Publié le 22 juin 2019 —
Après des heures de concentration intense, de stress, de doute… c’est bientôt l’heure. L’heure de passer ton permis !
Allez, monte et attache ta ceinture, je t’embarque pour un sacré ride : la fois où j’ai loupé le mien.
Pourquoi passer le permis ?
Quand mes collègues, la boulangère ou mes fans me demandent d’où je viens, je réponds que je suis lyonnaise.
C’est plus simple que d’expliquer que je viens d’un petit village de l’Est Lyonnais, qui malgré sa forte croissance reste surtout connu pour son jumelage avec Usingen en Allemagne… C’est dire.
Comme celui d’autres banlieusards, mon quotidien d’adolescente a donc été marqué par d’interminables moments à attendre le bus.
Pour aller en cours le matin, il y avait bien le Junior Direct mais il ne passait que très tôt et était immanquablement bondé de lycéens dans un état encore végétatif.
Que de beaux moments vécus, collée à la vitre ou contre l’aisselle d’un camarade…
Même combat quand l’idée me prenait d’aller en ville ! Chaque déplacement demandait un plan étudié avec soin, le bus ne passant qu’une fois par heure dans un sens et une fois par heure dans l’autre.
Armée d’une gourde, d’une boussole et d’une application TCL qui ne marchait que le 14 du mois, après avoir invoqué les dieux des transports et sacrifié une chèvre bleue à points vert, je comptais bien profiter À FOND de chaque sortie.
Je ne suis cependant pas la plus à plaindre : j’ai la chance d’avoir un daron qui se pliait au jeu du taxi aussi souvent que possible.
Évidemment, mon père ne pouvait pas être mon chauffeur perso à vie, et à un moment, pour son bien comme pour le mien, je me suis fait une raison : il fallait que je gagne en indépendance.
Et donc que je passe le permis.
Code en poche, j’ai entamé ce qui me semblait alors être la meilleure idée du monde, et s’est en fait révélé être un cauchemar… J’ai nommé : la conduite accompagnée.
La conduite accompagnée, cet enfer
Ma dernière aventure aux commandes d’un engin à moteur remontait à une colo vers mes 10-12 ans, et étrangement je me souvenais plus des chutes que de ce sentiment enivrant de liberté, chevauchant cheveux au vent la motocross bleu électrique.
J’étais déjà bof sereine à l’idée de repasser derrière un volant, et mes craintes ne sont pas allées en s’améliorant….
À 16-17 ans, pour débuter ce rodéo qu’est la conduite accompagnée, j’ai eu le choix entre :
- La voiture de mon père, énoooorme monospace familial qui me donnait à juste titre l’impression de conduire le Titanic.
- La voiture de ma mère, à tout moment prête à se faire refoule du contrôle technique. Effet pilote garanti avec un fauteuil conducteur qui ne connaissait qu’une seule position : horizontale.
En vrai, malgré leurs défauts, apprendre à conduire sur ces voitures aurait pu être plaisant (non c’est faux, l’embrayage de la deuxième c’était vraiment de la marde)… si ce n’avait été pour mes parents !
D’un côté, mon père, persuadé d’être le co-pilote du nouveau Sébastien Loeb, mais frustré de se retrouver à côté de mamie Louiselle :
— Mais vas-y lààààà t’as le teeeemps de passer, c’est pas vraaaaai !
De l’autre, ma mère, accrochée à la poignée au dessus de la fenêtre comme à sa vie, clairement pas habituée à se trouver du côté passager :
— T’es près du bord là, je t’assure, non mais t’es vraiment près !
Étant enfant de divorcés, mon enfer changeait régulièrement de visage mais ne connaissait pas de fin.
Je garde de la conduite accompagnée un très mauvais souvenir, mais je suis tout de même reconnaissante envers mes parents d’avoir pris le temps (et le risque…) de m’aider à passer le permis.
Même si, bon… ça n’a pas marché du premier coup.
Le permis, c’est pas pour aujourd’hui !
Après plusieurs mois de conduite accompagnée, et quelques heures en plus à l’auto-école de mon village, le grand jour est arrivé.
Une date a été posée, et je m’entraînais encore quelques fois vers le coin où j’allais passer le permis, histoire de bien connaître les pièges (I see you les rues à sens unique)… avant d’apprendre que je le passerai finalement de l’autre côté de Lyon.
Yay.
Déjà que je ne partais pas avec un mental de gagnante, la nouvelle m’a encore plus déstabilisée !
La seule chose qui me donnait un peu de confiance (connaître les lieux) volait soudainement en éclats et me laissait paumée.
Mais je ne venais pas de passer des mois de torture pour faire demi-tour à la dernière minute, j’ai donc décidé d’y aller quand même.
Le jour J mon moniteur me donne rendez-vous derrière un vieil immeuble de quartier, et je le retrouve en compagnie de l’examinateur. Ce dernier me briefe sur les outils d’évaluation, la durée, l’importance de la sécurité, blablabla… et c’est parti.
Vérifier que les retros sont en position : check.
Vérifier que le fauteuil est au bon niveau : check.
S’assurer que les passagers sont bien attachés : check.
Mains moites, j’enlève le frein à main et passe la première. Notre trio a le temps de rouler sur deux rues avant que le drame ne survienne.
Quand j’arrive sur un rond-point, l’examinateur me demande de prendre la troisième sortie. Sauf que plus je m’approche dudit rond-point et plus je sens qu’il y a un truc chelou
, un truc que j’ai jamais vu avant…
Un fucking stop. À l’intérieur. Du. Rond-point.
Pas une sortie, non non.
Un fucking stop de l’espace qui met mon cerveau sur off illico.
Le reste s’enchaîne très vite.
Je loupe la sortie, l’examinateur me demande d’une voix sèche « Mademoiselle qu’est-ce vous faites ?? », je pleure à l’intérieur, commence un deuxième tour dans le rond-point et fais… un refus de priorité.
Ou j’essaie tout du moins.
L’examinateur, très peu excité à l’idée que je percute un autre véhicule, met un énorme coup de frein, avant d’enclencher le frein à main, et de me passer un savon. Toujours au milieu du rond-point.
T’imagines bien : quand l’examinateur touche la pédale, c’est foutu !
Durée de l’examen : 2min27. Ça valait bien la peine, tiens.
L’avantage quand tu échoues si près du départ, c’est que le reste de la conduite se passe en toute zenitude.
J’avais beau me sentir comme la dernière des merdes, à m’être fait remonter les bretelles au milieu du rond-point, la pression s’était évaporée d’un coup. Plus besoin de stresser, puisque j’avais déjà échoué.
J’ai fini mon heure d’examen détendue de la moule, réussissant même mon rangement en épi.
Si le reste demeure un peu flou dans mon esprit, je me souviens du bon gros seum que j’ai ressenti en rentrant chez moi, et surtout de la déception et de la culpabilité.
Le permis ? J’abandonne
Tu me diras, rien de bien surprenant à avoir les boules, mais c’était le premier « gros » échec de ma vie. Le premier avec un minimum d’enjeu.
Ça me renvoyait aussi l’image de la meuf qui rate là où tous ses potes ont eu le permis du premier coup…
Fort heureusement, j’ai réagi de la façon la plus mature qui soit : j’ai fait l’autruche.
Bac en poche, je suis partie de Lyon et j’ai enterré le sujet « permis » vite fait, bien fait.
Quand mes parents abordaient le sujet, je trouvais toujours une excuse pour expliquer que repasser l’examen dans la ville où j’étais paraissait trop complexe.
« Non mais il y a plein de sens interdits ici, c’est trop compliqué de passer mon permis, et puis j’ai pas envie de me prendre la tête avec les papiers pour changer d’auto-école, je veux me concentrer sur mes études. »
LOL.
Quand je revenais sur Lyon, je conduisais de temps en temps avec mes parents, mais l’expérience demeurait toujours aussi déplaisante.
J’ai donc laissé tomber le projet pendant un long moment, le temps de digérer mon « échec ».
J’ai eu mon permis, c’est ma revanche sur la vie
Après mon diplôme, je suis revenue dans la capitale des Gones, bien décidée à le repasser ce fichu permis et surtout, à l’avoir ce coup-ci !
J’ai repris un bon paquet d’heures de conduite avec l’auto-école, jusqu’à ce que je me sente à l’aise et surtout, en confiance.
Il y a eu un déclic, que je n’explique qu’avec le temps qui passe et l’expérience accumulée, pour que je me sente enfin prête.
Plus détendue et plus sereine, j’ai bien mieux vécu ce deuxième examen, et même si j’ai commis quelques fautes (essayer de redémarrer sans avoir passé de vitesse mdr), je l’ai eu ce petit papier rose !
Avoir loupé mon permis, une bonne expérience
Aujourd’hui mon quotidien fait que je ne conduis pas énormément, mais je ne rechigne pas à prendre le volant quand il le faut.
Surtout que je me suis acheté un petit bolide : une vieille 106 de 98 cabossée par son ancienne propriétaire, que je n’ai du coup pas peur de rayer !
Quand je regarde en arrière, je me dis qu’avoir loupé mon permis était finalement la meilleure chose qui pouvait se passer la première fois.
Je n’étais pas prête, clairement : quand bien même je l’aurais obtenu, je ne me serai pas sentie à l’aise au volant.
À toutes celles qui s’apprêtent à passer le permis, je vous confie donc deux choses…
- C’est important d’être à l’aise et de se sentir prête. Il n’y a pas de honte à repousser la date de l’examen si tu ne le sens pas.
- Il n’y a pas de honte non plus si tu n’obtiens pas le permis du premier coup. Les échecs c’est important, tout comme le fait de ne pas les laisser nous définir. Les frimeurs frimeront, nous on aura une bonne histoire à raconter !
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