Au cas où nous n’étions pas encore assez atterrés par les sifflements sexistes contre Cécile Dufflot en 2012 ou les débats sur l’éventualité de rendre obligatoire le port du costume-cravate à l’Assemblée nationale en juillet 2022, voilà que l’hémicycle s’agite maintenant autour des tenues de Rachel Keke et Ersilia Soudais.
La tenue de la députée Rachel Keke, attaquée par le syndicaliste d’extrême droite Bruno Attal
La première, ancienne gouvernante, médiatisée parmi les porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles entamée en 2019, a tristement l’habitude d’être ciblée par des attaques sexistes et/ou racistes. Le 14 février 2023, le syndicaliste d’extrême droite Bruno Attal (secrétaire général adjoint du syndicat France Police et référent police-justice de Reconquête, le collectif d’Eric Zemmour) a ainsi tweeté pour attaquer celle qui est devenue députée NUPES de la 7e circonscription du Val-de-Marne. Chevilly-Larue, Fresnes, L’Haÿ-les-roses, Rungis, Thiais :
« La députée @KekeRachel s’habille à l’occidentale quand elle est reçue par l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire en France. Et à l’africaine à l’Assemblée Nationale.
Quel message veut-elle faire passer ? »
Ce à quoi a brillamment répondu Rachel Keke, entre deux manifestations contre la réforme des retraites qui pénalisera particulièrement les femmes et les métiers précaires :
« Aucun message, vous savez tous les matins il faut bien que je m’habille… Mais si vous voulez un message : que les femmes du monde entier puissent s’habiller comme elles le veulent, sans avoir à supporter ce genre de commentaires racistes et machistes. Mon corps, mon choix »
Suite à cet échange sur Twitter, on aurait pu espérer que ce genre de micro-polémiques disparaissent à tout jamais. Mais que nenni. À peine cinq jours plus tard, c’est au tour d’une autre députée NUPES d’être attaquée sur sa tenue vestimentaire, Ersilia Soudais, de la 7e Circonscription de Seine-et-Marne et fraîchement nommée vice-présidente du groupe d’études sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale.
La tenue de la députée Ersilia Soudais, attaquée par l’avocat Alain Jakubowicz, ancien président de la LICRA
C’est l’avocat Alain Jakubowicz, anciennement président de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, qui a récemment attaqué Ersilia Soudais…) de 2010 à 2017, qui s’est permis de tweeter le 19 février 2023 :
« Tenue d’hiver d’une députée. On redoute l’été… »
Outre de la misogynie crasse, difficile de ne pas lire dans le vil tweet d’Alain Jakubowicz de l’amertume quant à la nomination d’Ersilia Soudais à la vice-présidence du groupe d’études sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale, d’une part, et quant à ses positions contre l’occupation de la Palestine, d’autre part. Même la LICRA s’est désolidarisée des propos d’Alain Jakubowicz, rapporte le Huffington Post. Notons au passage que ce tweet est constitutif d’une injure publique sexiste, punissable d’amende et d’emprisonnement.
La jeune députée n’a pas réagi publiquement, ce qui est tout à son honneur, tandis que de nombreux confrères et consœurs lui ont témoigné leur soutien, comme Clémentine Autain ou Sandrine Rousseau.
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Bref, alors que les débats publics pourraient se focaliser sur la réforme des retraites, la sécheresse alarmante des nappes phréatiques, et donc l’écocide accéléré que nous traversons actuellement et qui menace la survie des générations futures, encore trop d’hommes préfèrent s’écharper sur la tenue des femmes. Et ce, surtout si elles sont jeunes, engagées politiquement, et fédératrices comme Rachel Keke ou Ersilia Soudais. Une agitation qui en dit long sur combien ils se sentent menacés ?
Crédit photo de Une : Photos de profil Twitter de Rachel Keke et Ersilia Soudais.
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