En partenariat avec Casterman (notre Manifeste).
Voici un témoignage que nous avons souhaité mettre en avant à l’occasion de la sortie de Par le Feu, un roman écrit par Will Hill et dont madmoiZelle est la fière partenaire. On y suit les traces de Moonbeam, jeune femme emprisonnée dans une société rétrograde qui la prive de ses droits.
Elle finira par se soulever contre l’autorité et se rebeller contre cette communauté.
Par le Feu est l’histoire d’un drame qui libère Moonbeam en même temps qu’il détruit tout ce qu’elle a toujours connu, ne lui laissant qu’une colère muette, jusqu’à ce que procède sa lente reconstruction.
Anaïs, comme l’héroïne de Par Le Feu, a rompu les liens avec sa famille et ses anciennes connaissances pour vivre sa vie de jeune femme libre.
Voici le récit de son histoire au sein d’une secte qu’elle a réussi à fuir.
J’ai grandi dans une secte. Mes parents l’ont rejointe dans leur jeunesse et même si je suis née au sein de la communauté, je ne pouvais pas être considérée comme un membre à part entière avant mon « baptême ».
Naître dans une secte
Dès sa naissance, un enfant né dans cette secte va être formaté à croire que le mode de vie de la communauté est le meilleur possible et que suivre les enseignements de la secte est le pilier nécessaire pour accéder au bonheur.
Cependant, être baptisé est une étape primordiale dans l’intégration de chaque individu dans la secte.
Pour accéder au baptême, il faut déjà gravir des « échelons ». Une fois le niveau atteint, la personne concernée doit répondre à une sorte de questionnaire (je vulgarise pour être plus simple) qui va permettre de juger de son niveau de spiritualité et de maturité.
Une fois que les « anciens » (un groupe d’hommes et seulement d’hommes à la tête des différents groupes de la communauté) donnent leur accord, la personne peut se faire baptiser à l’occasion d’une cérémonie.
Une fois baptisée, pas de retour en arrière possible, pas d’annulation.
Grandir au sein d’une secte
À la rigueur, il est possible de faire une lettre de retrait ou de trahir une des valeurs (comme faire son coming out pour une personne homosexuelle par exemple ) et à ce moment là, l’adepte est exclue et bannie — comme moi !
À 14 ans, je suis devenue officiellement baptisée et membre de la secte dans laquelle je suis née.
Le dieu de la secte est au centre de la vie de tous les membres. Il n’y a pas vraiment de règles de vie, c’est plutôt un mélange de croyances et de valeurs.
Globalement, il existe un certain idéal de vie qu’il faut suivre avec l’aide des parents et de la communauté.
Un mode de vie différent dans une secte
En grandissant, l’enfant devra étudier des livres écrits par des adeptes, pour des adeptes. Le but ultime de chacun est de servir le dieu vénéré par la secte à temps plein.
Le célibat est assez privilégié. On m’a souvent appris que si je restais célibataire, j’aurais plus de temps pour sortir parler aux gens de dieu et de la communauté.
L’objectif : aider de toutes les manières possibles l’expansion de « notre bonne parole. »
Les règles qui régissent les relations sont également nombreuses, avec des interdits et des obligations imposés par la secte.
Les relations dans la secte
Pour le mariage, il faut que l’homme et la femme soient vierges. La masturbation est proscrite pour les hommes (personne ne parle de masturbation féminine, ça n’existe pas).
Il est possible d’avoir un partenaire mais il ne faut pas se toucher. Les seuls contacts admis sont se donner la main ou s’embrasser du bout des lèvres.
Les valeurs et croyances de la secte sont nombreuses, et si à présent que je l’ai quittée je les trouve vraiment arriérées, je n’ai pas toujours pensé ainsi.
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De membre exemplaire à bannie de la secte
Avant, j’étais un membre félicité et encouragé par la communauté. J’incarnais, d’apparence, la petite adepte parfaitement endoctrinée et qui ne demandait qu’une chose : endoctriner les autres dans ce qu’elle croyait être la meilleure des vies.
J’étais donc la première à participer aux activités de la secte, à écouter mes parents et les anciens, à respecter et suivre scrupuleusement les textes que je lisais.
J’étais fière de véhiculer ces croyances.
Valeurs et concepts rétrogrades de la secte
Ces valeurs sont assez communes et on les retrouve d’ailleurs dans d’autres religions reconnues : respecter et aimer notre prochain, faire passer notre dieu avant qui que ce soit dans notre vie…
Mais certains préceptes m’ont poussée à quitter le groupe et à couper les ponts avec ma famille.
Dans la secte, l’homosexualité est bannie. Beaucoup de membres sont clairement homophobes. Il est aussi impossible d’avoir recours à certains soins médicaux spécifiques, ce, même si la vie de l’adepte en dépend (quel que soit son âge).
Prêcher et convertir est extrêmement important. Il est interdit d’avoir recours à l’IVG et les opinions politiques n’ont pas leur place dans la communauté, donc interdiction de voter.
Les pratiques dans la vie d’une secte
Il existe bien d’autres rites et dogmes, mais j’ai surtout cité ceux qui m’ont le plus marquée au cours de mon évolution dans cette secte.
Les rites se résument en soi à faire acte de présence à des réunions hebdomadaires, aller prêcher le week-end et en semaine si possible.
En lui-même, le fait de vouloir partager ses valeurs autour de soi et d’y consacrer autant de temps ne me dérange pas. Mon problème, c’était qu’au sein de cette secte, je n’avais pas d’autre choix que de tenir des propos anti-homosexuels, anti-IVG et anti-féministes.
Au XXIe siècle, sérieusement ?!
Prise de conscience et nouvelles rencontres
Plus je grandissais, plus je m’affirmais en tant que femme et plus ces valeurs me dérangeaient au plus haut point.
Je suis rentrée au lycée, j’ai rencontré l’amour de ma vie ! C’est tout bête et clairement cliché, mais en seconde, je suis tombée petit à petit follement amoureuse.
J’ai aussi rencontré ma grande copine, Jo, qui m’a énormément apporté.
C’était une première pour moi car je n’avais pas le droit de nouer de relations et de liens romantiques ou amicaux avec des personnes extérieures au groupe, à moins que ce soit dans le but de les convertir.
Quitter une secte pour affirmer sa liberté
Mais je n’ai pas quitté la secte seulement par amour.
Mon amie Jo m’a beaucoup appris avec son ouverture d’esprit, la simplicité avec laquelle elle considère les gens.
De nouvelles valeurs
Elle m’a parlé de genre, des différentes sortes d’amour (le polyamour, le couple libre, les plans cul…), de l’homosexualité, du féminisme, bien évidemment.
La simplicité avec laquelle elle abordait ces sujets, tabous pour moi, m’a fait réaliser de nombreuses choses.
Non, l’homosexualité n’a pas besoin d’être excusée, le féminisme est une cause importante qui me tient à cœur et le sexe devrait rester dans l’intimité des personnes concernées.
Des valeurs malsaines dans la secte
Cette jeune femme pétillante m’a été d’un grand secours et ce n’est que récemment que je m’en suis rendu compte.
Plus j’y pensais, plus les valeurs que j’étais censée défendre me semblaient malsaines et honteuses.
Je ne pouvais plus condamner l’IVG, l’homosexualité, le sexe hors mariage après avoir appris tant de choses grâce à Jo et à mon amoureux, après avoir forgé mes propres idées et opinions.
Défendre mes propres idées
Je voulais pouvoir défendre mes propres valeurs et en être fière.
Je me suis alors rendu compte que j’étais dans une secte aux valeurs rétrogrades et que tous ces préceptes étaient nocifs pour moi.
C’est ainsi que j’ai décidé de quitter cette communauté. Or, cela n’a pas été facile.
Mener une double vie dans une secte
J’ai longtemps hésité. Je connaissais les conséquences d’un péché. J’étais baptisée, donc je m’étais engagée à vie dans la communauté et auprès de ce dieu.
Si je faisais une lettre pour partir, ou si je finissais par être exclue, je n’aurais pas le droit de revoir ma famille et mes ami·es de la secte. J’avais peur.
J’ai donc commencé à sortir avec mon copain en cachette de ma famille et de la secte.
J’ai mené une double vie qui a duré à peine 3 mois. Puis un jour, des adeptes m’ont vue avec mon amoureux et l’engrenage de l’exclusion s’est doucement activé.
Disputes et conflits avec les parents et la secte
Les conflits avec mes parents ont commencé. Il m’ont fait des tas de reproches, m’ont espionnée, m’ont donné des ordres, il y a eu des cris et des pleurs.
Par la suite, des anciens sont venus chez moi pour discuter, en savoir plus sur mon péché. Ils disaient vouloir mon bien et m’encourager à rester dans la secte.
L’interrogatoire de la secte sur ma vie privée
Ils étaient là, ces hommes plus âgés que mon père, qui ne me connaissaient pas plus que ça, chez moi, à me poser des questions :
« — Vous vous êtes embrassés ?
— Vous vous êtes touchés ?
— Vous vous touchiez sous les vêtements ?
—Y a-t-il eu pénétration ? »
J’ai répondu « oui » avec la voix la plus neutre que je pouvais adopter, sauf pour la dernière interrogation.
Endoctrinement et menace d’exclusion
Ils m’ont lu des textes sacrés, en m’expliquant que le sexe c’était « seulement pendant le mariage », que je devais rompre et ne plus avoir de contact avec le garçon qui me faisait découvrir une autre façon de vivre, que je trouvais libre et authentique.
Je me souviens leur avoir dit que, même s’ils me forçaient à quitter l’homme que j’aimais, il resterait toujours mon meilleur ami.
Alors ils ont prononcé les mots :
« Écoute, on n’est pas là pour te bannir, on est là pour t’encourager et discuter. Mais tu as commis un péché même s’il n’y a pas eu de pénétration. Tu vas devoir passer devant un comité disciplinaire. »
C’est à cet instant précis que je me suis dis que, oui, je devais être bannie.
Mon premier pas vers la liberté
La semaine d’après, d’autres hommes m’ont demandé, le plus sereinement possible, de raconter tout ce qui s’était passé d’intime entre « ce jeune homme du monde » et moi.
Et pour la première fois, j’ai pris mon courage à deux mains et je leur ai dit que non, je ne répondrai pas à leurs questions.
J’ai dit que le problème n’était pas là, que le problème, c’étaient les principes immoraux de cette secte que je ne tolérais plus.
J’étais en larmes et je tremblais mais je l’avais fait, j’avais osé faire ce premier pas vers ma liberté.
Quitter une secte et être exclue de sa famille
J’ai donc été exclue. Depuis, je n’ai plus de contact avec les autres adeptes, y compris ma famille.
Je suis repartie de zéro, j’ai perdu mes relations familiales, mes « ami·es ».
Malgré cela, je me rends compte aujourd’hui que je n’ai jamais été aussi heureuse, même si ça a été la chose la plus dure que j’ai eue à faire.
Je n’ai aucun regret. Pour rien au monde, je ne me soumettrais de nouveau à un groupuscule oppressant dont je ne tolère pas les valeurs.
Quitter une secte et trouver le bonheur
J’ai réalisé aussi que même lorsque j’étais investie à 200% pour ce que je croyais être juste, je n’étais pas aussi heureuse que lorsque je me suis retrouvée dans les pires galères post-exclusion.
Aujourd’hui, j’appréhende le monde qui m’entoure d’une façon nouvelle, j’ai l’impression que je dois tout réapprendre. Ma vie a été bâtie sur un mythe, et jour après jour je le démolis un peu plus.
J’ai vécu une expérience hors normes qui m’a laissé des traces. J’ai décidé que ces traces seraient un atout pour mon futur.
Ceux qui sont toujours dans la secte
Je suis partie, mais combien sont restés ? Combien vivent encore sous l’emprise d’une telle oppression (parentale, religieuse, politique…) sans même s’en rendre compte, et souvent sans même savoir qu’il y a d’autres façons de vivre ?
Je souhaite à chacun d’ouvrir les yeux, de choisir sa propre voie et si mon exemple peut aider… Autant qu’il serve.
Si ce sujet t’intéresse, tu peux lire Par le Feu de Will Hill aux éditions Casterman, , un roman inspiré par l’histoire vraie de la tragédie de Waco aux Etats-Unis
Tu y découvriras l’histoire de Moonbeam, prisonnière d’une société rétrograde contre laquelle elle finira par se rebeller.
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Les Commentaires
Pour y avoir vécu pendant 18 ans, de mes 2 ans à mes 20 ans. Et cette période me remplir de rage, encore aujourd'hui, 16 ans plus tard...