme tout ce qui a trait à la sexualité : quand on se sent contraintes, quand on se sent un peu forcées pour une raison ou pour une autre, quand on cède plus que quand on le décide, il y a de grandes chances pour que ce soit raté.
C’est un concept aussi simple à dire que le principe est parfois complexe à s’appliquer à soi-même dans certains cas : quand on est confronté pour les premières fois ou pour la première fois depuis longtemps au regard d’un ou une autre partenaire, il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour se demander si on a envie de faire quelque chose ou si on s’y sent contrainte parce que l’autre le veut et qu’on ne veut pas lui déplaire. D’autant plus quand cet-te autre est insistant-e.
Dans un billet pour son blog sur Métro, Ovidie s’étonnait en août dernier de la teneur de la plupart des conseils que lui demandaient un grand pourcentage de ses lecteurs masculins :
« Mais ce qui m’étonne est la répétition à l’infini de la structure de cette demande de conseils, où seule varie l’orthographe :
Bonjour, ma partenaire refuse de : 1, pratiquer la sodomie Ou 2, me laisser éjaculer dans sa bouche Comment puis-je la convaincre ? »
À lire aussi : Avec « À quoi rêvent les jeunes filles ? », Ovidie interroge les influences sociales sur la sexualité féminine
Ce qui l’inquiète, dans ce constat, c’est l’idée d’insistance, de pression exercée sur leur partenaire. Plus loin dans l’article, elle continue :
« Ce qui me dérange le plus dans ce type de courrier est l’idée qu’un homme puisse insister lourdement auprès de sa partenaire jusqu’à ce qu’elle finisse par accepter à contre-coeur une pratique qu’elle a déjà refusé. « Non » signifie pourtant bien « non », même dans le cadre d’une relation affective. Et ce « non », ne semble pas entendu. »
Parfois, on ne pense pas être forcées, mais on l’est un peu quand même. J’imagine sans mal que les personnes en question ne disent pas à leur partenaire « si tu ne me laisses pas te sodomiser, je te quitte », et qu’ils n’ont pas forcément le sentiment d’être si insistant que ça.
Mais insister, remettre le sujet sur le tapis régulièrement, c’est déjà forcer en soi. Insister, c’est différent d’exciter. Une lectrice a par exemple eu envie de tester parce que son copain a trouvé les mots, sans lui mettre la pression :
« Au début il a commencé à en parler dans des petits jeux qu’on faisait pour se demander mutuellement nos fantasmes, où des choses qu’on avait envie de faire l’un à l’autre. Et il a réussi à vraiment me donner envie, genre très très envie, c’est devenu un fantasme à part entière pour moi, que j’ai d’ailleurs explorée aussi seule durant la masturbation. »
La différence peut paraître très fine, à l’écrit, mais je dirai qu’on la reconnaît en vrai quand les mots de l’autre n’angoissent pas, mais font du bien. Quand ils motivent plus qu’ils n’insistent. Et comme le rappelle Laci Green dans sa vidéo sur le sexe anal…
« La pénétration anale peut être cool, agréable et vraiment génial ! Mais les gens ne devraient pas la pratiquer parce qu’ils se sentent sous pression ! Si un acte sexuel ne te tente pas, si tu n’as pas envie de le faire… Ne le fais pas. Ton corps, tes conditions. »
Il n’y a pas de bons moments, il n’y a pas de bon timing, il n’y a qu’une envie qui vient de soi-même. Mais y a-t-il, en revanche, un-e ou des bon-ne-s partenaires ?
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À quel point la confiance avec son/sa partenaire rentre en jeu en terme de sodomie
Une légende voudrait qu’ON ne pratique pas la sodomie aussi facilement que la pénétration vaginale. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il paraît qu’on est un peu plus sélective en ce qui concerne le choix du partenaire quand il est question de pénétration anale. De là à en faire une généralité, il y a un pas que je préfère ne pas franchir, mais cette explication se tient, comme nous l’explique une lectrice :
« Pour moi il faut avoir une totale confiance en son partenaire. La sodomie lorsque elle est pratiquée sans précaution peut être douloureuse, aussi il faut être sûre de son partenaire. Pour moi, la sodomie requiert un certain abandon et une décontraction totale pour être agréable, et pour faire preuve d’abandon il faut selon moi une confiance totale en son partenaire. »
Une autre, qui refuse d’envisager la sodomie avec un plan d’un soir, renchérit :
« C’est beaucoup plus intime la sodomie car beaucoup plus douloureux aussi si c’est mal fait. Après, je n’ai jamais vraiment eu de réticence à le faire mais c’est vrai que pour un coup d’un soir ça serait non. Obligatoirement quelqu’un avec qui je suis en couple (mais pas forcément de sentiments amoureux). Je pense qu’il est essentiel de savoir que la personne en face s’inquiète de savoir si c’est bien fait, que ça dépasse la dimension sexuelle pour elle, sinon c’est difficile pour nous d’être en confiance et de se « lâcher ». »
Il ne s’agit pas là de sacraliser la pénétration anale, de lui donner un caractère sexuel plus fort, plus symbolique que les autres actes. Il ne s’agit pas de ne le faire qu’avec la personne avec qui on est en couple.
C’est davantage une question de savoir si le/la partenaire sera prêt-e à être suffisamment à l’écoute pour ne pas y aller comme un bourrin et saura ne pas entrer directement d’un coup sec dans ton orifice car l’ouverture anale est moins élastique que celle du vagin, comme l’explique la sexologue Catherine Solano sur Top Santé (les anciennes auditrices de la radio libre de Max sur Fun Radio devraient reconnaître son nom).
Une madmoiZelle pointe également du doigt un point intéressant :
« Un mec qui refuse catégoriquement d’envisager que je puisse m’approcher de son anus à lui, ça me donne pas envie de le laisser s’occuper du mien. »
Ce n’est certes pas le cas de tout le monde, mais c’est vrai qu’après tout, pourquoi dans le cadre d’une relation hétérosexuelle devrait-on faire les choses dans un seul sens ?
J’ai discuté avec beaucoup d’hommes qui n’aimaient pas qu’on approche trop près les doigts de leur trou. La plupart avait l’impression de voir leur virilité remise en question. C’est quelque chose qui m’échappe. Qu’on n’aime pas, ok, je peux le comprendre. Qu’on refuse d’essayer pour cette raison, moins. Je respecte, mais je trouve ça primaire. Et c’est pour eux refuser l’occasion d’essayer de se faire tâter la prostate, ce qui est assez dommage quand on sait tout le plaisir que ça leur procure.
Ceci étant dit, s’ils refusent, il faut le respecter, n’en déplaise à Josée.
Un plaisir différent avec la sodomie ?
L’anus est plus étroit que le vagin : ainsi, la pénétration anale permet de sentir pleinement le sexe ou l’objet en soi. C’est pas moi qui le dis (enfin, pas seulement, quoi). Une lectrice explique par exemple :
« J’adore le sentir entrer en moi très progressivement et le sentir m’emplir complètement. Je sens son sexe complètement et ça m’excite vraiment. je pense qu’il y a une grande part de mental dans cette pratique mais en tous cas j’en retire énormément de plaisir, plus que lors d’un rapport vaginal. »
Une autre madmoiZelle va dans ce sens :
« C’est le niveau supérieur d’intimité pour moi et parfois c’est agréable. Le plaisir y est très différent que dans la pénétration vaginale et il peut être compliqué à appréhender. Du coup, je ne la pratique que dans des périodes où je me sens bien et détendue. »
Certaines vont aimer la sodomie pour les sensations différentes qu’elle procure en comparaison à la pénétration vaginale. D’autres vont préférer la sodomie au rapport par voie vaginale parce qu’elles ont l’impression de s’abandonner complètement à l’autre.
Le témoignage de la lectrice ci-dessus, qui expliquait que son envie de ne pratiquer la sodomie que dans les moments où elle se sent bien et détendue, est intéressant et va dans le sens d’une autre madmoiZelle.
Celle-ci m’a déclaré qu’avec une première expérience anale géniale, elle avait eu un petit « incident » lorsque son copain s’est retiré après la seconde. Rien de grave, certes, mais ça l’a bloqué pour la fois suivante qui s’est avérée douloureuse pour elle, parce qu’elle était stressé :
« La fois suivante j’ai sûrement pas du tout réussi à me détendre, et lorsqu’il est entré j’ai eu une terrible douleur, très très vive. Il s’est tout de suite enlevé et j’étais vraiment pas bien. Ça ressemblait aux fois où l’on se cogne le petit orteil dans un pied de table, vraiment le truc hyper vif. J’ai eu quelques foirages comme ça successifs, une ou deux autres fois, on y arrivait plus, mon mec se sentait vraiment pas bien.
Et puis une fois on a fait un jeu de cartes avec des gages qu’on se donnait mutuellement, on buvait aussi un peu en même temps, donc l’excitation et la détente sont venus vraiment progressivement, et là ça a été vraiment super. »
Ce témoignage me fait penser que, parfois, le cerveau est un sacré rabat-joie. Il est la preuve que, quand on n’est pas sous les meilleurs auspices, le corps peut, du coup, choisir de dire non. Plus encore que pour n’importe quelle autre partie du corps, la sodomie quand on est tendue peut être un joli échec.
En revanche, pour une madmoiZelle, après plusieurs essais, le plaisir n’est pas au rendez-vous :
« J’ai pris toutes les précautions possibles à chaque tentative (doigt, lubrifiant, y aller par étapes, se détendre quand la douleur arrive) mais pour moi ça reste douloureux. Du coup, j’aimerais que vous rassuriez les filles qui ne sont pas tentées par le sexe anal/qui ont eu une expérience décevante car je trouve qu’on en fait tout un foin. »
Ça peut arriver. Ça arrive. Est-ce que c’est grave ? Absolument pas. Est-ce qu’il faut se forcer ? Encore moins. Bien sûr, pour celles qui aiment la sodomie, sa pratique peut leur amener quelque chose en plus à leur sexualité.
Quand ça veut pas, ça veut pas. Et alors ? Alors c’est pas grave.
Mais il faut cesser de se mettre la pression, et c’est d’ailleurs pour ça que cette lectrice a témoigné : la sodomie est une pénétration anale, ni plus, ni moins.
Si ça ne passe pas, ça ne sert à rien de se sentir déçue, ou moins bien, moins ouverte sexuellement que celles qui la pratiquent régulièrement. À chaque personne sa sexualité, à chaque personne son anatomie.
Et si l’objet de ton désir ne rentre pas totalement, c’est pas bien grave : la simple stimulation au doigt ou à la langue peut suffire à faire ressentir des trucs totalement dingues, si tu as envie de titiller cette partie de ton corps et du corps de ton/ta partenaire.
Quelques précautions à prendre avant la sodomie
Se préparer : stimuler l’orifice avec les doigts, avec la langue, avec tout ce qu’il faut. Il faut commencer petit avant de jouer cartes sur table. Avec des mots, aussi, éventuellement,
Se laver correctement, puisque des bactéries anales pourraient contaminer la flore vaginale. De la même façon, ne remettez pas un pénis ou un sextoy inséré dans des fesses au préalable dans votre vagin avant de l’avoir (re)lavé. Si vous utilisez des préservatifs, penser à en changer. Risque d’infection maximal,
Ne pas s’affoler s’il y a des résidus sur le pénis, le préservatif, le sex-toy ou que sais-je encore : dis, c’est quand même le truc le plus naturel du monde. Le mieux, c’est tout de même d’être allée aux toilettes dans les heures précédentes,
En parler avec l’autre, lui rappeler qu’on ne rentre pas dans un anus comme dans un moulin au cas où. En parler tout court peut aussi permettre de faire monter la pression et l’envie,
Envisager, éventuellement (et bien choisir, n’est-ce pas Josée) le plug anal : une lectrice explique que le sien « [lui] permet de [s]e préparer plus doucement, il est assez petit mais fait très bien son boulot pour rendre les choses après très faciles »,
[quote]Le lubrifiant est souvent indispensable ![/quote]Le trou des fesses ne se lubrifie pas tout seul : le lubrifiant est bien souvent indispensable (même si dans certains cas, la salive peut suffire). Par contre, si c’est la première fois de ton/ta partenaire, pense bien à lui dire de se contenir : quand ça glisse, il peut arriver d’être aspiré un peu trop vite vers le fond, ce qui peut s’avérer douloureux. Faut y aller mollo,
Et surtout, quoiqu’il arrive, si c’est une personne avec qui tu n’as pas fait le dépistage, utiliser un préservatif : les muqueuses anales sont fragiles, poreuses, et encore plus propices que le reste du corps aux échanges d’IST. Mais, eh, ça, c’est pour toutes les pratiques qui pourraient permettre la transmission de IST et MST en tous genres. On est d’accord.
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Les Commentaires
est-ce que, par pur hasard, nous aurions eu toutes les trois un clone du même mec horrible comme partenaire à un moment de notre vie ? O.o