Il convient, en 2011, dans une société technologisée et vouée au progrès, d’admettre que la technologie et le progrès ne marchent pas. Ou du moins, pas chez moi. La plupart de mes objets-fétiches n’en font qu’à leur tête, au point que j’ai dû admettre la tragique vérité : mon quotidien est victime d’un envoûtement. Les choses se font la malle ou se dérèglent. L’univers m’oppose une résistance constante, alors que bon, on attend surtout des objets qu’ils respectent leur rôle d’objet – ceci incluant une certaine passivité. Voici ma journée-type d’envoûtée au bord de la crise de nerfs.
> 7h30 (non, je déconne, 10h) : le réveil ne sonne pas. Ou a sonné à quatre heures du matin. Du coup :
>12h00 : je me réveille.
> 12h01 : il n’y a plus de papier-toilette. Il n’y en a jamais. Surtout quand je viens d’en racheter huit cents rouleaux.
> 12h04 : ma douche m’interdit de gérer normalement la pression de l’eau. Un filet brûlant s’écoule avant de laisser subitement place à un jet glacé comparable à celui employé par les CRS anti-manifestation. Tonique.
> 12h10 : mon téléphone n’a plus de batterie. Il a chargé toute la nuit.
> 12h12 : de toute façon le Wifi est planté.
> 12h14 : ma balance m’annonce que j’ai pris huit kilos dans la nuit. Grâce à ce modèle flambant neuf qui a marché deux fois, je constate que je prends de toute façon une dizaine de kilos par jour.
> 12h15 : ma tablette de pilules a disparu. Je ne reprends la pilule que depuis un mois et elle s’est déjà fait la malle quatre fois. (Les tampons ont la même prédisposition pour la disparition. J’en ai plein mon sac 21 jours par mois et 0 quand j’en ai besoin.)
> 12h45 : le micro-ondes vient d’immoler par le feu ma tasse de thé alors que je l’ai juste mise à réchauffer trente secondes.
> 13h00 : les escaliers roulants du métro sont bloqués.
> 13h01 : le métro aussi. J’ose pas sortir le vélo, la chaîne est au bord de l’explosion.
> 13h30 : comme une fois toutes les deux semaines, ma touche « circonflexe » est coincée sous GoogleDocs. Ce serait quasi-jouable si je n’en avais pas besoin pour écrire… mon prénom. (Je n’invente rien, hein.)
> 13h10 : comme une fois par semaine, GoogleDocs refuse d’enregistrer mes documents. Je crée donc douze mille sauvegardes, dont les icônes recouvrent mon dernier fond d’écran choisi avec amour.
> 13h30 : mon ordinateur portable surchauffe, comme chaque été. Normalement il ne devrait plus tarder à me planter. Comme chaque année. (Joie des MacBookAir.)
> 14h30 : ma tablette graphique a toujours été compatible avec mon ordinateur, sauf aujourd’hui. Pourquoi ? Personne ne sait.
> 14h35 : je me détends en bookant mon prochain retour en France. J’ai quatre cartes bancaires. Une seule me permet de payer en ligne. Deux sont hors d’usage à chaque pleine Lune pour une raison que ma banque ne comprend pas. Une ne fonctionne qu’en Allemagne et, bizarrement, aux Etats-Unis. Souvent, quand je dois acheter mes courses, je passe dix minutes à la caisse à essayer toutes mes cartes avant d’en trouver une qui daignerait marcher.
> 15h02 : mon blog me sort une erreur 500. Personne ne sait exactement ce que recouvre une erreur 500.
> 15h05 : AAAAH j’avais laissé le son au maximum au moment de mettre les écouteurs sur mes oreilles.
> 16h43 : pourquoi cet email destiné à ma mère a-t-il été envoyé à mon banquier. Pourquoi.
> 17h58 : pourquoi est-ce toujours à la fin de la journée qu’on s’aperçoit que son maquillage a méchamment bavé à cause de la chaleur, et qu’on a un unique oeil de panda (évidemment les douze garçons du bureau n’ont rien dit).
> 18h00 : sur le chemin du retour, la bandoulière de mon sac se décroche.
> 18h04 : la semelle de ma chaussure droite se décolle (si, si). Je pensais que ça n’arrivait que dans les films. Donc non.
> 18h07 : mon copain essaie de m’appeler mais ma carte prépayée est vide, je ne peux pas décrocher, il ne peut même pas laisser de message, au temps pour notre rendez-vous dont je ne connais pas l’heure. Je prie pour que ma clef ouvre sa porte au lieu de rester coincée dedans.
> 19h12 : je SAIS ouvrir les bocaux à cornichons. J’ai des MUSCLES. Mais ce soir… bon sang, ce soir, le bocal triomphe manifestement de la femme.
> 19h14 : en revanche je n’ai jamais su ouvrir les bouteilles de bière sans ouvre-bouteille. Et le mien a disparu. Normal.
> 19h47 : au cas où mon micro-ondes déciderait une nouvelle fois de me brûler la langue au huitième degré, je vais manger cru. Si le couteau ne se plante pas dans ma main.
> 20h48 : le lave-vaisselle est en panne. Regrets éternels.
> 21h30 : l’ampoule « longue durée » claque.
Bon, j’ai peut-être un tout petit peu exagéré mais sur les deux dernières semaines, tout ça m’est arrivé (et la plupart du temps plusieurs fois). La technologie, ou le simple fait de vivre en 2011, nous donne l’impression de vivre des temps de toute-puissance : du coup, quand ça coince (et ça coince vraiment beaucoup), on se sent trahie. Finalement on n’est pas omnisciente, omniprésente ou omnipotente. Donc, la vie est nulle.
Suis-je la seule à avoir besoin d’un désenvoûtement en plus d’une cure de carottes ? Ou alors c’est normal que RIEN ne marche, surtout les choses indispensables ? Et surtout : vous connaissez l’adresse d’un bon magicien remboursé par la Sécu ???
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Les Commentaires
- mon mac qui n'a jamais planté en 3 ans... plante.
- mon smartphone refuse de me laisser décrocher. Surtout quand c'est important.
- Mon grille-pain a manqué de faire bruler mon appart pendant que mon lave-linge voulait se faire la malle de ma salle de bains vers le couloir, toute seule comme une grande (bon j'admets, ca c'etait la faute de l'installateur).
- mon horloge qui ne faisait pas de bruit a soudain decider de faire des tic-tac a reveiller les morts, la nuit. Du coup j'ai enleve les piles, il est 16h34 dans ma cuisine. Tout le temps. Faille temporelle et toc!
- mon telephone fixe a décidé qu'un seul combiné sur les deux va se souvenir des contacts que j'ai entré dedans. bizarrement c'est jamais le même.(si qqun a une explication je suis preneuse!)