1. Le plébiscite south : A$AP Rocky
Il est jeune et répond aux caractéristiques de l’idéal-type du rappeur : un prénom clin d’oeil (Rakim – comme celui du duo Eric B. & Rakim), un background éloquent (père en prison pour trafic de drogue, grand frère assassiné – autant d’événéments qui l’ont poussé à « reconsidérer la place du hip hop dans sa vie ») et l’amour de la rime depuis son plus jeune âge.
Asap Rocky s’est fait connaître cette année avec « Purple Swag », un morceau qui lui a valu la signature d’un contrat de 3 millions de dollars avec Sony.
Un morceau efficace qui a réussi le pari risqué de séduire les amateurs de hip hop malgré les lignes de rupture classiques (puristes / newcomers, East / West) du genre.
2. L’ancien vilain petit canard : Orelsan
En 2009, Valérie Létard, les associations féministes et plein d’autres gens en France avaient pour cible principale Orelsan. Avec son morceau intitulé Sale Pute et ses promesses de « déboiter la machoire » et « faire avorter à l’opinel » son ex, le rappeur caennais s’était attiré les foudres de l’opinion publique. Mais le grondement du public est aussi multi-directionnel qu’une girouette puisque cette année, Orelsan a déjà réussi à se racheter une réputation.
Avec Le Chant des Sirènes, certifié disque d’or en France, l’ex mal aimé du rap français revient en fanfare et est encensé de toute part.
Résultat : je me sens super seule au monde à trouver qu’il a une voix de simplet et que Suicide Social est un morceau d’engagé du dimanche nourri au marketing*.
*à mon sens, Suicide Social relève plus du buzz calibré que du vrai pavé dans la mare. Pour du vrai rap conscient, voir : La Rumeur, IAM, Rocé, Ideal J, etc. Mais comme il faut de tout pour faire un monde une rédac, sachez que Jack Parker a été interviewer Orelsan (et aime beaucoup ce qu’il fait).
3. Le crew français : 1995
Saïan Supa Crew, NTM, IAM, Ministère A.M.E.R., 113, Scred Connexion, les X-Men, les Sages Poètes de la Rue… Ces groupes ont tous concouru à l’image « crew et famille » du rap. Depuis le foisonnement des carrières individuelles, la dynamique de groupe s’est un peu effritée. En faisant le buzz, 1995 a remis le concept du « rap en équipe » au goût du jour.
5 rappeurs et un DJ parisiens, c’est donc 1995 – des jeunes de 20 ans à tout casser, qui, entre les battle de rap (Rap Contenders) et les clips publiés sur YouTube, ont réussi à se frayer un chemin sur la scène nationale.
Aujourd’hui, qu’on les trouve cool et plein d’avenir ou qu’on les utilise comme preuve que « le rap c’était mieux avant » (ou pire « le rap, c’était mieux avant 1995 ») – ils semblent avoir encore de beaux jours devant eux.
4. Le mec cool : Tyler, The Creator
Il paraît qu’il a été arrêté y’a deux jours pour vandalisme. On espère qu’il ne va pas nous faire une Earl Sweatshirt*.
Depuis l’avènement de la clique OFWGKTA (pour Odd Future Wolf Gang Kill Them All), Tyler est devenu l’ado attardé le plus cool de la planète. Mi- bouille de gendre sympa, mi-petite teigne qui passe ses journées en skate, Tyler a très vite su s’imposer comme la caution jeune et indie du rap.
* son camarade de jeu dans Odd Future, incarcéré dans un centre de redressement pour jeunes et dont les fans peinent à avoir des nouvelles.
Un peu comme Pharrell à sa façon, Tyler est un bon exemple de personal branding dans le rap. Ses tenues vestimentaires (casquette Supreme, chemises fleuries, baggy) participent de l’univers « jeunesse oisive de Los Angeles ». Cette image de jeunesse indolente est mise à mal dans une utilisation extrême d’un langage ordurier et d’une esthétique trash – la jeunesse est perdue, vive YouTube, le skate et la drogue. C’est ce que Odd Future clame, mi-ironique, mi-désoeuvré.
Mais Tyler ne fait pas l’unanimité : ses provocations sont loin de conquérir tout le monde. Si « Kill people burn shit fuck school » (l’adage du groupe) n’a pas exactement la même résonance politique que « Fight the power », reste que Tyler se défend de toute misogynie (notamment sur le morceau Blow*) en expliquant que la désinvolture du groupe est imagée et sert surtout à bousculer l’opinion publique dans ce qu’il attend de la culture afro-américaine.
* « You call this shit kids, well I call these kids cum And you call this shit rape but I think that rape’s fun »
Un syllogisme, puisque dans ce cas précis, « rape » (viol) est censé renvoyer à « kids » (enfants), se défend le rappeur. Ce qui n’est pas sans déplaire quand même à certains, pour qui ces provocations anarchisantes (« tuons et violons tout le monde ») sont plus que limites.
5. La bombe : Nicki Minaj
Qui a dit que le hip hop aurait à se contenter de Queen Latifah, E.V.E, Missy Elliott et autres Foxy Brown ?
Billboard l’a nommé « star montante de l’année 2011 ». Nicki Minaj ne joue pas le credo de la rappeuse des blocks, ni celui de la femme grande gueule. Elle incarne un personnage distancé, volontairement décalé, presque clownesque.
Son flow (tantôt accéléré, tantôt flirtant presque avec les sonorités pop) est un savant mélange de gorges raclées et de dissonances assumées. La force de Nicki Minaj ? S’être émancipé de Lil Wayne, et avoir pénétré la cour des grands en amenant avec elle son propre paradigme (son univers et ses codes) sans chercher à singer ses aînées.
6. Le clip : Pharoahe Monch
Son dernier album, W.A.R. (We Are Renagades) est sorti en mars 2010.
2011 a été une bonne année pour le rappeur qui tient son blase de son surnom au collège (Monch, pour Chimpanzé, à cause d’une coupe de cheveux ratée qui lui a valu les railleries de ses camarades de classe). Pharoahe Monch, surtout connu pour son morceau Simon Says, a fait le buzz en sortant un court-métrage de 10 minutes en guise de clip de Clap, son morceau qui pointe du doigt les dérives policières et le concept de « mort sur la conscience ».
Des images qui font office de commentaire social, et qui n’ont pas manqué d’être saluées par le public.
7. La petite blanche : Kreayshawn
Elle ne fait qu’une bouchée des
basic bitches et des rich whores. Pour cette nouvelle parvenue du rap, la ségrégation est plus sociale que raciale. Ne pouvant jouer la carte de la couleur de peau (elle est « blanche » dans une culture fortement liée à la communauté afro-américaine), Kreashawn est plutôt du genre à tabler sur la lutte des classes.
Celle qui se décrit comme une « rap beast » et une « pot smoker » (bête de rap et fumeuse de chons) a aussi l’avantage de la connivence avec Odd Future (lire Tyler, The Creator plus haut). Son clip pour Gucci Gucci a généré plus de 3 millions de vue en 3 semaines à peine.
Gif Tumblr sur pattes (est-elle au rap ce que beaucoup accusent Lana Del Rey d’être à la pop : une construction marketing éphémère) ou vrai talent ? Attendons voir ce que 2012 réserve à Kreayshawn. Peut-être un autre diss avec Rick Ross (elle l’avait qualifié de « fake » cette année) ou avec The Game (dans Uncle Otis, en réponse à Otis de Jay Z et Kanye West, le rappeur avait reproché à Kreayshawn l’usage du mot « nigga » et son appropriation de la culture noire-américaine) ?
8. L’élévation : Drake
À part Jimmy Brooks dans Degrassi, qui a été Drake pendant de longues années ? Un acteur, qui a aussi fait une apparition dans le clip de Kid Cudi feat. MGMT et Ratatat. Rien de plus.
Depuis 2009, année où il signe officiellement sur le label de Lil’ Wayne, le rappeur-chanteur enchaîne les collaborations et accroît sa visibilité. En 2010, il est même élu rappeur le plus gentil (best nice-face) par le quotidien du Wyoming : » Rap and people ».
De sa tête d’ailleurs, parlons-en : elle est, à mon sens, l’illustration parfaite de la force du « charme ». Car sérieusement, d’où vient le fait que tant de femmes le trouvent sexy ? Drake a surtout une tête d’ahuri, mais depuis la musique, son aura sexuelle est au top.
https://www.youtube.com/watch?v=N-OMhv8BwnU
9. L’association de malfaiteurs : Jay-Z / Kanye West
Ils nagent dans l’argent et en sont au stade irréversible du « succès assuré quoiqu’ils fassent ». Alors imaginez-les à deux. Jay-Z et Kanye West sont vraisemblablement le duo de l’année (comprendre par là « le plus capitalistiquement viable »). D’ailleurs, ils hésitent même à remettre le couvert (avec un Watch The Throne 2).
En hommage à Otis Redding, leur chanson éponyme (dont le clip a été réalisé par Spike Jonze – bon réalisateur mais qui semble s’essouffler depuis son clip des Beastie Boys) a été autant acclamée que moquée. En effet, le morceau remet la fierté noire au goût du jour, mais de façon « trop bourgeoise » selon certains détracteurs qui regrettent que les lyrics soient entièrement basées sur de l’ego trip tournant autour de l’étalage de leurs fortunes.
(voir Kreayshawn plus haut) The Game a répondu aux deux pointures par « Uncle Otis », un morceau dans lequel il diss principalement Jay-Z. Les paroles sont drôles, dommage que le morceau soit si mauvais.
10. Le nouvel espoir : Azealia Banks
Vous avez été nombreuses à l’acclamer quand on vous en a parlé ici. Azealia Banks, petite bouille tout droit sortie de Harlem, est la petite étoile qui monte de cette fin d’année. Déboussolés, les critiques se bousculent pour la comparer à une nouvelle Nicki Minaj ou à une petite M.I.A.
M’est d’avis qu’il vaut mieux ne pas l’enfermer tout de suite dans une case étriquée. Ce que l’on peut dire en tout cas, c’est qu’Azealia a la langue qui tournoie plus vite que son flow et une vraie puissance vocale (qui me fait penser qu’elle serait aussi une très bonne chanteuse de soul).
Azealia Banks, la petite protégée de Diplo, vient d’être classée numéro 1 dans le top 10 NME des personnes les plus cool de l’année (Lana Del Rey est en 6e position). À suivre.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
J'adore cette chanson, aux sonorités old school http://www.youtube.com/watch?v=ci3urDQ2Ph8
Sinon et bien, depuis le 4 ème album de Kanye West, 808s & heartbreak, j'aime de moins en moins ce qu'il fait et ce qu'il dégage. Il pue le capitalisme et franchement, ça me désole car ses premiers albums sont des bombes et annonçaient des morceaux plus prometteurs pour la suite. Cela dit je l'ai vu en concert à Bercy et rien à dire, il est énorme ce petit Kanye.
Mais je regrette vraiment son petit duo de gros bourgeois NYorkais (bien que j'ai aimé Otis). J'aimais beaucoup ces artistes, mais avant ils avaient d'avantage le petit truc en plus. Comme cela a été dit l'article, ils ont maintenant la garanti de faire du bénef avec tout ce qu'ils produiront...
Et enfin Azealia Banks je dis OUI, OUI, OUI! Elle est so fresh !