Parler de lui, c’est aussi l’occasion de parler du net.art (prononcez net dot art), ce terme inventé en 1995 pour désigner l’ensemble des « pratiques artistiques sur la toile ». Attention : pas stricto sensu toutes celles qui sont exposées sur le web – mais celles qui sont conçues par, pour et avec Internet. Oeuvres interactives qui s’éloignent des formes traditionnelles de l’art tel qu’on le conçoit dans les musées, ces créations net-art interactives font d’Internet à la fois un outil, un support et un public.
Rafaël Rozendaal est un artiste numérique, peut-être le plus célèbre de sa génération. Le jeune hollandais met en ligne depuis 10 ans maintenant des sites-objets. Ludiques, esthétiques, colorés, ces sites sont à envisager comme des créations artistiques à part entière. D’ailleurs, comme un tableau ou une sculpture le serait, ces sites-objets peuvent être achetés (à une seule condition : qu’ils restent en ligne).
Crée en 2001, www.whitetrash.nl est la première de ses oeuvres. Elle propose à l’internaute de jouer avec le visage de l’artiste en lui ajoutant pêle-mêle des attributs physiques maladroitement gribouillés.
« Sur Internet, royaume du copie-collé et de la gratuité, les noms de domaine sont l’exception qui confirment la règle : ils sont uniques et commercialisés. Leur rareté fait leur valeur, c’est ainsi que RR envisage de décliner certains sites en .com, .org et .net afin de pouvoir les vendre à de plus nombreux amateurs », commente le magazine en ligne de la Gaîté Lyrique qui lui consacre aujourd’hui un post. Internet, réalité omniprésente dans notre XXIe siècle, est effectivement la base, l’inspiration et la raison d’être de son travail. Au point que l’artiste n’a pas hésité à se faire tatouer le mot sacré sur les lèvres.
Parce qu’elles sont hébergées sur Internet, les oeuvres de Rafaël Rozendaal sont impalpables. Sont-elles irréelles pour autant ? Non, puisqu’elles bénéficient d’une étrange temporalité et d’une accessibilité élargie (il suffit de cliquer sur l’url). Elles se jouent du paradigme Internet, tout en lui étant asservies. Elles se servent de l’univers du web (ses outils, son support, sa contemporanéité) pour créer de nouveaux univers; d’autres univers – drôles, jovials, absurdes. Peut-on parler de paraweb ou de d’art web dans la réalité web ? Un peu des deux, très probablement. Internet la grande toile utilitariste et utilitaire devient alors Internet la belle, l’intrigante, la contemplative. L’inutile. Mais le beau est-il inutile ? Je vois vos neurones les plus philosophes s’activer.
Pour se faire une idée, le mieux reste de parcourir la galerie fictive des oeuvres de Rafaël Rozendaal : son labyrinthe de couleurs sans fin, son téléphone indécrochable, son amas de pierres infinies, son caillou jeté dans un trou noir, sa perpétuelle marée haute… Dans toute l’oeuvre du jeune homme, les couleurs invitent aussi bien à la folie épileptique qu’à la lenteur de l’envoûtement.
Chose sûre : Rafaël Rozendaal ne s’interdit pas l’absurde – à l’image de cette oeuvre présentant un inépuisable rouleau de papier toilette, cette autre mettant en scène un interrupteur qui n’allume rien ou encore cette dernière, page html composée de 3 vidéos YouTube qui, lancées en même temps, offre la vue d’une cigarette qui se consume.
« Fétichiste des url » (comme il se décrit lui-même), l’artiste (dont le grand père n’est autre que Humberto de Alencar Castelo Branco, président du Brésil de 1964 à 1967) fait de chacune de ses pages web uniques, une création minimaliste et percutante. Des toiles sur la toile.
« Sur Internet, l’artiste n’a ni boss ni intermédiaire. Il n’y a pas de structures institutionnelles, pas de publisher; personne entre l’artiste et le public. Cette anarchie permet un environnement spontané dans lequel d’étranges choses peuvent survenir. C’est ce que j’apprécie : l’inattendu et l’irrationnel », écrit Rafaël sur son site.
Eh bien si Internet n’a pas de fin (au sens de « but » comme au sens de « mort »), telle est peut-être l’oeuvre de Rafaël Ronzendaal.
Visitez site de Rafaël Ronzendaal en cliquant ici.
Pour aller plus loin sur le sujet
> La galerie Net Art du LAM, musée d’art moderne de Lille
> « De la collection du Net Art à sa patrimonialisation », un mémoire de Laurent Genest
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