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Le rassemblement de Vincennes – La présidentielle 2012 vue du terrain

Après Villepinte, la Bastille et le Zénith Orange, l’étape suivante de mon pèlerinage citoyen était logiquement l’esplanade du Château de Vincennes, où François Hollande avait appelé au rassemblement, dimanche 15 avril.

Mon expérience à ce meeting sera forcément différente de celle des précédents : je n’ai plus le frisson de la nouveauté. En trois grand-messes de candidats, me voilà déjà devenue “une habituée” de ces marées humaines. La semaine dernière, dans la presse et notamment sur les plateaux de télévision – égalité du temps de parole oblige – on parlait de la campagne sans parler des candidats (sinon c’est trop compliqué). Et le sujet phare était le taux d’abstention, estimé autour de 30% pour les enquêtes d’opinions les plus pessimistes. Chacun commentant “le désintérêt” supposé des citoyens pour la politique, seule explication tangible d’un rejet aussi massif…

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Je me demande si ces commentateurs avisés ont mis le nez dehors, ce week-end. Il faisait un froid scandaleux pour un dimanche d’avril. Et pourtant, des dizaines de milliers de personnes sont venus, de Paris, d’Île de France, certains même de province, se réunir à Vincennes ou à la Concorde pour assister à un événement politique. Il n’y avait pas de sièges à Vincennes, un détail ? Passer deux heures debout dans un froid que même cette foule compacte ne parvient pas à modérer, voilà qui requiert un “intérêt” pour la chose politique autrement plus poussé qu’aller glisser un bulletin dans l’urne une fois tous les 5 ans, en guise de promenade digestive après un bon repas dominical. Filant toujours la métaphore marine, le “candidat-capitaine” avait également déclaré cette même semaine sentir monter “une vague” (en sa faveur).

Autre candidat, autre ambiance. Un flot continu se presse aux devants de la scène. Un groupe créole réchauffe l’atmosphère, les mains et les cordes vocales des courageux venus défier les vents glaçants. On se dégourdit les jambes au son de ces notes chaleureuses. Lorsque Najat Vallaud-Belkacem et Aurélie Filipetti, “hosts” de ce live-show démesuré, annoncent “plus de 100 000 personnes !”, mes voisins directs ont doucement rigolé. Nombreux nous l’étions, mais 100 000… à 14 heures, non ! La scène en rajoute alors une couche “et nous en attendons 200 000 autres !”. Tout va bien, c’était une blague ! On peut être sérieux sans nécessairement se prendre au sérieux… Mine de rien, par cette exagération ironique, c’était comme si la Team PS nous informait de son refus de se lancer dans une guerre des chiffres stérile. (NDLR : grand bien leur en a pris, tant cette inévitable joute a tourné au ridicule). Ce n’est pas le nombre de présents sur l’esplanade aujourd’hui ni le nombre de points d’écarts dans les courbes des sondages qui feront la différence : c’est le vote. Uniquement.

Succédant à Bertrand Delanoë et à la projection de son clip de campagne, François Hollande fait son entrée sur scène, entraîné par la foule enthousiaste, au son des applaudissements, des “François, Président !” et de la musique “Le changement, c’est maintenant !”. Aux premiers rangs, les militants exultent.

En un peu moins d’une heure de discours, le candidat aura mis en garde contre le triomphalisme prématuré, adressé un message aux abstentionnistes et aux protestataires “de gauche” tout en réaffirmant ses valeurs, ses convictions et sa conception du pouvoir.

Résumé en extraits Au premier rang des “obstacles” qui se dressent sur le chemin de la victoire, François Hollande cite l’abstention, nourrie par “le fatalisme, la résignation et le découragement”. En second lieu, la dispersion des voix de la gauche : si la diversité est un de ses atouts, la dispersion de ses voix a provoqué sa perte en 2002 tandis que le rassemblement lui avait permis de porter le premier – et le seul de la Vème République – Président socialiste à l’Élysée. Il cite François Mitterrand en 1981, “il y a exactement 31 ans, jour pour jour, à la veille lui aussi d’un premier tour”, lorsqu’il déclare : “Candidat des socialistes, je suis aussi le seul candidat de Gauche qui soit en mesure de l’emporter. Et je serai fort dans le scrutin du premier tour pour permettre de conduire le changement. Et c’est pourquoi je demande – disait François Mitterrand – à ceux qui veulent le changement, à ceux qui veulent une autre politique – et disait-il lui aussi à cette époque – un autre président, de me donner, dès le premier tour, tous les moyens de gagner l’élection présidentielle”.

Tandis qu’à quelques kilomètres, le “candidat sortant” termine son discours place de la Concorde, François Hollande, précis et incisif, répond aux attaques portées par son concurrent :

“Nous avons aussi à conjurer les peurs. La Droite les agite, faute de pouvoir elle-même susciter l’adhésion. Peur de l’étranger, peur de l’assisté, peur de l’impôt, peur du désordre, peur des marchés et même peur de la Gauche.”

“[La Droite] coalise les craintes. Elle agite les spectres. Elle attise les fantasmes. Le candidat sortant connaît sans doute la difficulté de sa situation. Il doit en être informé. Alors il n’est pas regardant sur les arguments susceptibles d’effrayer les Français. Il a prétendu que j’allais régulariser tous les sans-papiers. C’est faux. Augmenter tous les prélèvements. Ça, c’est lui : il l’a fait pendant cinq ans !” Le public réagit, rires et applaudissement secouent l’assistance.

“Oui, après avoir asséné tant de contrevérités et avoir menacé le pays de tant de cataclysmes ou de catastrophes, le voilà qui annonce maintenant que la perspective de notre victoire – souhaitons-la – affolerait les marchés. Pour l’instant il n’y a que lui qui s’affole [éclats de rire dans la foule]. Les marchés, eux, restent impassibles. Il veut les réveiller. Curieuse conception de la responsabilité pour un président : appeler la spéculation à l’aide pour empêcher l’alternance ! Il n’y parviendra pas car le peuple français a toujours le choix. C’est lui qui décide. Il est libre. Il est souverain. Et en appeler à la peur, c’est déjà battre en retraite. Et le voilà maintenant engagé dans une ultime manœuvre. Il convoque la majorité silencieuse à sa rescousse. Celle des travailleurs contre les chômeurs, des ouvriers contre les assistés, des Français contre les étrangers, la province contre Paris, les ruraux contre les banlieues, les sans-voix contre les élites. Mais cette France, toute cette France, ici, elle est rassemblée, elle est réunie, elle n’est pas divisée.”

Si les militants sont enthousiastes – leur champion est donné vainqueur par tous les sondages, le “présumé gagnant” profite de ce rassemblement pour adresser une mise en garde sans équivoque à son propre camp : qu’il évite tout triomphalisme. Rien n’est encore joué :

“Mais parmi les embûches encore qui sont devant nous, d’ici le premier tour et même pour le second, nous avons aussi à nous méfier de nous-mêmes, repousser l’anesthésiante euphorie, celle qui voudrait que nous ayons gagné avant que le premier bulletin de vote n’ait été glissé dans l’urne. Cette anesthésie qui confond sondages et élections, prédictions et scrutins, pronostics et résultats. Alors nous aurions perdu la mémoire ? Nous n’avons pas assez payé le prix de ces illusions pour y succomber de nouveau ? Ne nous laissons pas engourdir par les fausses évidences, les coupables servitudes, ou même les tentations des plus empressés de se partager des postes, alors que c’est le peuple français qui nous donnera la responsabilité du pays.

Non, une victoire, elle ne se proclame jamais. Elle se mérite ; elle se conquiert ; elle s’arrache. Et c’est notre tâche, la mienne et la vôtre.”

L’enjeu, c’est l’égalité

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François Hollande ne se revendique pas porte-drapeau de l’anti-sarkozysme, mais porte-flamme des espoirs de changement. Ses 60 engagements présentés lors du discours du Bourget constituent le fondement d’une société rassemblée autour des valeurs de justice, de solidarité mais avant tout d’égalité : “l’âme de la République”. Égalité devant l’impôt, la protection sociale et la santé, dans l’accès à la retraite, égalité entre les hommes et les femmes et contre toutes les discriminations :

“Nous lutterons contre toutes les discriminations : discriminations à l’embauche quand on vient de certains quartiers, discriminations qui frappent aussi les personnes handicapées. Et nous lutterons aussi contre toutes les discriminations par rapport à l’orientation sexuelle. Ce sera le droit au mariage pour tous ! Voilà l’esprit d’égalité.”

Et de conclure par sa conception de la Présidence de la République ; je passe sur l’idéal de justice et de responsabilité pour vous proposer une dernière citation :

“Être président de la République, c’est réunir la Nation autour d’une cause essentielle qui nous dépasse, qui nous élève. Cette cause-là, je l’ai appelée le rêve français, cette possibilité donnée à chaque génération de vivre mieux que la précédente. Eh bien quand un peuple partage un rêve, quand chacun s’associe à cette espérance, alors je vous le dis : l’espérance est crédible et le rêve est possible.

Être Président, c’est donner confiance aux Français. Être Président, c’est fixer la direction, mettre la société en mouvement. Être Président, c’est respecter les citoyens, leurs représentants, leurs corps intermédiaires, les élus de la République, les syndicats, les associations, les militants de plein de causes, les organisations gouvernementales. Bref, c’est être capable de comprendre que le pouvoir ne se conduit pas tout seul, mais se partage – sinon c’est une impuissance doublée d’une intolérance.”

J’ai découvert à Vincennes un candidat auquel les lumières blafardes des studios de France Télévision n’ont pas rendu justice. Ce dimanche, surplombant cette marée humaine, contre les vents qui fouettaient la scène, j’ai découvert un homme de conviction. Impassible aux sursauts de l’actualité qui ont agité la campagne, il maintient la ligne qu’il avait présentée trois mois plutôt, réaffirmant sa volonté, ses valeurs, son engagement. Le temps d’un discours, je me suis prise à rêver de cette société de justice et d’égalité qu’il nous a dépeinte. Je ne sais pas si nous étions 50 ou 100 000 personnes réunies devant lui, et peu importe : nous avons partagé les mêmes silences fervents, les mêmes salves applaudissements approbateurs, les mêmes éclats de rire. Le même espoir, sans doute.

Pendant le discours, une gigantesque écharpe tricolore a flotté sur la foule. Voir ce patchwork d’individualités, tous les âges et toutes les couleurs de la société française, cette France “arc-en-ciel” rassemblée sous le symbole de la République : c’était incontestablement l’image de cette journée.

>> Retrouvez l’intégralité du discours prononcé par François Hollande à Vincennes, dimanche 15 avril


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

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Avatar de Pantoufle
19 avril 2012 à 01h04
Pantoufle
Cependant, il y a un truc qui m'a frappée : le discours d'Hollande est beaucoup plus dans le "nous" que dans le "je".Il est dans une posture de rassemblement, il se met très peu en avant, et c'est ce qui lui a valu les accusations d'être trop effacé, pas assez "présidentiable"... Et je trouve que cette mise en retrait serait bienvenue après cinq ans d'hyperprésidence. Là où les autres voient de la mollesse, je vois de la sérénité. Alors certes, il est moins bon pour galvaniser les foules que celui de la Concorde ; mais pour compenser, il sera sans doute plus dans l'action que dans la parole.
(just my opinion !)


Pendant les primaires et juste après j'avais au contraire trouvé qu'il était beaucoup trop dans le "je", et aussi dans l'assurance "quand je serai président", je trouvais ça très désagréable. En cours de com' politique on en avait parlé et tout le monde avait trouvé ça bof, et ma prof trouvait que c'était une mauvaise stratégie.
Je pense que ses conseillers ont changé de tactique et sont passés au "nous" et au conditionnel. Je préfère également.
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