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Réarmement démographique : « Ce discours nataliste fait écho à un imaginaire très ancré à l’extrême droite »

Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a annoncé une refonte des congés parentaux et un « réarmement démographique » pour faire face à la baisse de la natalité. Mais pour quels effets sur les droits des femmes ? Éclairage d’Elsa Foucraut, de l’association Parents & Féministes, qui œuvre pour une parentalité égalitaire. 

Madmoizelle. Qu’avez-vous pensé de la proposition d’Emmanuel Macron de remplacer le congé parental actuel par un « congé de naissance » plus court mais mieux rémunéré ? 

Elsa Foucraut. On peut dire deux choses. Ce qui est positif, c’est qu’enfin, la revalorisation des congés parentaux est sur la table. C’est une bonne chose car aujourd’hui, la situation des congés parentaux n’est pas satisfaisante. Mais les annonces faites par Emmanuel Macron restent très vagues, ce sont les mêmes que celles faites à l’automne par Aurore Bergé, et elles ne répondent pas aux points de vigilance qui ont été évoqués depuis l’été. C’est préoccupant car les associations de défense des droits des femmes ont demandé à ce que la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes soit clairement posée dans les objectifs de la réforme. Or, elles n’ont même pas été consultées par les ministères. À tel point qu’en décembre, Parents & féministes, le Collectif pour une Parentalité féministe (P.AF) et la Fondation des femmes avons écrit à Élisabeth Borne et à Aurore Bergé pour les exhorter à consulter les associations de droits des femmes et pour poser clairement que l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie intégrante des objectifs de la réforme. 

À lire aussi : Qu’est-ce que le congé parental, et qui peut en bénéficier ?

Quels sont les points de vigilance que vous évoquez ? 

Ils vont déjà être sur la modalité de ces congés. « Mieux rémunéré et plus court » : qu’est-ce que cela veut dire ? Pour la rémunération, on part de tellement bas qu’on ne sait pas si ce qui sera proposé sera satisfaisant. S’il n’est pas bien mieux rémunéré alors que sa durée est drastiquement diminuée, il pourrait même être un recul en termes de droits. 

L’autre point de vigilance majeur selon nous, c’est l’absence de toute annonce sur le congé second parent. Or, c’est un vrai sujet car le congé parental est une sorte de prolongement du congé maternité dans la plupart des cas et est très différent du congé paternité. Ce que l’on souhaite, c’est d’étendre la part obligatoire du congé paternité. Pourquoi faut-il lier les deux ? Parce que si on n’étend pas le congé paternité et qu’on renforce le congé parental, ce dernier va être encore majoritairement pris par les femmes, sans effet sur la prise du congé par les pères. Inciter les pères à prendre leur congé à la naissance d’un enfant, ça a déjà été essayé et ça ne fonctionne pas. Il faut aller sur quelque chose de plus substantiel, à savoir un congé second parent étendu qui sera différent du congé parental. 

Le dernier point de vigilance concerne l’état du service public de la petite enfance. Aujourd’hui, il est en crise et, contrairement à ce que dit le gouvernement, la situation ne va pas s’améliorer dans les années à venir. Au contraire : malgré la baisse de la natalité, l’offre de garde va aussi diminuer, ce qui va se traduire par moins d’enfants accueillis dans les structures collectives comme chez les assistantes maternelles. Aujourd’hui, on sait que le congé parental peut-être un choix, mais qu’il est aussi parfois un palliatif à l’absence de mode de garde et que les mères le prennent pour jouer la variable d’ajustement. Or, cette situation risque encore de s’aggraver dans les trois prochaines années.

Aujourd’hui, si on veut faire une politique qui soit favorable à l’égalité entre les femmes et les hommes, il faut agir simultanément sur la revalorisation du congé parental, mais aussi l’extension du congé paternité et l’investissement dans le service public de la petite enfance. Si on ne joue que sur un seul levier, il y a de fortes chances que ça accentue les inégalités.

À lire aussi : « Réarmement démographique », congé de naissance, Marseillaise à l’école… Voici les principales annonces d’Emmanuel Macron

Invitée mercredi 17 janvier sur Sud Radio, Aurore Bergé a précisé que ce congé de naissance inclura aussi le congé maternité et paternité… 

Si le congé maternité et le congé maternité sont inclus dans ce congé de naissance de six mois, ce sera clairement un recul. Mais c’est très difficile de se prononcer sans élément clair. En juin 2023, le prédécesseur d’Aurore Bergé au ministère des Solidarités, Jean-Christophe Combe, a fait toute une concertation sur le service public de la petite enfance. Les associations féministes comme nous avons demandé à ce que la question des congés parentaux soit mise sur la table. Mais le rapport présenté ne fait aucune mention au congé parental ou au congé paternité. Quand elle est arrivée cet été, Aurore Bergé a commencé sa nomination en disant qu’elle allait réformer les congés parentaux. Encore une fois, sur le principe, mettre cette question à l’agenda est une bonne chose. Mais depuis ces annonces datant de fin juillet, il n’y a pas eu de document de cadrage, juste quelques concertations qui ont été menées et où les associations de parentalité féministe n’ont pas été conviées. 

Que pensez-vous de la politique familiale menée par Emmanuel Macron ?

En 2022, le budget de la branche famille de la Sécurité sociale a été amputé de 2 milliards d’euros. On a commencé sans financer le service public de la petite enfance, sans penser les congés parentaux… La question est aussi de savoir quels sont les moyens mis sur la table. 

Emmanuel Macron a aussi parlé de « réarmement démographique » pour évoquer la baisse de la natalité. Qu’en avez-vous pensé ?

C’est une formule inquiétante et inappropriée, qui a fait bondir à juste titre toutes les féministes. Ça fait aussi écho à un imaginaire très ancré à l’extrême droite. On voit monter depuis la mobilisation contre la réforme des retraites ce discours martial, belliqueux sur la natalité et ça nous inquiète. Là, on atteint une apogée de ce discours puisqu’il est repris au plus haut sommet de l’État. Déjà en septembre dernier, Aurore Bergé avait déclaré dans ses auditions parlementaires que la relance de la natalité était une de ses priorités. Nous avons alerté à plusieurs reprises le gouvernement sur la montée du discours nataliste qui vient alimenter ces imaginaires d’extrême droite. Il faut donc être très vigilant. 

Il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas faire du « en même temps » et les droits des femmes en font partie. Les droits reproductifs des femmes sont remis en cause partout en Europe, c’est un sujet sur lequel il faut de la vigilance. Et c’est vrai que, quand on a d’un côté une vraie avancée avec la constitutionnalisation de l’IVG, et de l’autre un discours qui vient recréer des injonctions pensant sur les femmes, cela interpelle. Les femmes ont le droit d’avoir autant d’enfants qu’elles le veulent, quand elles le veulent, ou pas d’enfant, sans qu’il y ait un contrôle de l’État sur ce sujet. 

Quels sont vos leviers d’action à l’association Parents & Féministes ? 

Tout un volet de nos actions sert à rompre l’isolement des parents, avec des groupes de parole, des séances de cinéma où les parents peuvent venir avec leurs enfants. Nous sommes aussi un groupe de lobbying pour interpeller les pouvoirs publics et œuvrer en faveur des congés parentaux et de l’allongement du congé paternité.


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

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