Ils se sont plaints de commentaires injurieux faisant suite à un article traitant de la mort d’un réfugié aux alentours de la jungle de Calais. L’article est intitulé Coup de gueule : se réjouir sur Facebook de la mort d’un migrant, c’est honteux, inhumain et illégal.
Une telle publication est intéressante, pour plusieurs raisons. Déjà parce que les sites de France 3 sont assez normalisés, et ne sont pas coutumiers de ce type d’articles écrits à chaud. Ce sont généralement des papiers très factuels, reprenant souvent les informations récupérées dans les vidéos de la chaîne. D’ailleurs les articles ne sont même pas signés, ce qui montre bien que le site ne laisse pas vraiment de place aux tribunes.
De plus, le problème est loin d’être nouveau : nous vous parlions ci-dessous des injures qui squattaient déjà les réseaux sociaux en 2013. Pourquoi ce coup de gueule ne paraît-il que maintenant ? France 3 Nord Pas-de-Calais mentionne plusieurs autres médias de la région qui déplorent les mêmes problèmes.
L’installation de la jungle de Calais n’est probablement pas sans lien avec ces débordements de plus en plus nombreux, preuve de l’accueil glacial que certain•es réservent aux réfugié•es…
Le plus triste, c’est que ce billet n’a pas été accompagné d’une ribambelle de messages de soutien. Dans les commentaires, on constate que de nombreux posts ont été supprimés et on peut lire encore beaucoup de réactions violentes.
— Article publié le 29 octobre 2013
Entre deux invitations Candy Crush de ta petite cousine, des images « qui dénoncent » viennent pourrir ton fil d’actualités Facebook. Le racisme décomplexé et la facilité de propagation de ces messages te donnent la nausée et si l’envie te vient de rétablir ce qui te semble être la vérité, gare à toi : bien-pensante, opprimeuse, rabat-joie parce qu’on a bien le droit de dire ce qu’on pense… tout y passe. Ambiance !
2000 likes et environ autant de partages. Ah okay.
Quand Tonton en a ras-le-cul de ces bougnoules qui touchent les APL
Le premier à partager ça, c’était ton oncle. Tonton, tu l’aimais bien jusque-là. Tu le voyais une fois tous les deux ans à la cousinade, ça te suffisait. Mais depuis qu’il a décidé de se mettre au Web tu as découvert son côté sombre.
Sous couvert de liberté d’expression, il arrive avec ses gros sabots pour publier une image déjà partagée au moins un million de fois. Sans aller chercher plus loin, il t’inflige ce message sans artifice ; après tout il se suffit à lui-même et c’est bien ça sa force.
Ah bah oui mais non : c’est un hoax.
On y trouve, au choix : les feuilles d’APL « trouvées sur le trottoir », les calculs comme quoi Monsieur X et sa marmaille toucheraient plus que toi l’honnête travailleur, que Madame est allée acheter une télé et que la CAF la lui a remboursée, et tout ceci avec des noms « à consonance » comme on dit.
Quand il faut bien un coupable
Partager un scan d’une feuille d’APL c’est interdit, surtout quand il reste encore les informations privées d’une personne. En quoi toi, Tonton, te sens-tu assez supérieur à cette personne pour la juger sur ce simple document peut-être falsifié ? Est-ce parce que tu t’appelles Gérard et elle Sharifo Hinda Sharif ? Dois-tu vraiment faire d’elle un bouc-émissaire parce qu’on a une photocopie d’allocations qu’elle aurait prétendument touchées pour elle et ses enfants ?
Tonton, tu sais, tes enfants ont coûté cher à la société aussi. Quand ton aîné s’est cassé le bras, c’est l’État qui est venu financer son opération ; il me semble que tu as été au chômage à un moment, et perçu des aides. Mais personne ne t’a jamais rien reproché : ça t’a permis de rebondir, de trouver un autre travail et aujourd’hui ça va mieux. On en est tous contents, mais te souvenir de ça, c’est la moindre des choses.
Là encore, un tissu de conneries. Et quasiment 100 000 partages.
D’ailleurs peut-être que moi aussi je touche des aides et que tu ne le sais pas. Que ferais-tu alors ? Tu me renierais et oublierais tout lien de parenté avec moi ? Moi aussi, je serais projetée dans la case « assistée » et tu te permettrais de publier mes factures et mes attestations sur Internet ? Non, tu ne le ferais pas. Parce que tu me connais et tu me respectes. Cette dame, là, elle est abstraite. Et tu détestes le peu que tu crois savoir d’elle.
Ce que tu ne sais peut-être pas faire, Tonton, c’est remonter le fil de cette « actualité ». Pourtant c’est simple : clique sur cette dernière et tu arriveras à la source. Bien souvent, on retrouve des profils pas très très réels et si la personne existe, il suffit de jeter un œil à ses autres actualités — toujours publiques, pour faciliter les partages — et ses likes à base de reconquête de la France, de « J’aime le porc et je t’emmerde » et autres.
Si le FN ne se cache peut-être pas toujours derrière tout ça, ça pue tout de même la xénophobie.
ptdr.
Cher Tonton, tu n’es pas un facho, alors ouvre les yeux
Écoute, je sais bien que ce n’est pas facile, tu as vécu plus longtemps que moi, tout ça, mais sur Internet j’ai appris qu’il ne fallait être sûr-e de rien et qu’il faut recouper les informations pour comprendre les choses.
Un site appelé HoaxBusters répertorie pas mal de ces « actualités ». Eh oui, ce sont des hoax ; ces images truquées et informations fausses sont là pour remuer les bas instincts, pour énerver, pour pointer du doigt une minorité… et tout ça pour servir qui ? Je te laisse deviner.
En partageant ça, tu leur donnes de la force, tu leur fais confiance. Pourquoi ? Ils méritent le même traitement que ces « politiques » que tu ne supportes plus ! Leurs méthodes sont pires, d’ailleurs, car elles s’infiltrent, s’insinuent dans nos vies et deviennent acceptables aux yeux de certains parce qu’elles sont censées venir de « gens du peuple », comme nous. Seulement ce n’est pas anodin, c’est raciste.
J’ai envie de t’ouvrir les yeux, de te parler de mes propres convictions, de te dire qu’il faudrait peut-être mieux songer à sanctionner l’évasion fiscale avant de taper sur les plus petits… mais je ne peux pas. Tu me dirais que je suis jeune, que je m’emporte et qu’un jour je comprendrai.
Toi qui as la maturité, sache que Facebook n’est pas l’endroit pour partager ce genre de choses. Au mieux tu blesseras tes amis, ta famille, au pire tu participeras à la banalisation d’un tel message. J’aimerais te faire la bise sans avoir une boule au ventre à la prochaine réunion de famille, j’aimerais ne pas me sentir agressée à cause ça. S’il te plaît, réfléchis avant de partager de telles choses : s’aveugler et se tromper de cible n’a jamais réglé le moindre problème.
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