Aamer Rahman, comédien de stand-up australien originaire du Bangladesh, fait partie du duo Fear of a Brown Planet aux côtés de Nazeem Hussain.
Dans un sketch mis en ligne le 28 novembre, intitulé Reverse Racism
(le racisme inversé), il aborde ce qu’on appelle en France le « racisme anti-blancs ». Et c’est une petite pépite.
Le racisme anti-blanc, un mythe ?
Voici ce sketch, suivi de sa traduction :
Beaucoup de gens n’aiment pas mon humour. Enfin… beaucoup de gens BLANCS n’aiment pas mon humour. Beaucoup de gens blancs me disent :
— Hey, Aamer. Tu montes sur scène, tu fais des blagues sur les Blancs. Tu dis « les Blancs ceci, les Blancs cela ». Et si je faisais pareil, hein ? Et si je montais sur scène pour dire « les Noirs sont comme ci, les musulmans sont comme ça » ? Tu dirais que je suis raciste, pas vrai ?
Et je réponds… oui. Oui, je dirais ça. Vous ne devriez pas faire ça, c’est mauvais pour votre santé. Et ils me disent…
— Ouais mais toi tu le fais Aamer ! Tu montes sur scène, tu dis tes blagues sur les Blancs. Tu trouves pas que c’est un peu raciste aussi ? Tu penses pas que c’est…
TINTINTINNNN !
— Du racisme inversé ?
Non. Je ne pense pas que ce soit du racisme inversé. Pas parce que je pense que le racisme inversé n’existe pas, hein ; certaines personnes sont 100% convaincues que le racisme inversé n’existe pas, mais je ne suis pas d’accord. Je pense que le racisme inversé existe. Et je pourrais être un « raciste inversé », si je le voulais.
J’aurais juste besoin d’une machine à remonter le temps. Je monterais dans ma machine à remonter le temps, et je reviendrais dans le passé, avant que les Blancs ne colonisent le monde.
Je convaincrais les peuples d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient, d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud de les coloniser, d’occuper leurs pays, de voler leurs terres et leurs ressources.
Je mettrais en place un genre de, je sais pas… de commerce basé sur l’esclavage, où par exemple on exporterait des Blancs pour les faire travailler sur des rizières géantes en Chine.
En gros, je les détruirais pendant quelques siècles, assez pour que leurs descendants veuillent émigrer dans les pays d’où viennent les gens noirs et basanés. Mais bon, bien sûr, à ce moment-là, j’aurais déjà mis en place des systèmes qui privilégieraient les gens noirs et basanés à tous les niveaux économiques et sociaux, pour que les Blancs n’aient jamais l’opportunité de construire leur avenir.
Tous les vingt ou trente ans, je mettrais en place une guerre bidon, histoire d’avoir une excuse pour les bombarder jusqu’à les faire revenir à l’âge de pierre, en disant que c’est pour leur bien parce que leurs cultures sont inférieures.
Oh, et juste pour le fun, je soumettrais les Blancs aux critères de beauté noirs, histoire qu’ils finissent par haïr la couleur de leur peau, de leurs cheveux, de leurs yeux.
Si j’avais des centaines et des centaines d’années de ça derrière moi, et que je montais sur scène pour dire « Hey ! C’est quoi leur souci aux Blancs ? Pourquoi ils savent pas danser ? », là, ce serait du racisme inversé.
Explications sur cette vidéo sur le racisme anti-blanc
EDIT — Puisque ce sketch en laisse certain·es perplexes, voire agacé·es, voici une petite explication que j’ai donnée sur le forum et qui pourra peut-être enrichir le propos d’Aamer Rahman :
Pour moi ce que ce sketch veut montrer, c’est que le racisme est une construction sociale qui va bien plus loin que « Les Noirs sont bons danseurs » ou autres clichés. C’est un système global qui ne donne pas les mêmes chances aux gens selon leur couleur de peau et/ou leur origine et/ou leur religion.
Selon moi on ne peut pas mettre sur le même plan le racisme et le « racisme anti-Blancs », parce qu’on vit dans un pays régi par des Blancs, où les Blancs ont accès à tout sans être discriminés sur la couleur de leur peau, alors que le racisme en général touche tous les gens non-Blancs peu importe leur parcours, leur personnalité, leurs aptitudes, leur façon d’agir.
Donc on ne peut pas dire qu’un Noir qui fait des blagues sur les Blancs c’est aussi grave qu’un Blanc qui fait des blagues sur les Noirs. Les deux sont des blagues faciles et franchement décevantes mais le poids global n’est pas le même.
Pour moi c’est un peu pareil que « l’hétérophobie » critiquée par certaines personnes, je vois pas comment on peut dire qu’on vit dans un monde hétérophobe ou raciste envers les Blancs, faudrait avoir de sacrées oeillères !
Je pense que c’est pas une question de payer pour le passé, puisqu’on ne peut pas le changer, c’est plus le souci de reconnaître que le racisme est quelque chose qui fait partie intégrante du système régissant le monde dans lequel on vit, monde dans lequel les Blancs sont privilégiés dans quasiment TOUS les domaines, et que donc les blagues sur un groupe de gens oppressés (les gens non-Blancs) n’ont absolument pas la même portée que des blagues sur le groupe dominant (les Blancs).
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Les Commentaires
Le respect du ressenti des autres c'est vraiment pas quelque chose d'acquis.
J'ai parfaitement conscience mon privilège de blanc parce que dans le système global, je suis du "bon" côté.
Mais quand à 13 ans, ton système quotidien c'est le collège, que tu te fais frapper/menacée tous les jours ou presque Y COMPRIS par le corps enseignant qui est censée te protéger, ben ouais, ca peut faire des dégats. Alors non, je ne suis pas allée voir les profs, parce que quand ta CPE te souhaite de crever, t'as plus confiance dans les adultes. Si à 13 ans tu avais assez de recul pour penser différemment, grand bien t'en fasse mais ne viens pas me faire des leçons. Alors non, je n'ai pas fait un sondage pour savoir si tout le monde était contre moi, c'est bien évidemment un abus de langage de ma part, maladroit certes.
Je compare à aucun moment ma situation avec celles de personne racisée, parce que c'est incomparable. Parce qu'une personne racisée n'a pas d'échappatoire. Parce que ca ne s'arrête pas après le collège.
Le point de mon premier message était juste que j'en ai marre de me faire bacher d'un "toi ta gueule t'es blanche" quand je parle de mon expérience, (ironie, c'est EXACTEMENT ce qui est arrivé).