Qu’on s’intéresse ou non à la mode, le nom de Paco Rabanne résonne chez beaucoup de monde, qu’on l’associe à ses robes en métal ou au succès commerciaux des parfums qui portent son surnom. Pourtant, Francisco Rabaneda y Cuervo, de son vrai nom, aimait prétendre que la mode n’était pas vraiment son centre d’intérêt. Et c’est justement ce qui rend si fascinante la carrière de cet Espagnol qui s’est refait un nom en France avant de s’y éteindre le 3 février 2023.
Qui était vraiment Francisco Rabaneda y Cuervo, alias Paco Rabanne ?
Francisco Rabaneda y Cuervo naît le 18 février 1934 à Pasaia, en Espagne. Sa mère officie comme première main chez Cristóbal Balenciaga, créateur installé à Saint-Sébastien jusqu’en 1936 avant de devenir le grand couturier du noir qui révolutionne la mode parisienne. Il n’a pas le temps de se souvenir de son père, officier, colonel dans les forces républicaines durant la guerre civile durant laquelle il est fusillé par les franquistes en 1939. Le petit Paco a alors 5 ans, et quitte l’Espagne avec sa famille pour se réfugier d’abord dans les Pyrénées, puis en Bretagne.
Il se forme en architecture aux Beaux-Arts, ainsi que dans l’atelier d’Auguste Perret, inventeur du béton armé. Pour financer ses études, il vend dans les années 1960 des dessins et accessoires pour des grandes maisons comme Givenchy, Dior, ou Nina Ricci, avant de lancer en 1965 sa propre ligne de bijoux en Rhodoïd (plastique léger et rigide, innovation de l’époque). L’année suivante, l’étudiant provocateur organise son premier défilé en 1966 : « 12 robes importables en matériaux contemporains ». Les créations en Rhodoïd portées par des mannequins noires (doublement impensable pour l’époque), avec Le Marteau sans maître du grand compositeur du sérialisme Pierre Boulez en bande-son. C’en est tellement déroutant que de nombreux journalistes quittent la pièce en cours de route. Sa réputation est lancée.
La carrière prolifique de Paco Rabanne, métallurgiste de la mode
Ce grand adepte du détournement s’attaque alors au métal pour créer des robes en plaques d’aluminium qu’il assemble entre elles par des rivets (à défaut de pouvoir les coudre ensemble). Il détourne également du bois, du vinyle, du verre holographique, ou encore des réflecteurs solaires afin de créer ses fameux assemblages. Et tant pis si les vêtements qui en résultent sont souvent importables, ils marquent tout de même leur époque, au point que Gabrielle Chanel le surnomme « le métallurgiste » de la mode. Une pique qu’il sublime plutôt bien, notamment avec Françoise Hardy qui enfile en 1968 une combi-pantalon en métal de 16 kg pour chanter au cabaret Savoy à Londres. Il l’habille à plusieurs reprises, ainsi que d’autres icônes de mode et de beauté de l’époque, comme Brigitte Bardot, Jane Fonda (les tenues de Barbarella, c’était lui), Audrey Hepburn (sa robe à facettes dans Voyage à deux, encore lui), Jane Birkin, ou encore Sylvie Vartan.
Paco Rabanne obtient le Dé d’Or (récompense de la haute couture) en 1990, juste après avoir revendu sa marque en 1986 au groupe de luxe espagnol Puig (qui détient aujourd’hui Dries Van Noten, Jean Paul Gaultier, Nina Ricci, ou encore Carolina Herrera). Celui-ci continue de décliner son univers en parfums qui cartonnent commercialement, comme XS, One Million, ou Invictus, tandis que la direction artistique de la partie mode est aujourd’hui assurée par le Français Julien Dossena.
La fin de vie ésotérique de Paco Rabanne
À partir des années 1990, il s’épanouit en tant que fantasque auteur et vend des millions d’exemplaires de ses ouvrages plus ou moins ésotériques (Trajectoire en 1991, Le présent et La fin des Temps en 1994, Les Lumières du bouddhisme en 1997, La Leçon Indienne et Le Feu du Ciel en 1999, et enfin Le Fil d’Ariane en 2005). Lui qui s’amusait à donner ses prédictions sur l’avenir dans les médias apprend à se faire plus discret suite à une prémonition ratée : il avait prédit que la station spatiale Mir se crasherait sur Paris en août 1999, ce qui n’a pas eu lieu. La même année, il quitte sa propre maison qui continue donc sans lui. Depuis, il est rarement réapparu, hormis en tant que peintre ou designer d’intérieur, mais jamais plus côté mode.
Reste derrière lui un empire de résille, de métal et d’assemblages de matières improbables, ainsi que sa réputation d’artiste illuminé, persuadé d’avoir déjà eu 36 vies. Sa dernière réincarnation en tant que grand couturier vient donc de se conclure dans l’ombre du Finistère, le 3 février 2023, à 88 ans. Un âge qui double les signes de l’infini : ultime coïncidence ?
Crédit photo de Une : Capture d’écran Youtube.
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