– Article initialement publié chez madmoiZelle le 30 mai 2014.
J’avais envie de me défouler au milieu d’un cursus de fac épuisant, Ryan Air et ses vols à bas prix me tendaient les bras : Budapest et ton ambiance festive, me voilà !
Pendant ce temps, dans mon esprit…
Plan à 3 : une rencontre surprenante
On était en hors saison et j’étais la seule nana du dortoir de mon auberge de jeunesse. J’étais célibataire et j’avais la dalle alors je me suis dit que ce serait buffet à volonté toute la semaine.
Seulement voilà. Les jours passent, et rien. Trop timide, trop sale, trop ivre… Je n’étais pourtant pas difficile, mais rien à faire : aucun ne m’inspire et même avec trois bières à bas prix sous le coude je n’étais pas capable d’aller plus loin que le flirt. En plus, les seuls ayant été vraiment entreprenants avec moi étaient français. Ça valait bien la peine de faire deux heures d’avion !
Le dernier soir arrive, et la mort dans l’âme, je me rends à une soirée alors que je dois prendre l’avion à 7 heures le lendemain. C’est une soirée déguisée et par manque d’inspiration, je me suis mise une cuillère en bois dans les cheveux. Si vous cherchez un moyen de pécho en soirée, tentez l’accessoire improbable : a priori c’est efficace.
Arme de séduction massive
Je repère alors un sourire charmeur sous de longs cheveux noirs. Il ne m’offrira rien à boire et j’apprécie de ne pas me sentir obligée de lui faire la conversation. D’ailleurs, on ne parle presque pas, il se contente de mimer des baisers aériens et d’ouvrir son décolleté de façon aguicheuse.
Car oui. Monsieur est « grave bonne ». Dans une robe rouge ultra sexy, il bat des cils et mime une séductrice fatale un peu ridicule avant de défiler devant moi. Il m’explique être américain et travailler à la Silicon Valley. Mouais… Il a surtout l’accent londonien mais je joue la stupide. Nous dansons et, gentleman ou juste très malin, il remonte ma robe à chaque fois qu’elle glisse. Lassé de ces jeux, il finit par me dire droit dans les yeux « je suis un homme tu sais ». Message reçu 5 sur 5, nous filons à son auberge de jeunesse.
Nous trouvons un coin à l’ombre sur un vieux matelas et pour la première fois de ma vie, je fais la chose avec un homme en lui ôtant sa robe, sa perruque, et son rouge à lèvres.
Plan à 3 : avoir les yeux plus gros que le ventre
L’acte commence, et il est ma foi fort agréable. J’ai l’impression de faire un film porno en V.O. et mon entrain est rythmé par ses « Oh my god » exotiques. Bon, ok, notre recoin est en réalité un lieu de passage et nous sommes régulièrement interrompus. La pénombre totale préserve cependant ma pudeur.
Tout aurait pu se finir là et ce moment serait quand même resté un de mes meilleurs souvenirs de coït. Mais évidemment, il fallait que j’aie les yeux plus gros que le ventre…
En matière de plan à trois la théorie est toujours très différente de la pratique
Un de ses potes l’interpelle par un de ces « hey buddy ! » dont les anglophones ont le secret. Ils discutent un peu et l’importun, qui ne nous voit pas, comprend que son pote est accompagné. Félicitation virile de rigueur à coup de « Yeah meeen » totalement clichés, et je joue la potiche française et frivole : faire la cruche face à ces deux inconnus tout aussi stéréotypés a quelque chose d’hilarant. Entre le fait que je n’ai vraiment pas le droit d’être là et ce petit rôle que je joue, je me sens… truand.
Mon compagnon me glisse que son ami est jaloux car d’habitude c’est lui qui a du succès avec les filles. Un « oh really ?? » innocent le convainc d’allumer la lumière, et en voyant le nouvel arrivant je me décroche la mâchoire tout en me mettant à croire à toutes les religions du monde simultanément. Ce type, c’est le portrait craché, en boxer, des beaux bruns ténébreux qui me faisaient craquer quand j’étais une prépubère pucelle : je dois à mes 13 ans de me le faire !
Quelque part entre la zone « pudeur » et la zone « civilisation » de mon cerveau, quelque chose part en vrille et je lui propose de nous rejoindre : ils n’en croient pas leurs yeux. J’entends un « Ces Françaiiiiises… » et il saute dans le lit.
Les Françaises dans l’imaginaire international — vue d’artiste
La surprise d’un plan à 3… long
Commence alors la demi-heure la plus longue de toute ma vie.
Et pas longue comme « j’ai eu un orgasme tellement puissant que j’ai ouvert l’espace-temps », non, long comme « oh mon Dieu pourquoi je me suis fichue dans cette galère ».
Cet apollon s’est révélé être le plus incapable des imbéciles au lit, au grand dam de son propre ami. Une vraie brute ! Il m’a tellement serré dans ses bras que j’en ai eu un bleu, il m’a tellement bavé dans le cou que ça a créé un fleuve jusqu’à mon épaule, il s’est frotté contre ma jambe en guise de préliminaires façon chien en rut, et a fini par coller une droite à son pote à cause d’un mouvement maladroit du bras.
C’était sans compter le rythme de ses coups de reins dont la moitié… tapaient à côté. Et pas à côté comme « oh, quelle sodomie impromptue » : à côté comme dans le vide. Je ne suis pas tellement sûre qu’il s’en soit rendu compte, tant il était concentré à chercher mon regard d’un air faussement profond façon acteur porno de série Z…
J’ai passé l’intégralité de la demi-heure à me poser des questions comme « Non. Il a vraiment fait ça ?! Cet homme a vraiment tenté de faire ça avec son corps ?! » alors qu’il imitait des positions inutilement compliquées sans doute vues dans des films, ou bien « Tiens je me demande ce que je vais manger en rentrant, est-ce que le frigo est vide ou pas déjà ? J’espère que je ne vais pas rater l’avion… Il est quelle heure au fait ? ».
Cette nuit-là, ma libido est passée de Lady Marmelade à Brassens. C’est vous dire…
Le fait de devoir m’occuper de deux hommes ne m’a même pas paru fatiguant ou difficile : le premier n’avait plus aucune place puisque son pote était occupé à m’emballer dans ses bras et ses jambes avec la frénésie d’un puceau de 80 ans lors de sa première fois. Oui, emballer. Vous imaginez un singe qui s’accroche à vous ? Bah pareil.
Dégouté, il a fini par m’abandonner, se rhabillant avec dignité dans sa robe rouge, sans même avoir achevé sa « part du travail », pour rejoindre son dortoir en prétextant la fatigue. Encore aujourd’hui, je suis triste pour lui : son pote était plus beau, mais lui était un bien meilleur partenaire !
L’autre, évidemment, est resté.
Plan à 3 : fin et conclusion
J’ai toléré dix minutes supplémentaires de cris beuglés à mon oreille avant de lui adresser un dernier regard pour enregistrer la magnificence de son physique. Lui non plus n’aura pas eu ce qu’il voulait finalement, mais c’était le dernier de mes soucis : il s’était mis à me téter le lobe. Ce fut humide, mais pas dans le bon sens du terme.
Je me rhabille et j’entends distinctement des gens dans la cuisine murmurer « c’est la Française qui a fait un plan à trois ?! » ; je décide donc d’aller ostensiblement y boire un verre d’eau sous leur regard médusé. Je m’installe avec eux à table, profite du silence religieux qui y règne soudain en hurlant de rire intérieurement, et puis je rentre à pied vers ma propre auberge.
Bilan : j’ai définitivement confirmé les clichés d’une dizaine d’étrangers, ne rendant, j’en ai bien peur, pas un très grand service à la patrie ; j’ai récolté un bleu, plus de soutif, l’étrange impression d’avoir fait l’amour pour la première fois avec un berger allemand ET son maître, et aucun orgasme pour personne.
Du bon, de la brute ou de la truande, je ne sais pas qui aura passé la pire soirée !
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