C’est fou, quand même. La mort est un tel tabou qu’on préfère souvent éviter le sujet toute notre vie et laisser le fardeau des démarches à celles et ceux qui nous survivent.
Pour l’organisation des funérailles et l’héritage des biens matériels, en général, tout est plutôt bien rodé par la loi. Mais que deviennent nos réseaux sociaux et nos données personnelles après notre mort ? Car jusqu’à preuve du contraire, on n’emporte pas notre bazar numérique dans la tombe…
Les lettres, photos argentiques, carnets intimes et autres objets palpables que les proches endeuillés se partagent sont aujourd’hui en grande partie transposés sur le Web sous forme d’albums photos, de notes digitales et de messages privés dont on ignore souvent le sort une fois qu’on s’éteint.
Personnellement, je n’ai aucune envie que mes nudes torrides, mes messages intimes ou les notes gênantes de mon iPhone fassent partie du patrimoine que je laisserai derrière moi.
Que vous vouliez que vos fichiers les plus honteux s’auto-détruisent après votre mort, que vous préfériez les livrer à une personne de confiance ou les laisser en ligne pour que vos proches puissent parcourir post-mortem les souvenirs que vous avez laissés, mieux vaut gérer l’avenir de vos données avant le jour fatidique — qui, jusqu’à preuve du contraire, peut arriver n’importe quand.
Voici comment préparer votre héritage numérique.
Pourquoi c’est important de gérer vos données avant de crever ?
Les réseaux sociaux comptent des millions de profils inactifs, et pour cause : beaucoup appartiennent à des personnes décédées.
D’ailleurs, si aujourd’hui Facebook dénombre déjà 13 millions de profils de personnes mortes (l’équivalent de 8000 personnes inscrites qui décèdent chaque jour), en 2070, il y aura plus de morts sur la plateforme que de vivants. Un vrai cimetière numérique.
En réfléchissant à un plan dès aujourd’hui, vous pouvez sauvegarder des fichiers importants que vous voudriez transmettre, vous protéger d’une éventuelle usurpation d’identité, ou encore éviter à vos proches de voir surgir des rappels gênants et douloureux de votre existence lorsque vous croupirez dans votre cercueil.
Vous pouvez aussi décider à l’avance de la personne qui pourra conserver, gérer ou supprimer vos comptes après votre décès.
Après tout, on passe notre temps à fignoler l’esthétique de nos profils, sans se demander ce qu’ils deviendront une fois qu’on a passé l’arme à gauche. Pourtant, ils renferment des données précieuses, voire très personnelles ! Déjà que ces datas ne nous appartiennent pas réellement de notre vivant, une fois six pieds sous terre, autant dire que ça ne s’arrange pas.
La transmission de ces données après la mort pose d’ailleurs des problèmes de confidentialité et de droits d’auteur.
Emily van der Nagel, maître de conférences en médias sociaux à l’université Monash de Melbourne, expliquait à The Guardian qu’elle estimait que les gens devraient consacrer plus de temps à la planification de la gestion de leurs comptes et identités en ligne après leur décès.
Selon elle, on devrait y réfléchir de la même manière qu’on gère la sauvegarde régulière de nos données — notamment en les téléchargeant plutôt que de dépendre de sociétés tierces.
Qu’il s’agisse de vos photos, vidéos, musiques ou pire, de vos emails ou SMS, vos fichiers peuvent contenir des datas sensibles. La plupart des plateformes comme Twitter ou Instagram se réservent généralement le droit d’utiliser vos photos pour faire de la pub, ce qui pourrait continuer après votre décès.
La professeure met en garde :
« C’est plus compliqué que la simple possession d’une photographie ou d’un CD. Les biens physiques, vous êtes légalement autorisés à les léguer. La propriété numérique n’est pas aussi facile dans certains cas.
Il est beaucoup plus facile avec Facebook de commémorer des comptes que de les supprimer.
On peut dire que Facebook veut toujours vos données après votre mort. Ces plateformes ne veulent pas lâcher le compte d’une personne et toutes les informations qu’elle a données à la plateforme. »
Vous voilà prévenue.
Préparer ses réseaux sociaux et ses boîtes mails à sa mort
Tant que vous êtes encore vivante, vous pouvez désigner des « héritiers numériques par testament auprès de votre notaire. » D’après la CNIL :
« Les héritiers d’une personne décédée justifiant de leur identité peuvent demander au responsable d’un fichier de tenir compte du décès de celle-ci, et de procéder à l’actualisation de ses données. »
Et puisqu’il est quasi impossible pour les réseaux sociaux de différencier un profil inactif d’un profil de personne décédée, en l’absence de toutes ces prédispositions, le profil de la personne morte reste en général en ligne. Autrement, chaque plateforme sociale a ses propres règles.
Préparer sa mort numérique sur Twitter
Twitter propose de supprimer le compte d’un proche décédé « sur présentation d’un certificat de décès. »
Préparer sa mort numérique sur Facebook et Instagram
Sur Facebook et Instagram, vous pouvez désigner un contact légataire qui pourra transformer le compte en compte de commémoration grâce à une preuve du décès — c’est le fameux « en souvenir de » affiché à côté du nom d’utilisateur.
Il pourra aussi le supprimer, mais seulement s’il fait partie de la famille proche et qu’il dispose de votre acte de naissance et de décès et d’un certificat légal prouvant qu’il est votre représentant légitime.
Préparer sa mort numérique côté boîte mails
Et vos emails, alors ? Que deviennent vos boîtes remplies de courriers intimes et de factures importantes ?
Google offre la possibilité de programmer leur autodestruction après votre mort. Pour ça, il suffit d’activer le gestionnaire de comptes inactifs de Google. Ensuite, c’est simple : si vous ne vous connectez pas pendant une période prédéterminée, après plusieurs tentatives de prises de contact, le gestionnaire supprime tout. « Douze mois d’inactivité semblent être une bonne durée, mais vous pouvez modifier ce paramètre à votre guise », suggère Mashable.
Ça, c’est pour Gmail. Du côté d’Outlook, Emily van der Nagel explique :
« Il y a des moyens pour que les gens puissent accéder aux comptes d’une personne décédée. Avec Microsoft, qui gère Outlook, vous pouvez demander l’accès à certaines informations de ce compte et le fermer. Il existe une adresse électronique spécialement mise en place pour cela — le dépositaire des dossiers de Microsoft. »
Et le contenu de vos appareils, qui en hérite ?
À moins que vos proches n’aient vos mots de passe à disposition et se faufilent dans votre smartphone ou votre ordinateur une fois que vous êtes passé de l’autre côté, ce qui, sans votre accord, peut constituer une atteinte à la vie privée, vos appareils sont destinés à mourir, eux aussi.
Sauf si vous avez un iPhone, un iPad ou un Mac doté des dernières mises à jour de l’OS. Dans ce cas, avant de mourir, vous pouvez associer un « contact légataire » à votre iCloud qui contient vos données sauvegardées. Les personnes désignées recevront une clé d’activation et, à condition de montrer un certificat de décès, pourront récupérer tous vos fichiers.
Je vous conseille donc de faire le tri, si vous voulez que vos proches gardent un souvenir positif de vous.
La mort numérique et les mots de passe
Il existe plusieurs plateformes permettant de stocker les mots de passe de vos comptes et de les envoyer à des personnes choisies une fois que vous passez l’arme à gauche. Le service SecureSafe propose par exemple une fonction héritage de données qui permet de transférer vos données choisies à une personne de confiance grâce à un code d’activation.
Une autre manière de préparer son héritage numérique, c’est de créer un dossier sécurisé qui contient tous les fichiers et mots de passe que vous souhaiter transmettre. Il peut prendre la forme d’un disque dur ou d’un fichier stocké sur le cloud et protégé par un mot de passe à confier aux personnes de confiance.
Penser à sa mort prochaine n’est pas l’activité la plus fun, mais plutôt que de faire l’autruche, mieux vaut s’organiser tant que vous pouvez pour éviter à vos proches endeuillés d’avoir à se soucier du devenir de vos données…
Allez, c’est le moment de faire le tri.
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Crédits photos : Kaboompics.com et cottonbro (Pexels)
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