C’est un puissant coup de gueule et un appel au changement que quelques centaines de femmes politiques — issues de différents bords — ont lancé ce lundi, à travers une tribune pour appeler à « écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes » de la vie politique.
En moins de 24 heures, il y a bien eu une réponse, mais pas forcément celle que l’on attendait.
Comme une volonté de les faire taire, de maintenir le couvercle sur leurs témoignages et leurs exigences, le site metoopolitique.fr lancé à cette occasion pour recueillir les paroles des victimes a été piraté.
« Il y a des gens qui ne veulent pas que les choses changent au niveau politique, et qui trouvent ça suffisamment dangereux et insupportable pour mettre les moyens et tenter de faire sauter cette initiative », résume Alice Coffin auprès de Madmoizelle.
Que les hommes politiques prennent leur responsabilité
Celles qui se sont mobilisées dans cette action ne voulaient pas la limiter à une simple tribune qui serait oubliée dans quelques semaines. Au contraire, elle veulent engager un mouvement de fond pour interpeller ceux qui détiennent le pouvoir, « engager un bras de fer avec les responsables politiques qui sont en capacité de prendre des décisions », explique Alice Coffin.
Un moyen de maintenir une pression afin de les faire renoncer à soutenir et à s’engager aux côtés de ceux qui commettent des violences sexistes et sexuelles.
Ce site prend donc la forme d’une plateforme avec des témoignages, mais aussi des ressources, des chiffres, ainsi qu’un engagement à signer en trois points par tous ceux et toutes celles qui ont la capacité à parrainer un candidat potentiel, à constituer des listes de candidats.
Les signataires de la tribune exigent ainsi que les partis politiques prennent enfin leurs responsabilités face aux dénonciations de violences sexuelles et sexistes en leur sein :
« Quand les directions et les commissions d’investiture écouteront-elles les élues, les collaboratrices, les militantes, les citoyennes qui dénoncent des insultes sexistes, des mains aux fesses, des “gros lourds tactiles” – doux euphémisme pour évoquer des agresseurs sexuels – de ceux qui font pression pour obtenir des faveurs sexuelles ?
Quand écarteront-ils des responsabilités ceux qui ont été condamnés pour violences conjugales, pour harcèlement sexuel, pour viol, mais dont la peine n’a pas été assortie de l’inéligibilité ? »
Un sexisme omniprésent et savamment entretenu
« Le sexisme en politique remplit un objectif politique en soi », explique Mathilde Viot, une des initiatrices de la tribune et membre du collectif Chair Collaboratrice, interviewée dans À l’air libre :
« Il a vocation à décourager les femmes, à leur faire comprendre que ce n’est pas leur place, donc on les ramène à ce qu’elles sont, c’est-à-dire uniquement des femmes, des objets sexuels, elles sont rarement perçues comme de réels adversaires politiques, des camarades politiques ou des égales politiques. »
Dans la tribune publiée dans Le Monde, les signataires rappellent aussi que trois candidats ou candidats pressentis à la présidentielle sont accusés d’agressions sexuelles, Eric Zemmour, Jean Lassalle et François Asselineau… et qu’ils ne sont pas inquiétés plus que cela :
« Cela ne les empêche pas, loin de là, de considérer qu’ils sont dignes d’occuper la magistrature suprême. C’est dire à quel point la condition des femmes et des victimes leur est indifférente. En juin 2022, nous élirons les membres de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, parmi les 577 députés, certains sont des auteurs de violences sexistes et sexuelles. »
À la suite de la publication de la tribune, d’autres femmes ont à leur tour témoigné de ce qu’elles ont vu ou subi de la part d’hommes politiques et de l’impunité qui demeure malgré les signalements :
La plateforme dédié à un mouvement MeToo en politique sera remise en ligne prochainement. D’ici là, tout le monde peut apporter son soutien via un formulaire.
Pour Alice Coffin, cette tentative de faire disparaître cette initiative féministe apparait comme un « reflet de ce qu’il se passe dès qu’une femme s’exprime sur les violences sexistes et sexuelles » :
« La parole féministe est systématiquement exclue, mise au ban », constate l’élue qui en a elle-même fait les frais au conseil de Paris après avoir dénoncé la nomination de Christophe Girard comme adjoint à la Culture à la mairie de Paris en 2020 en raison de son soutien à l’écrivain Gabriel Matzneff.
« C’est une traduction plus explicite de ce qui se passe avec les femmes qui parlent du sexisme en politique. »
À lire aussi : Pourquoi une telle indifférence face au #MeToo de l’édition française ?
Crédit photo : Greenbox, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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Les Commentaires
Sauf que des accusations peuvent être anonymes - par exemple par l'intermédiaire d'un article publié dans un journal avec des témoignages - et que des accusations anonymes peuvent être suffisantes pour éveiller des soupçons et donc "mettre en cause" une personnalité politique sans que celle-ci ne puisse porter plainte pour diffamation. Une personnalité politique pourrait alors ne pas être investie par son parti, se voir refuser un parrainage ou ne pas être embauchée sans avoir quelque moyen de se défendre que ce soit.
Les statistiques que tu donnes seraient totalement différentes si, d'une part, la charge de la preuve était inversée et, d'autre part, tout soupçon de violences sexistes ou sexuelles était suffisant pour empêcher une personnalité politique d'être investie par son parti, de recevoir un parrainage ou d'être embauchée. Prenons un exemple concret: le congrès des Républicains doit désigner, le 4 décembre, le candidat du parti aux élections présidentielles. Si les conditions que j'ai citées précédemment étaient réunies, j'ai assez peu de doutes sur le fait qu'au moins un candidat aurait été éliminé (par ses concurrents ou ses adversaires politiques) par le biais d'accusations anonymes gratuites.
Il y a des dizaines de raisons qui peuvent expliquer qu'une personne, même dans son droit, renonce à porter l'affaire devant la justice. D'ailleurs, on répète assez souvent que très peu de femmes victimes de violences sexuelles portent plainte contre leur agresseur.