J’aime pas tellement le premier avril. J’aime bien, en soi, parce que c’est le début du printemps.
C’est aussi le premier jour du mois de mon anniversaire d’ailleurs (et j’aime beaucoup le mois de mon anniversaire, parce qu’il fait beau mais pas trop chaud, et parce que le jour de la fête, les gens sont gentils avec moi, que je vois tous les copains, toutes les copines et toute la famille, et que j’ai des cadeaux).
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Si j’aime pas tellement le premier avril, ça n’a rien à voir avec les hasards du calendrier. Si j’aime pas le premier avril, c’est parce que c’est le jour du poisson (que j’aime bien regarder et dont j’aime assez l’odeur et le goût, mais que je déteste en blague).
Moi courant après les poissons d’avril (pour leur casser la gueule)
Je me souviens de mon premier premier avril consciente : j’avais six ou sept ans, et on m’a dit que cette date était un chouia à part, parce qu’on se faisait des blagues.
Au début, j’ai eu du mal à comprendre : tout le monde pratiquait toutes sortes de démonstrations d’humour dans toutes mes instances de socialisation, quel que soit le jour de l’année. Pourquoi est-ce que c’était une journée différente, du coup ?
Pourquoi est-ce que le 1er avril était une journée différente ?
Alors on m’a expliqué le fameux poisson d’avril, cette plaisanterie ou canular qui, une fois découvert, se voit confirmé par un strident « poisson d’avriiiiiil » (ce qui est assez gonflant quand, par exemple, on vient de te faire croire que t’as une araignée sur le front et que tu t’es oublié•e en terme d’urine).
Pour les enfants, c’est encore plus simpliste : ils collent un poisson en papier dans le dos de leurs copains et ils ont l’impression d’être les rois de l’humour, SUPER, vingt sur vingt la subtilité.
Du coup, moi aussi, j’avais envie de me sentir comme la reine du lol, la déesse du bon mot. Et j’ai collé toute la journée (et même le lendemain) des poissons en papier dans le dos de tous ceux qui n’en avaient pas.
J’avais pas compris qu’il ne fallait pas que ceux à qui on colle le poisson sentent qu’on leur collait un truc dans le dos, et j’étais donc discrète comme un pet après un plat de lentilles, si tu vois ce que je veux dire (tu vois forcément ce que je veux dire, si tu as déjà mangé des lentilles).
J’étais donc discrète comme un pet après un plat de lentilles, si tu vois ce que je veux dire.
Donc c’était une blague NULLE mais en plus super mal gérée, et pourtant, tout le monde se forçait à rire, parce que j’étais une petite fille et qu’on manque cruellement de sincérité avec les enfants.
Aujourd’hui, maintenant que je suis adulte, c’est plus pareil, et quand je fais une mauvaise blague, ou que je la fais mal, j’ai souvent droit à des réactions troublantes, que j’ai su décrypter.
Désormais, je sais ce que signifie le visage de mon interlocuteur•trice. Et savoir, ça rend plus fort. Je partage donc mes connaissances en la matière avec toi, pour qu’à la sensation terrible d’avoir raté ta vanne, tu n’ajoutes plus jamais l’incertitude que l’autre ne l’ait pas entendue, ou l’ait mal prise.
La réaction « C’est pas le moment »
Parfois, ce n’est pas nécessairement la blague qui est mauvaise, ou mal prononcée. Tu l’as peut-être tout simplement faite au mauvais moment. L’avantage, c’est qu’une fois que tu as identifié que c’est là qu’est le problème, tu pourras tout à fait la refaire à quelqu’un d’autre, dans d’autres conditions, avec davantage de succès.
- Comment l’identifier ?
Selon moi, c’est l’une des plus simples à reconnaître, puisque du froncement de sourcils au soupir exaspéré de l’individu, tout dans son langage corporel sent l’agacement à plein nez.
- Comment faire en sorte que ça n’arrive plus ?
Ne pas tenter de faire des plaisanteries à quelqu’un quand…
- la personne est malade
- elle est au téléphone pour des raisons importantes
- elle essaie de faire un créneau
- tu es en train de rompre avec elle
- elle est sur le point de décéder et aimerait dire adieu à sa famille plutôt que de t’écouter faire des « Toc toc qui est là ? »
- elle vient de dire « Putain j’suis tellement de mauvaise humeur, c’est pas le moment de m’emmerder avec des conneries ».
Simulation de blague faite au mauvais moment qui dégénère quelque peu.
La réaction type « Je vais faire comme si j’avais rien entendu »
Quand le timing n’est pas bon du tout, ou qu’on vient de faire une plaisanterie pas au top en terme de qualité, on peut recevoir en guise de réaction une expression qui dit :
« Je vais faire comme si j’avais rien entendu, hein, ça vaut mieux pour tout le monde ».
La personne en face, plutôt que de te mettre mal à l’aise en riant de façon forcée ou en te jugeant, préfère changer de sujet, comme si les quelques secondes qui venaient de s’écouler n’avaient jamais, jamais eu lieu. Jamais.
- Comment identifier cette réaction ?
Il est impératif de savoir identifier cette réaction, car le risque est grand de penser que l’interlocuteur n’a pas entendu la blague pour de vrai et de la lui dire une nouvelle fois, multipliant la gêne par douze.
Pour faire la différence entre « Je fais semblant de ne pas avoir entendu ta blague » et « Je n’ai pas entendu ta blague », c’est tout simple.
Dis-toi que, s’il ne t’avait pas entendu•e, l’individu en face de toi t’aurait dans de nombreux cas de figure au moins vu bouger les lèvres et aurait compris que tu étais en train de parler, te demandant alors de répéter.
S’il ne te dit pas « Quoi ? » ou « J’ai pas entendu » ou « Tu peux répéter, je mangeais des chips en même temps et j’ai pas compris ce que tu disais » et change simplement de sujet, suis-le. C’est peut-être bien un service qu’il te rend.
Mon interlocuteur si je répète la blague qu’il a fait semblant de ne pas avoir entendu.
La réaction type « J’essaie de sourire mais ne le peux pas tellement »
Ça part d’une bonne intention, mais ça fait souvent plus de mal que de bien : l’individu à qui on a fait la blague commence à sourire pour ne pas nous laisser dans un puissant moment de solitude, mais ne peut aller jusqu’au bout de son geste, terrassé par la culpabilité du mensonge.
On se retrouve alors avec une tête des plus gênées et des plus gênantes (à faire comme à recevoir).
- Comment identifier cette réaction ?
Le regard mi-méprisant mi-désolé mi-paniqué mi-faussement amusé (ça fait quatre mi, j’sais bien) associé à une bouche droite, façon émoticône neutral face.
J’suis malgré moi la pro de cette réaction, du coup, voici un exemple plus concret.
La réaction type « Je trouve cette blague d’un goût douteux »
Qu’elle soit jugée offensante ou blessante, cette blague ne fait pas rire ton interlocuteur (eh oui, ça peut arriver même en étant très vigilant). C’est facile à reconnaître quand il le dit :
« Je ris pas, parce que je trouve ta blague vraiment limite. »
Voire :
« Ta blague là, elle me blesse carrément. »
Mais c’est vite pardonné si, en retour, on s’excuse (et qu’on ne se cherche pas des excuses pour l’avoir faite).
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La réaction type « J’ai pas la ref’ »
Tiens, ça m’est encore arrivé hier avec Juliette Von Geschenk quand, au concert des Naive New Beaters, on a joué à « Simon Jérémi » avec des ballons de baudruche.
Je m’explique, parce que présenté comme ça, c’est pas clair : Simon Jérémi est le personnage joué par Dominique Farrugia dans La Cité de la peur. Il est adulte, mais est escorté par une hôtesse de l’air quand il prend l’avion, parce qu’on sait jamais. L’hôtesse lui donne un ballon de baudruche, car pourquoi pas.
Le premier plan de Simon Jérémi, c’est lui dans l’escalator, avec son ballon dans une main et son grand sourire dans l’autre, ah non.
Il dit au revoir à l’hôtesse de l’air, Sylvie, et salue Odile Deray et Serge Karamazov en leur serrant la main de la main avec laquelle il tient le ballon, du coup ça fait bouger ce dernier de façon énergique et ridicule et… oh bordel, c’est dur à expliquer, mais qu’est-ce que c’est drôle.
Comme Juliette et moi sommes fans de ce film pour le moins culte, et qu’il y avait des ballons partout dans la salle, on s’est serré la main façon Simon Jérémi une bonne trentaine de fois, en jouant à tour de rôle la porteuse de ballon et en riant très fort.
Sauf qu’autour de nous, nombreuses étaient les personnes qui n’avaient pas la référence et… ça se voyait.
- Comment identifier cette réaction ?
C’est ici à la fois plus simple et beaucoup plus difficile, puisque tout le monde ne réagit pas de la même façon au fait de ne pas saisir le sens de la blague.
Il y a celles et ceux, notamment, qui :
- décident que s’ils ne la comprennent pas, c’est qu’elle est nulle, et te mépriseront
- te demandent le sens de cette blague
- se marrent parce que ça les fait marrer, quand même, les gens qui rigolent
- font comme s’ils n’avaient rien entendu, en étant mal à l’aise
- disent « malaiiiiiise », ce qui met mal à l’aise ceux qui étaient encore à l’aise jusque là
- sont premier degré et te demandent si tout va bien.
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Écoute, tant que toi, tu t’amuses, j’ai envie de dire, quand y’a de la gêne, y’a pas de plaisir.
Voilà ! Grâce à moi, tu ne feras peut-être pas moins de blagues ratées (perso, j’en fais dix ou onze par jour), mais tu sauras au moins pourquoi.
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