Après des années d’EP et de maltraitance avec un label qui la maltraitait, l’obligeant à des featurings sans âme pour des DJ ainsi que des premières parties pour des artistes loin de son univers, Raye s’est lancée en indépendante en 2022. Depuis la sortie de son premier album My 21st Century Blues sorti en février 2023, elle déchaîne les charts, TikTok, et les BRIT Awards.
Autrice, compositrice, interprète, Raye voit sa carrière exploser depuis 2023 en toute indépendance, après des années d’errance et d’ingérence entre différentes grosses maisons de disque et leurs labels. Aux Brit Awards 2024 qui se sont tenus le 2 mars, elle avait non seulement battu le record du nombre de nominations (7), mais aussi celui de l’artiste le plus récompensé (6) de l’histoire de la cérémonie. Album de l’année, chanson de l’année, artiste britannique de l’année, meilleure performance R&B, révélation artistique, parolière de l’année… Mais qui est vraiment ce phénomène musical venu du Royaume-Uni pour conquérir la pop mondiale ?
Qui est Raye, chanteuse britannique, rescapée des grandes maisons de disques
De son vrai nom, Rachel Agatha Keen nait en 1997 à Londres et grandit en chantant des chansons gospel dans l’église du coin dont son père (Britannique) assure la direction musicale tandis que sa mère (suisso-ghanéenne) fait partie de la chorale. Elle montre très jeune un intérêt pour la musique, apprend le piano et commence à écrire des chansons dès l’âge de 7 ans. Après deux ans dans la prestigieuse école d’art BRIT School (qui a formé notamment Adele, Amy Winehouse, ou encore FKA twigs) où l’ado sent sa créativité trop confinée, elle la quitte mais continue de composer des chansons et commence à rencontrer des producteurs. Si bien qu’elle sort à 17 ans son premier EP en 2014, Welcome to the Winter (qui contient notamment les titres « Flowers » et « Alien »).
Puis un deuxième en 2016, sobrement baptisé Second l’aide à se faire encore plus remarquer, notamment grâce au titre « Ambition » en featuring avec le rappeur déjà bien reconnu Stormzy, ou encore « I, U, Us » dont le clip est réalisé par Charli XCX. Son label Polydor Records lui fait enchaîner les featurings pour d’autres artistes, dont David Guetta sur « Stay (Don’t Go Away) » et surtout l’entêtant « You Don’t Know Me » avec Jax Jones qui explose à l’international. Pendant que Raye sort un troisième EP, Side Tape, en 2018, Polydor lui fait écrire pour d’autres artistes, comme « Bigger » pour Beyoncé (qui figure sur la bande-son du remake en live action du Roi Lion). Une consécration pour Raye !
Mais son label ne la laisse toujours pas sortir d’album en solo. À la place, elle continue de devoir donner de sa voix pour des featurings avec des DJ qui cartonnent toujours dans les charts mais s’éloignent toujours plus de son univers artistique personnel. Sans compter qu’on lui fait assurer les premières parties d’artistes en concert qui n’ont rien à voir avec elle, brouillant encore plus son positionnement en tant qu’artiste. Si on devine un peu plus de sa véritable personnalité à travers son énième EP, Euphoric Sad Song en novembre 2020 (qui comprend le sublime « Natalie Don’t »), la coupe s’avère déjà pleine.
Comment la chanteuse Raye a trouvé son salut artistique dans l’indépendance
À l’été 2021, après tant d’années d’errance avec son label, Polydor Records, Raye révèle publiquement que celui-ci retenait en otage son premier album. Après avoir reçu le soutien d’autres artistes britanniques comme Charli XCX, MNEK et Rina Sawayama, elle sort en juin 2022 son premier single en totale indépendance, « Hard Out Here ». Elle y évoque explicitement le sexisme et le racisme qu’elle a dû affronter dans l’industrie musicale. Musicalement, c’est un virage radical par rapport à ce qu’elle avait dû sortir auparavant : on entend enfin mieux sa voix, son goûts pour le jazz, le RnB, le hip hop, l’alternatif, le tout mâtiné de juste ce qu’il faut d’électro.
Son single suivant continue sur cette belle lancée de production léchée, voix envoûtante, et paroles fortes puisque dans « Black Mascara », elle raconte avoir été droguée à son insu par un proche qu’elle pensait de confiance. Mais c’est le troisième, « Escapism », complètement déstructuré par rapport aux morceaux pop ultra standardisés dont on a l’habitude, qui l’a fait exploser aux yeux du grand public international, notamment car le morceau devient viral sur TikTok. De quoi lui permettre de pouvoir enfin sortir son premier album en toute indépendance et liberté artistique, My 21st Century Blues, en février 2024. Si on mettait la pionnière du blues Mamie Smith, la soul d’Amy Winehouse, et le sens de la pop dramatique de Lady Gaga dans un shaker, on aurait un délicieux cocktail proche de la musicalité inclassable de Raye.
Depuis, plus rien n’arrête Raye qui bénéfie à la fois d’un immense succès critique et public. L’autrice-compositrice-interprète enchaîne les hits avec une sincérité déconcertante dans les paroles, comme dans son titre « Ice Cream Man » qui parle sans détours de viol subi de la part d’un producteur, par exemple. Doux-amer, son premier album My 21st Century Blues sonne comme un journal intime qu’elle nous chanterait avec sa voix particulièrement reconnaissable. Le tout sur des productions musicales qui touchent au jazz, au trip hop, au RnB, et une pointe d’électro pour donner naissance à une dark pop unique en son genre. L’artiste accompagne son talent musical d’un univers visuel à l’esthétique sombre et chiadée qui rendent ses clips si uniques et dépaysants. Sa réussite musicale sert de meilleure revanche contre son ancien label, ainsi que le racisme et la misogynie qui gangrène l’industrie, et tout le reste de la société. Bref, Raye a tout pour devenir une pop star sur laquelle le monde peut compter, pleurer, rager, et danser.
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