Qu'est-ce que l'infidélité financière, et en quoi ça peut tenir de violences conjugales ?

Vous n’avez jamais entendu cette expression ? Pourtant, bien qu’elle puisse parfois faire sourire, l’infidélité financière fait des ravages dans bien des couples. Et elle est plus courante qu’elle n’y paraît.

Tout le monde se fait une idée plus ou moins arrêtée de ce que serait l’infidélité : une trahison douloureuse qui brise les couples, mais surtout, les cœurs. Eh bien, sachez que, côté finance, il est également possible d’être trompé. Mais alors, comment est-ce possible et qu’est-ce que l’infidélité financière ?

Qu’est-ce que l’infidélité financière ? Définition

On parle d’infidélité financière lorsque, dans un couple, l’un des deux conjoints dissimule volontairement un fait par rapport à l’argent, mettant l’autre personne dans une position de subordination.

Et si cette expression est encore peu répandue en France, les mensonges liés à l’argent sont, eux, très courants. En effet, selon une étude de la firme Léger pour le compte de Credit Canada et du Financial Planning Standards Council, 36 % des Canadiens avouent avoir raconté un mensonge à leur partenaire concernant leurs finances. Autre enquête relayée par le média CNBC, 1 américain sur 5 dissimulerait un compte bancaire ou une carte de crédit à son ou sa partenaire, soit près de 20% de la population. Des mensonges pas si rares que ça, donc. Odrée en a été une récente victime :

« J’ai découvert il y a quelques mois au moment de notre séparation que mon ex-conjoint, avec qui j’ai été en couple pendant 7 ans, payait un crédit mensuel de 400€ pour son ex-femme derrière mon dos. Il n’avait jamais d’argent, et, à part les courses, c’était toujours moi qui payais tout, pensant qu’il avait des soucis financiers. Au moment de notre séparation il y a quelques mois, nous avons même eu sur notre compte commun une saisie de la CAF pour le versement de la pension alimentaire de son ex-femme. Je n’étais évidemment pas non plus au courant de ce problème. »

L’infidélité financière, un facteur de séparation

Marie, quant à elle, a décidé de reprendre ses études il y a quelques années pour acquérir son indépendance financière et ainsi, pouvoir quitter son mari, qui ne cessait de lui mentir à propos de ses revenus et de ses dépenses :

« Il refusait que nous ayons un compte joint, et ce malgré nos douze ans de vie commune et nos deux enfants. L’argent n’était pas le conflit principal dans notre relation, mais c’est grâce à lui que j’ai pu me sortir de cette situation. Une fois mon diplôme en poche et un meilleur salaire, j’ai demandé le divorce. »

Suite à cette situation vécue comme une véritable trahison, Odrée s’est, elle aussi, séparée de son ex-conjoint. Et bien que cette tromperie n’ait pas été la seule raison de leur séparation, cet épisode a laissé des traces :

« Je suis désormais propriétaire de ma maison pour être indépendante financièrement à 100%. Je ne veux rien devoir à personne. Depuis cet événement, je n’arrive plus à faire confiance quand il s’agit des relations amoureuses. Je n’ai d’ailleurs plus vraiment envie de vivre avec quelqu’un. Être en couple, oui, mais avec chacun sa vie de son côté. Et chacun son compte en banque. »

Si la vie amoureuse d’Odrée est désormais marquée au fer rouge suite à cette infidélité financière, les conséquences de cette situation pour le moins traumatisante se font ressentir bien au-delà de sa propre vie. En effet, cela a totalement influencé sa façon d’éduquer sa fille :

« Je l’élève de sorte qu’elle soit, elle aussi, entièrement indépendante. Je veux qu’elle s’autorise à rêver grand, et à penser à elle en premier. »

L’infidélité financière, une pratique bien plus courante qu’on ne pourrait le croire

Si ces récits sont des témoignages individuels et que l’expression « infidélité financière » peut en faire sourire plus d’un, c’est pourtant une situation à laquelle de nombreuses personnes vivant en couple sont confrontées. Pauline, qui tient le compte Instagram Black Girl Boss dédié à la gestion financière et à l’investissement, peut en témoigner grâce aux nombreux messages qu’elle reçoit à ce sujet :

« C’est un sujet dont on ne parle pas beaucoup en société, car l’argent est un sujet tabou, et aussi parce qu’on a honte. Pourtant, des femmes m’écrivent très régulièrement au sujet de l’infidélité financière. C’est en réalité un sujet qui regroupe un large panel de situations : ça peut aller de la dissimulation de revenus, aux mensonges à propos d’un salaire, jusqu’à la souscription de crédit dans le dos de son ou sa partenaire. »

Afin d’aider les personnes abonnés à son compte, Pauline a décidé d’en parler. En faisant de la prévention via son compte Instagram, mais également pour conseiller les victimes, la plupart du temps avec de faibles revenus. Son but, libérer la parole sur le sujet pour éviter que le pire ne se produise même si, la plupart du temps, le mal est déjà fait :

« Quand les femmes viennent se confier à moi au sujet de l’infidélité financière, c’est qu’elles ont déjà été trompées. Mon rôle est donc de les aider à remonter la pente en les aidant à gérer leurs finances, mais également de faire de la sensibilisation.
Alors, voici mes conseils pour éviter de se faire piéger, et bien repérer les red flags : si, dans un couple, on sent qu’on ne peut pas parler d’argent librement, c’est qu’il y a anguille sous roche. Autre red flag : quand un des conjoints veut faire 50/50 sur les dépenses alors que les deux personnes n’ont pas le même salaire. »

L’infidélité financière fait partie des violences conjugales

Ces conseils pour repérer les éventuels dangers prodigués par Pauline vous rappellent peut-être le sujet des violences économiques. À l’instar de l’infidélité financière, il s’agit d’un phénomène très commun, mais pourtant encore difficile à identifier. Le sujet regroupe lui aussi plusieurs situations : prise de contrôle des dépenses, privation des ressources, de l’autonomie financière… Là encore, le sujet touche davantage les femmes que les hommes. Pour Marion Leguedard, avocate spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, l’infidélité économique n’est autre qu’une violence conjugale parmi tant d’autres :

« Juridiquement, l’infidélité financière n’est pas reconnue. Mais nous pouvons mettre ce phénomène dans le même panier que celui des violences économiques. L’idée, c’est qu’une seule personne dans le couple a la main mise sur les décisions liées à l’argent. Et c’est une violence dans la mesure où l’autre personne est dans une subordination par rapport à l’autre. »

Là encore, l’infidélité financière rejoint la question des violences économiques : bien qu’elle ne soit pas punissable par la loi et difficile à identifier, force est de constater que la position de vulnérabilité est un terrain propice aux abus et aux violences. Alors, en attendant de trouver une porte de sortie du patriarcat, il vaut mieux s’assurer l’indépendance économique à 100%. Quand on le peut évidemment.

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