Il y a quelques semaines, je suis allée voir un film de Quentin Dupieux pour la première fois. Je commence ma critique comme ça, parce que chaque fois que je disais à quelqu’un « Je vais voir Réalité », il avait l’air de s’en foutre, alors je rajoutais « le nouveau film de Quentin Dupieux » et, tout de suite, ça faisait tilt. Alors voilà, il y a quelques semaines, je suis allée voir un film de Quentin Dupieux pour la première fois. C’était quelque chose.
Faut dire aussi que toutes les personnes qui ont vu ne serait-ce qu’un film de Quentin Dupieux semblent en avoir gardé un souvenir, soit super bon, soit à base d’incompréhension totale (et parfois les deux). Je les reconnaissais vachement bien, ceux qui avaient cette deuxième impression, parce qu’ils avaient les yeux tout ronds en me pitchant le film qu’ils avaient vu. Plusieurs fois, on m’a dit « j’étais allé-e voir Steak/Wrong/Wrong Cops et… j’sais pas, j’ai pas compris ». Alors parmi ceux-là il y a ceux qui ont aimé quand même, et ceux qui n’ont pas aimé.
Alain Chabat en train d’enregistrer une démo pour chanter le thème principal de La Reine des Neiges ? Qui sait.
Parce que la carrière de Quentin Dupieux est aussi prolifique que, disons, surprenante. Réalité est loin d’être son premier film. Avant ça, il a par exemple réalisé Wrong Cops, sorti en 2014, sur des flics corrompus, pourris et passablement fous. En 2012, c’était Wrong, qui démarre quand Dolph perd son chien. En 2010, boum, Rubber
, l’histoire d’un pneu qui tue des humains dans le désert et tombe amoureux d’une jeune femme.
Tous ces films ont un point commun : l’absurde. Mais c’est bien maîtrisé par le réalisateur et pro de la musique électronique, alors c’est bien.
Avant de partir pour Réalité, j’étais presque un peu angoissée. C’est un peu comme quand on regarde un film, qu’on sait qu’il va y avoir un coup de feu, et qu’on se raidit de peur de sursauter : on sait que, du coup, on va encore plus sursauter, mais on peut pas toujours s’en empêcher. Bah moi, l’idée d’aller voir un film où on me prévenait que j’allais froncer les sourcils sans rien comprendre, et que j’allais tellement rien comprendre que ça allait peut-être, d’une certaine façon, m’angoisser… ça m’angoissait. Y a de la peur dans l’absurde, parfois.
Je sais pas si, du coup, mon cerveau a décidé de lâcher totalement prise, mais en tout cas, y a un truc qui a marché : j’ai bien aimé. J’ai rien compris, parce qu’il n’y a pas de réponses à toutes les questions qu’on se pose dans Réalité, mais j’ai trouvé le film beau pour les yeux (dans de jolies teintes automnales, avec une maison luxueuse complètement dingue et de superbes plans), et surtout, j’ai ri.
Et depuis, j’ai cette même étincelle dans le regard.
Ok, alors maintenant, on va faire un marché : si tu es du genre à aimer lâcher prise quand tu regardes un film, si tu aimes l’absurde, si tu aimes l’humour noir, que tu préfères en savoir le moins possible pour être totalement surpris-e quand tu vas voir des oeuvres et que tu te fous de ne pas avoir de réponse à tes questions, on a qu’à dire que tu me fais confiance, que tu verras ce film un jour et qu’il vaut mieux que tu ne lises pas la suite de cet article.
Sinon (si t’as pas envie de voir Réalité ou si t’as envie d’en savoir un peu plus), tu peux rester, t’es le/la bienvenu-e. Enfile des chaussons à l’entrée et fais comme chez oit ma gueule.
Réalité, c’est, comment dire, l’histoire de Reality, une petite fille qui découvre une cassette VHS dans les viscères du sanglier que son père vient de tuer. Déterminée à découvrir ce qu’elle contient, l’enfant fera tout pour mettre la main dessus.
Mais Réalité, c’est aussi l’histoire de Jason (Alain Chabat), un caméraman qui rêve de réaliser son premier film d’horreur. Il présente son idée à Bob Marshall, un producteur (incarné par Jonathan Lambert), dans une scène qui reste ma deuxième préférée du film tout entier (la première n’a aucun sens, et je préfère que tu la découvres par toi-même) (en plus, peut-être que ta scène préférée à toi, ce sera pas la même : du coup, je garde toutes mes chances de gagner ton coeur, comme certains astrologues qui restent vagues pour que leur description convienne à tout le monde). Le riche personnage accepte de financer son film, à condition que Jason trouve le meilleur gémissement du cinéma d’horreur. Il a 48h pour s’exécuter.
Oh et puis Réalité, c’est aussi l’histoire de Dennis (Jon Heder, de Napoleon Dynamite), le présentateur d’une émission de télévision culinaire déguisé, pour des raisons qui échappent à tout le monde, en rat. Lui, son gros problème, c’est qu’il a une maladie de peau, mais seulement dans le cerveau. Peu pratique pour se gratter.
Autour de ces quelques intrigues gravitent des personnages plus ou moins ancrés dans la réalité (héhé), qui nous enfoncent soit un peu plus dans l’incompréhension, soit nous donnent des clés pour mieux piger l’intrigue.
Réalité, en fait, c’est une sorte de film choral où tu comprends assez vite qu’il y a quelques liens entre chaque histoire. Alors une fois n’est pas coutume, je mets la bande-annonce à la toute fin d’une revue de film. Celles et ceux parmi vous qui ne peuvent pas concevoir d’aller au cinéma sans un aperçu peuvent la regarder. Ceux et celles qui, au contraire, ont envie d’être surpris-es d’un bout à l’autre peuvent la passer.
Mais en tout cas, je peux te dire que ça m’a fait comme une séance de sport : j’y suis allée un peu à reculons, mais en sortant, je me sentais vachement mieux. En fait, ça fait du bien de lâcher un peu les rênes de son propre cerveau. Réalité sort le 18 février prochain ! N’hésite pas à venir nous dire ce que tu en as pensé.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Bravo Sophie pour le résumé que tu as réussi à faire du film, ce n'est pas un exercice simple !