La décision Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization qui a renversé l’arrêt Roe v Wade a mis fin au fédéralisme dans tout le pays en ce qui concerne le droit à l’avortement. Car si le système politique américain fonctionne généralement de telle sorte que les différents États des États-Unis sont contraints de coopérer sur certaines législations à l’échelle du pays, ce n’est plus vraiment le cas depuis juin en ce qui concerne l’IVG, explique à Madmoizelle Denis Lacorne, politologue français spécialisé dans l’histoire politique des États-Unis :
« Depuis la décision Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, c’est moins l’opinion publique qui est touchée, car les Américains sont en grande partie favorables à l’avortement. En revanche, il y a d’un côté les États conservateurs, et de l’autre, les États très libéraux, comme la Californie, l’État de New York ou encore l’Oregon, qui se livrent une guerre sans merci ».
Pour autant, certains militants pro-choix ont décidé de ne pas rester silencieux. Notamment depuis le 8 mai 2022, date à laquelle un mystérieux groupe pro-avortement a commencé à faire parler de lui dans tout le pays, sous le nom de Jane’s Revenge.
Des actes de vandalisme observés dans tout le pays
Jane’s Revenge aurait aujourd’hui à son actif près d’une centaine d’actes de vandalisme s’étalant de mai à juillet 2022 dans le Wisconsin, le Michigan ou encore le Minnesota. On note parmi les principales actions la dégradation du plus grand centre anti-avortement du Minnesota le 14 juin 2022, ou encore celle d’un bâtiment ayant servi de QG à un républicain auto-proclamé « pro-vie » (donc anti-avortement) dans le Michigan quelques jours plus tard.
Jane’s Revenge tiendrait également son propre blog. Plusieurs courts communiqués s’y publient, même si rien ne prouve à ce stade que les auteurs anonymes du blog aient un quelconque lien avec les auteurs, eux aussi anonymes, des actes de vandalisme. Quoi qu’il en soit, le mode d’action choisi est celui de la violence. Ce qui n’est pas si surprenant, selon le polititologue spécialiste des États-Unis Denis Lacorne :
« Ce qui est très intéressant avec ce phénomène Jane’s Revenge, c’est qu’ils reprennent le même mode d’action que les militants conservateurs pro-vie, à savoir aller chercher directement leurs opposants et recourir à la violence, alors que les militants pro-avortement n’y ont habituellement pas recourt. Là où les militants anti-avortement se rendent près des plannings familiaux pour les vandaliser ou agresser les femmes enceintes qui s’y rendent, les militants pro-avortement s’en prennent désormais directement aux lieux associés au mouvement pro-vie. »
À noter aussi que la première déclaration officielle de Jane’s Revenge aurait été publiée sur une plateforme de blogs de gauche radicale début mai 2022, peu de temps après que le projet de décision de la Cour suprême annulant Roe v. Wade a été divulgué à la presse. « Nous sommes dans votre ville. Nous sommes dans toutes les villes. L’impérialisme médical ne fera pas face à un ennemi passif », aurait ainsi déclaré publiquement Jane’s Revenge, selon un article du mensuel culturel américain The Atlantic. Le groupe aurait également promis une « nuit de rage » dans un de ses communiqués, un vocabulaire repris par la Women’s March dans un de ses tweets, promettant à son tour un « été de rage ». Même si la reprise du vocabulaire peut poser question, aucun lien entre les Jane’s Revenge et la Women’s March n’a pour l’instant été établi.
Des faits repris en masse par les médias d’extrême droite
À l’heure actuelle, les membres du groupe Jane’s Revenge n’ont donc pas été identifiés, et aucun lien avec aucun autre groupe activiste n’a pu être établi. Cela n’a pourtant pas empêché certains conservateurs de demander au gouvernement d’agir pour cesser ces actions qu’ils qualifient de terroristes. Pourtant, à première vue, celles-ci semblent plutôt disparates et peu organisées entre elles.
La presse américaine s’est, elle aussi, emparée du sujet, en particulier du côté de l’extrême droite. Stanislav Vysotsky, professeur de criminologie spécialisé dans les mouvements sociaux à la University of the Fraser Valley, en sait quelque chose :
« On a vu l’information tourner en boucle sur les chaînes d’information d’extrême droite. Alors que le groupe Jane’s Revenge n’a revendiqué que quelques actions isolées et n’est jamais apparu comme un groupe ultra-organisé et donc dangereux, ces médias ont repris l’information comme si c’était le cas afin d’attiser la peur. »
Jane’s Revenge, groupe terroriste ou simples spéculations à des fins politiques ?
Relayer massivement l’information en boucle pour attiser la peur, c’est une technique bien connue des médias, et qui a déjà fait ses preuves. Pas de quoi s’étonner, alors, que certaines chaînes d’information y recourent encore, surtout en ce qui concerne Jane’s Revenge et à la veille des élections de mi-mandat prévues en novembre 2022, un enjeu capital pour les conservateurs, poursuit Stanislav Vysotsky :
« Les élections de mi-mandat qui arrivent sont un moyen pour les conservateurs de prendre la température pour les prochaines élections américaines. Il n’est donc pas étonnant de voir le camp des républicains attiser la peur de l’électorat tout en diabolisant les personnes qui sont pour l’avortement ».
Qu’il s’agisse d’un véritable groupe militant organisé ou de simples actes de vandalismes disparates comme il s’en produit quotidiennement à travers le pays, force est de constater que Jane’s Revenge n’a revendiqué aucune action depuis juillet 2022. Un indicateur que le droit à l’avortement reprend progressivement du terrain dans le pays ?
À en croire les récents sondages, une forte mobilisation du vote des femmes devrait commencer à changer la donne. Dans certains États, on en voit déjà les effets : en août dernier, à l’occasion d’un référendum, les électeurs du Kansas décidaient finalement de protéger le droit à l’avortement. De quoi rester optimiste pour la suite.
À lire aussi : De l’écriture à l’autodéfense : quand la colère féministe gagne du terrain
Crédit photo de Une : Capture d’écran Twitter.
Les Commentaires
Ca fait pas un peu double standard non ?
C'est ça ce que je voulais dire. Ils sont plus rapide pour parler de radicalisme dans certains cas que dans d'autres et sur la page de Jane's revenge, c'est au tout début contrairement aux 2 autres et vu qu'on est sur Internet et que les gens ont la flemme, ils vont retenir quoi les gens sur Wikipedia ?